Fruits et légumes dans la prévention de l'ostéoporose : de nouvelles preuves

La diminution de la densité osseuse affecte l'os trabéculaire (tassements vertébraux) et cortical (fractures du col du fémur). Sa prévalence atteint 40 % chez les femmes, ce qui souligne l'importance du déficit en oestrogènes après la ménopause.

Moins d'ostéoporose dans les pays méditerranéens

L'ostéoporose dépend de facteurs génétiques et environnementaux. En Europe, son incidence varie avec l'ensoleillement et les habitudes alimentaires des différents pays. Elle est la plus faible dans le bassin méditerranéen où l'on consomme beaucoup de fruits et légumes. Le discours de prévention s'est surtout focalisé sur l'apport alimentaire en calcium. Cela se justifie en partie dans la mesure où l'os est composé à 85 % de cristaux d'hydroxyapatite [(Ca10(PO4)6 (0H)2] et pour 15 % de carbonates de calcium, phosphates de magnésie, fluorures de calcium, silice et sels sodiques.

La teneur en calcium des fruits et des légumes étant relativement modeste, leur rôle a pu paraître secondaire, notamment dans l'acquisition du pic de masse osseuse vers l'âge de 20 ans. Si les facteurs nutritionnels et environnementaux n'interviennent qu'à hauteur de 10 à 20 % sur l'acquisition du capital osseux, ils peuvent influencer la survenue de l'ostéoporose au cours du vieillissement. L'os est en remodelage permanent sous l'action des ostéoblastes et des ostéoclastes.

L'ostéopénie liée à l'âge résulte d'un déséquilibre entre la formation et la résorption. L'accélération des processus de dégradation est particulièrement marquée chez la femme ménopausée

Prévention : des facteurs nutritionnels nouveaux

Jusqu'à présent, la prévention nutritionnelle de l'ostéoporose a surtout consisté à accroître les apports alimentaires en calcium en vue d'augmenter le capital osseux ou de ralentir sa perte. L'efficacité de cette approche a des limites car il existe un contrôle endocrinien rigoureux du métabolisme calcique. Quant au traitement oestroprogestatif de substitution, même s'il est efficace pour lutter contre l'ostéopénie post ménopausique, son impact est limité en pratique par sa faible observance (seulement 10 à 30 % des femmes s'y astreignent). Si la seule élévation du calcium alimentaire ne suffit pas à prévenir l'ostéoporose, il y a tout lieu de s'interroger sur les autres facteurs nutritionnels. Les effets négatifs d'un excès de consommation de protéines et de sel ont souvent été soulignés, mais des recommandations de restriction ne suffisent pas à guider un comportement nutritionnel de prévention. L'état de la question semblait relativement figé jusqu'à la publication récente de plusieurs articles montrant les effets protecteurs d'une consommation élevée de fruits et légumes sur la survenue de l'ostéoporose.

Le rôle des végétaux alcalinisants

Par quels mécanismes ? Le premier repose sur l'effet alcalinisant des fruits et légumes. Dans tous les végétaux, il existe un large excès de potassium, magnésium et calcium par rapport au phosphore. Ces cations sont principalement neutralisés par divers acides organiques. Une fois absorbés, ces derniers sont métabolisés, ce qui permet aux cations d'excercer un effet alcalinisant bien connu : l'urine des populations végétariennes est nettement plus alcaline que celles des populations carnivores. Chez ces dernières, l'acidité provient du métabolisme des acides aminés soufrés et la consommation de fruits et légumes associés à de la viande permet de rétablir le pH urinaire. Or l'ingestion d'aliments acidifiants ou alcalinisants a un effet sur l'os, car le squelette joue un rôle dans l'équilibre acido-basique en délivrant du calcium chaque fois qu'il y a un excès d'acides disponibles. En exerçant une "pression alcalinisante" permanente, les fruits et légumes préviendraient la perte de calcium osseux, grâce notamment à leur richesse en potassium (l'ingestion de citrate de potassium est connue pour diminuer fortement la calciurie).

La maîtrise du pouvoir alcalinisant est donc un atout remarquable pour la prévention nutritionnelle de la perte osseuse. On a tout intérêt à associer les aliments en fonction de leur impact sur l'équilibre acido-basique : il n'est pas judicieux d'associer des aliments acidifiants (œufs, poissons, viandes) avec des céréales raffinées (pain, pâtes, riz blanc) dépourvues de pouvoir alcalinisant, si le repas ne comprend pas une proportion suffisante de fruits et légumes, à fort pouvoir alcalinisant.

Polyphénols & phyto-oestrogènes

Si les végétaux ont une composition minérale intéressante pour la prévention de l'ostéoporose, leur efficacité est renforcée par la présence de micronutriments. L'intérêt des vitamines K et C a souvent été rapporté mais il semble exister d'autres micronutriments protecteurs. Des travaux récents ont mis en évidence un effet très puissant de légumes comme l'oignon dans la prévention de l'ostéoporose. Dans notre Laboratoire, Horcajada-Molteni et al. (2000) ont montré que cet effet était probablement dû à la quercétine, un des flavonols majeurs des fruits et des légumes. Ces derniers posséderaient une large gamme de polyphénols à propriétés phyto-oestrogéniques, moins connus que les phyto-œstrogènes "classiques" du soja ou du lin.

Il est finalement remarquable qu'une nutrition équilibrée, en particulier suffisamment riche en fruits et en légumes, soit une des meilleure façons de préserver son capital osseux. Le discours nutritionnel a longtemps mis l'accent sur le seul calcium ingéré pour prévenir l'ostéoporose.

A la lumière de ces nouvelles données, il faut souligner le rôle clé des fruits et légumes via leur pouvoir alcalinisant et leur richesse en micronutriments protecteurs tels que les polyphénols aux propriétés phyto-oestrogéniques.

Références bibliographiques

Barzel U.S., 1995. The skeleton as an ion exchange system : implications for the role of acid-base imbalance in the genesis of osteoporosis. J. Bone Miner. Res. 10 :1431-1436.

Horcajada-Molteni M.N., Crespy V., Coxam V., Davicco M.J., Rémésy C., Barlet J.P., 2000. Rutin inhibits ovariectomy-induced osteopenia in rats. J. Bone Miner. Res. (sous presse).

Mühlbauer R.C., Li F., 1999. Effects of vegetables on bone metabolism. Nature 401 :343-344.

New S.A., Robins S.P., Campbell M.K., Martin J.C., Garton M.J., Bolton-Smith C., Grubb D.A., Lee

S.J., Reid D.M., 2000. Dietary influences on bone mass and bone metabolism : further evidence of a positive link between fruit and vegetable consumption and bone health ? Am. J. Clin. Nutr. 2000 :142-151.

Tucker K.L., Hannan M.T., Chen H., Cupples L.A., Wilson P.W.F., Kiel D.P., 1999. Potassium, magnesium, and fruit and vegetable intakes are associated with greater bone mineral density in elderly men and women. Am. J. Clin. Nutr. 69 : 727736.

Pr Christian Rémésy

- Mai 2000 - Source APRIFEL (Equation-Nutrition n°5)

INRA, Unité Maladies Métaboliques et Micronutriments, CRNH

APRIFEL - Agence pour la Recherche et l'Information en Fruits et Légumes frais

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