Conférence de presse du Groupe de travail chargé d'analyser les données sanitaires relatives aux anciens combattants français de la guerre du Golfe

Présentation du rapport par le Professeur Salamon, Chef de Service , Directeur de l'Unité INSERM 330 au CHU de Bordeaux et Directeur de l'ISPED, en présence de Monsieur Alain Richard et de Monsieur Bernard Kouchner

Ministère de la Santé - Paris le 24 avril 2001

Présentation du rapport par le Professeur Salamon, Chef de Service , Directeur de l'Unité INSERM 330 au CHU de Bordeaux et Directeur de l'ISPED, en présence de Monsieur Alain Richard et de Monsieur Bernard Kouchner

Ce rapport a été élaboré, en toute indépendance, sous la présidence du Professeur Salamon par un Comité d'experts :

- le Docteur Annick Alperovitch - Directeur de Recherche INSERM U 360,

- le Professeur Françoise Conso - Professeur de Médecine du Travail Hôpital Cochin,

- Madame Marthe-Aline Jutand - Professeur agrégé de Mathématiques et Statistiques Institut de Santé Publique, d'Epidémiologie et de Développement,

- le Médecin Chef Jean Paul Boutin - Médecin au Service de Santé des Armées de Marseille,

- le Docteur Yves Coquin - Directeur adjoint à la Direction Générale de la Santé,

- le Docteur Christophe Paquet - Epidémiologiste à l'Institut de Veille Sanitaire,

- le Professeur Frédéric Rouillon - Professeur en Psychiatrie à l'hôpital Chenevrier

- le Professeur Pierre Weinbreck - Professeur en Maladies Infectieuses au CHU de Limoges

Ce comité d'experts a disposé de six mois pour répondre à deux questions :

- existe-t-il un syndrome spécifique de la guerre du golfe ?

- quelles sont les bonnes études à mener ?

Le travail fait a porté sur une étude des demandes de pensions à partir de 200 fiches administratives et essentiellement sur une importante bibliographie, référençant 350 articles scientifiques et anglo-saxons concernant principalement des vétérans américains, anglais, canadiens, danois et australiens.

Les difficultés de ce travail ont été multiples :

- qualitatives : la qualité des travaux publiés était extrêmement variable

- méthodologiques :

- mélange d'études exhaustives et par sondages non toujours représentatifs, absence fréquente de groupes témoin

- difficultés de recueil des données: les questionnaires étant remplis très à distance des événements, existence de biais déclaratifs

- peu de données sur les expositions,

- difficultés pour l'expert que l'on peut appeler l'impossible réfutation c'est à dire que l'existence d'une différence entre le groupe étudié et le groupe témoin peut être mise en évidence par les statistiques (avec un pourcentage d'erreur), mais si cette différence n'existe pas, le statisticien ne pourra jamais démontrer cette inexistence

D'après le rapport présenté :

- il n'y a aucun excès de mortalité ( publié ou démontré) chez les militaires exposés à la Guerre du Golfe, si ce n'est une sur mortalité par accidents de la route, liée, soit à un biais de sélection, soit l'existence de rapports différents au danger en période d'après guerre

- aucun effet délétère n'a été retrouvé et publié sur la descendance des soldats

- aucune augmentation des maladies nosographiées n'a été mise en évidence

- on retrouve une très légère augmentation des hospitalisations, liée au fait que les militaires concernés ont été systématiquement hospitalisés pour bilan

- il n'y a aucune modification des indicateurs classiques

Par contre, au travers de tous les travaux publiés, il ressort que tous les vétérans américains ou anglais, présentent des signes fonctionnels statistiquement en excès par rapport au groupe témoin .

Ces signes et symptômes sont très divers, de nature essentiellement fonctionnelle : fatigue, troubles cognitifs, troubles de la mémoire ou de concentration, troubles de l'humeur (vécu dépressif, anxiété, insomnie), troubles musculo-squelettiques (arthralgies, myalgies, raideurs articulaires).

