Cancer colo-rectal : vers un nouveau test de dépistage

Guy Launoy et son équipe Inserm «Cancers et Populations» (à Caen) démontrent l'efficacité d'un nouveau test de dépistage du sang dans les selles. Cette méthode, qui permet l'analyse quantitative des résultats, se montre plus sensible que les tests actuels reposant sur une lecture visuelle des résultats. Appliquée à grande échelle, elle pourrait faire baisser de façon très significative l'incidence de ce cancer qui touche chaque année 36.000 personnes en France, et en tue près de la moitié. Le détail de ces résultats est publié dans l'International Journal of Cancer, édition avancée en ligne du 07 février.

Le cancer colo-rectal est le plus fréquent dans les pays occidentaux, avec le cancer du sein. Son incidence augmente régulièrement. Son dépistage est basé sur la détection, dans les selles, de traces de sang invisibles à l'oeil nu qui peut révéler la présence soit d'un polype pré-cancereux, soit d'une lésion cancéreuse. Il est alors possible d'en pratiquer l'ablation chirurgicale précoce. Les études suggèrent qu'avec l'utilisation du test de référence actuel, une diminution de 13 à 18% de la mortalité est théoriquement possible à condition de mettre en place une stratégie de dépistage appropriée. Toutefois, dans les conditions réelles, un tel bénéfice est difficile à être obtenu. « Certes, ce type de cancer bénéficiant d'une mauvaise image, les médecins peinent à convaincre leurs patients d'utiliser le test, explique Guy Launoy. Mais surtout, le test de référence actuel manque de sensibilité ». Les travaux de l'Inserm révèlent que cet inconvénient majeur peut être contourné grâce à l'utilisation d'un test immunologique qui réagit spécifiquement en présence d'hémoglobine humaine. Un tel test, dont les co ûts de révélation ont chuté ces dernières années pour atteindre des prix comparables à celui du test actuel, est désormais réalisé en opération de routine grâce à un automate de lecture fabriqué au Japon. L'appareil permet de standardiser les résultats et de les livrer sous forme quantitative.

Pour évaluer l'intérêt et la faisabilité de cette procédure, les chercheurs de l'Inserm ont bénéficié de la participation de tous les médecins généralistes de la circonscription de Cherbourg (45.000 habitants âgés entre 50 et 74 ans). Ces derniers ont proposé le test à leurs patients âgés de 50 à 74 ans (soit 7421 personnes), durant l'année 2001.

La consultation du registre des cancers en 2003 fait apparaître deux éléments : la sensibilité du test – c'est-à-dire sa fiabilité de résultat, avec une faible marge d'erreur (peu de « faux négatif », cas de cancer non détecté)– est de 85%, contre 50% seulement avec le test actuellement utilisé. En revanche, une perte de spécificité – c'est-à-dire une faible valeur prédictive du test, qui ne s'avère pas spécifiquement associé à la présence de la maladie – est constatée (94% contre 97% avec le test actuel).

Dans un second temps, cherchant à améliorer le rapport sensibilité/spécificité, les chercheurs caennais de l'Inserm ont simulé l'impact statistique d'une augmentation du seuil de positivité du test*. Lorsque celui-ci est fixé à 50 nanogrammes d'hémoglobine par millilitre de selles (contre 20ng/ml pour le test initial), la sensibilité décroît, mais elle reste encore bien au-delà de celle du test classique (environ 75% au lieu de 50%). Cette légère diminution permet cependant de gagner sur les autres critères.

La spécificité rejoint, dans ces conditions celle du test classique (97%). En outre, la valeur prédictive atteint dans ce cas 50%. Autrement dit, la moitié des personnes testées positivement ont effectivement développé un cancer (21%) ou un polype adénomateux (28%), contre un tiers avec le test classique.

Ces résultats encourageants ont suscité la mise en place d'une étude comparant les deux tests sur une population de 180.000 personnes dans la région Nord-Ouest. Si les nouvelles données confirment la supériorité du test immunologique, une nouvelle stratégie de dépistage de masse du cancer colo-rectal pourrait être envisagée

* Si le taux d'hémoglobine est inférieur au seuil fixé, le résultat est déclaré négatif et le (la) patient(e) est invité à le renouveler le test deux ans plus tard. Si le taux est supérieur, le test est positif et une coloscopie est prescrite.

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Pour en savoir plus :

· Source

"Evaluation of an immunochemical fecal occult blood test with automated reading in screening for colorectal cancer in a general average-risk population"

Guy D. Launoy (1), Hughes J. Bertrand (2), Celia Berchi (1), Vincent Y. Talbourdet (2), Anne Valérie N. Guizard (2), Véronique M. Bouvier (1) and Emile R. Caces (3)

1 = ERI 3 Inserm « Cancers et Populations », Faculté de Médecine, Caen

2 = Registre des cancers de La Manche, Tours

3 = Institut Régional pour la Santé, Tours

International Journal of Cancer, édition avancée en ligne du 07 février 2005

· Contact chercheur

Guy Launoy

Directeur ERI3 Inserm « Cancers et populations :

facteurs de risque, dépistage, pratiques diagnostiques et thérapeutiques », Caen

Tél : 02 31 06 51 20

Fax : 02 31 53 08 52

Mail : launoy@medecine.unicaen.fr

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