Néanmoins, compte tenu de la diversité des plaintes, aussi bien dans leur localisation, leur mécanisme ou leur étiologie et l'existence de signes fonctionnels identiques dans les groupes témoins militaires non déployés (avec une différence quantitative, certes), il n'est pas licite d'employer le terme de syndrome, et le terme de Syndrome du Golfe en tant qu'entité clinique ne peut donc pas être scientifiquement retenu.

Les facteurs d'exposition ont vraisemblablement un rôle qu'il conviendra de préciser,

mais aucune cause unique n'est à ce jour mise en évidence : rien ne permet de considérer l'uranium appauvri comme responsable d'augmentation de signes, pas plus que les fumées des puits de pétrole en feu. L'hypothèse d'une relation avec la pyridostigmine ne peut être exclue (mais l'importance de cette substance toxique a vraisemblablement été surestimée), le Sarin n'a vraisemblablement pas eu d'impact, par contre, il reste des incertitudes et des controverses sur les effets, à long terme, des expositions prolongées à faibles doses aux pesticides organophosphorés.

On remarque que les vaccinations itératives, multiples et rapprochées, dans un contexte de stress ou en association avec les organophosphorés, apparaissent comme un facteur de risque, et que par ailleurs le rôle de l'alumine, adjuvant des vaccins reste à préciser. La participation du stress est certaine dans cette symptomatologie mais encore peu définie.

Les recommandations françaises :

Tout d'abord, la situation française est très vraisemblablement différente de celle des USA , les stratégies vaccinales ont été différentes, la présence de médecins et de psychiatres sur le terrain a certainement eu un rôle préventif et les conditions ont certainement été plus " favorables ".

Il apparaît indispensable, en l'état actuel des choses :

- de mener une étude par auto questionnaire sur les 25 000 vétérans qui ont participé à la guerre du Golfe, complétée d'un possible bilan clinique effectué dans les hôpitaux publics ou militaires permettant ainsi de faire un bilan objectif des plaintes, de quantifier les troubles cliniques et paracliniques des vétérans qui consulteront dans des hôpitaux civils (CHRU) ou Militaires. Cette enquête (conçue par un collège indépendant) devra respecter les règles de confidentialité, d'indépendance et de liberté du patient. Le mode de recueil devrait être un courrier à tous les personnels concernés, avec auto questionnaire et protocole standardisé du bilan complémentaire. Cette procédure devrait pouvoir être extrapolé aux civils ayant travaillé dans les mêmes zones que les militaires, à condition que leur recensement soit possible.

- d'étudier les causes des décès des militaires, les taux de mortalité toutes causes et par cause devront être comparés à ceux de la population générale et à ceux de populations militaires autres

- de mettre en place une étude sur les effets des stimulations antigéniques répétées liées aux vaccinations, en présence de co facteurs comme le stress, les pesticides et autres précités

- de créer un Observatoire de la Santé apte à surveiller les risques chez les militaires dans les différents conflits, permettant un véritable suivi épidémiologique à moyen et à long terme. Cette initiative, approuvée largement par le Ministère des Armées, serait une vraie nouveauté .

La totalité de ces recommandations a été approuvée par les deux ministres commanditaires du projet.

Monsieur Bernard Kouchner a insisté sur la volonté de transparence des Pouvoirs Publics

en la matière qui rendront publics tous les rapports demandés.

L'étude épidémiologique et les examens cliniques standardisés feront l'objet d'une étude par l'Inserm U330, sur 2 à 3 ans, grâce à un financement commun des Ministères de la recherche et des Armées.

L'étude de mortalité sera financée par l'INVS et les services de Santé des Armées, il s'agira d' une étude longue qui devrait s'étendre aux vétérans des Balkans.

Les recherches en amont sur l'usage des vaccins se feront en commun entre l'INVS, l'Afssaps et le Service de santé des Armées.

Enfin, il apparaît souhaitable que le travail épidémiologique se poursuive sous l'égide du comité d'experts du professeur Salamon.

Dr Françoise Girard

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