De meilleurs soins dans le post-partum sauvent des vies

 Sur 585.000 femmes qui meurent chaque année de complications de grossesse, environ une sur quatre succombe à une hémorragie, selon une analyse de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). L'infection (la septicémie) est responsable d'une mort sur six. Les autres causes majeures comprennent l'éclampsie et d'autres troubles de la tension artérielle, et l'accouchement dystocique.1 La plupart de ces décès se produisent dans les pays en développement, et pourraient être évités si ces femmes avaient accès à des soins de qualité.

Pour chaque décès maternel, il y a aussi des centaines de femmes qui souffrent de morbidité. Une étude coordonnée par FHI dans quatre pays a trouvé qu'au Bangladesh, pour chaque décès maternel, 153 femmes avaient subi des morbidités sérieuses, voire mortellement grave ; en Inde le nombre était de 175, en Egypte de 297, et en Indonésie de 908. Parmi les complications, il y avait des hémorragies, des convulsions, des déchirures vaginales, et des fièvres prolongées, dont certaines peuvent causer des conditions débilitantes chroniques.2

Les stratégies de prévention se sont traditionnellement concentrées sur la période prénatale et la période de l'accouchement, mais une analyse récente a conclu que le post-partum constitue aussi un moment critique. "Aussi bien aux Etats-Unis que dans les pays en développement, plus de 60 pour cent des décès maternels surviennent pendant le post-partum" a rapporté l'analyse de neuf études publiées depuis 1985. Les causes les plus communes de ces décès étaient l'hémorragie, les complications de tension artérielle liées à la grossesse, et l'infection obstétrique. Près de la moitié de ces décès se produisirent moins de 24 heures après l'accouchement, et 80 pour cent des décès survinrent dans les deux semaines qui suivent la naissance. Ironiquement, le moment traditionnel de la première visite du post-partum pour la mère et son enfant est à six semaines, moment auquel il n'y a plus beaucoup de risque de mortalité maternelle.3

Pour adresser ce besoin, un panneau d'experts en matière de soins du post-partum de l'OMS a été réuni et l'on s'attend à ce qu'ils recommandent avant la fin de l'année que les mères aient un examen médical dans les trois jours qui suivent l'accouchement. "Une visite médicale effectuée tôt dans le post-partum peut aider à éviter que la mère ou son enfant contracte la fièvre, la septicémie, des saignements abondants, ou une hémorragie secondaire du post-partum", dit Jerker Liljestrand, chef du Maternal and Newborn Health and Safe Motherhood Programme de l'OMS (le programme pour la santé maternelle et infantile et la maternité sans risque), qui fut responsable de la coordination du panneau d'experts. "La visite traditionnelle du post-partum, six semaines après la naissance, n'est pas basée sur la science."

"Nous devons prêter beaucoup plus d'attention à la période du post-partum", affirme le docteur Judith Fortney, directrice des affaires scientifiques de FHI et experte en santé maternelle. "Autrefois, une infirmière de santé publique venait rendre visite à la mère quelques jours après l'accouchement. Mais de nos jours, que ce soit dans un pays en développement ou un pays industrialisé, cela ne se fait plus. On renvoit souvent les femmes des centres et des hôpitaux seulement six heures après avoir accouché. Beaucoup de choses peuvent mal tourner dans les premiers jours."

Il est important que les membres de la famille réalisent que les soins d'urgence peuvent s'avérer nécessaires après l'accouchement, dit elle. "Une mère peut mourir d'une perte de sang lente", explique le docteur Fortney. "Elle pourrait avoir une fièvre élevée qui indiquerait une infection. Ou si la lactation n'est pas bien établie, le bébé pourrait se déshydrater."

Les risques pour la santé

Les taux de mortalité et de morbidité maternelles baissent lorsque les femmes ont moins de grossesses, dit le docteur Fortney. "La planification familiale réduit le nombre total de grossesses, faisant ainsi baisser le nombre de décès et de morbidités qui sont liés aux grossesses", explique-t-elle. "Mais la planification familiale n'a aucun effet sur les risques obstétricaux une fois qu'une femme est enceinte. Il faut donc aussi réduire les risques associés à la grossesse. Pour faire cela, nous devons nous concentrer sur l'amélioration de l'accès aux services obstétricaux de bonne qualité."

L'utilisation accru des contraceptifs peut avoir un impact sur le taux de mortalité maternelle, qui considère le nombre de décès maternels pour 100.000 femmes âgées de 15 à 49 ans. Toutefois, la planification familiale n'a aucun effet sur le rapport des décès maternels aux naissances vivantes, puisque ce chiffre tient seulement compte des femmes qui sont enceintes. Donc, la plupart des études sur les efforts d'intervention se servent d'une baisse du rapport de mortalité maternelle pour indiquer le succès de l'intervention. Dans les pays en développement, pour 100.000 naissances vivantes, il y a 480 femmes qui meurent, ce qui représente un rapport 18 fois plus élevé que dans les pays industrialisés. L'Afrique, qui affiche seulement 20 pour cent des naissances du monde, enregistre environ 40 pour cent de tous les décès maternels.4

Les risques pour la santé relatifs à la grossesse sont plus importants chez les femmes qui ont plus de 40 ans et celles qui ont moins de 16 ans. Les risques sont aussi plus élevés pendant la première grossesse. Cependant, n'importe quelle femme peut avoir des complications soudaines et imprévisibles pendant l'accouchement. Pour cette raison, toutes les femmes ont besoin d'avoir un accès rapide à des soins obstétricaux de qualité, pas seulement celles qui sont à haut risque. Une étude bien connue au Bangladesh a trouvé que 43 pour cent des décès maternels se produisaient chez les femmes de 20 à 30 ans, qui représentent la tranche d'âge avec le plus grand nombre de naissances mais aussi le risque relatif le plus bas.5

"Le plus grand nombre de décès se trouvent en fait chez les femmes à 'faible risque'", explique Deborah Maine de Columbia University et ses collègues dans une analyse récente de données sur la santé reproductive. "Nous ne savons peut-être pas comment prédire ou prévenir la plupart des complications obstétricales, mais nous savons certainement comment les traiter."6

En 1950, on savait déjà comment prendre en charge la plupart des complications obstétricales dans les pays industrialisés, grâce à l'introduction de procédures améliorées de chirurgie obstétricale, de meilleures techniques aseptiques, des antibiotiques, de l'ocytocine (une drogue qui fait que l'utérus se contracte et réduit ainsi les saignements), des transfusions sanguines et des banques de sang, et de la prise en charge de l'éclampsie (les convulsions). Bien que la plupart de ces mesures puissent aussi être prises dans les endroits qui manquent de ressources, les soins obstétricaux de qualité ne sont pourtant toujours pas disponibles pour la plupart des femmes des pays en développement.

L'amélioration des soins n'est pas toujours chère. Un hôpital régional d'une zone rurale de Tanzanie a trouvé que des interventions peu coûteuses causaient une baisse prononcée du taux de décès maternels de l'hôpital. Le nombre de décès maternels est passé de 28 en 1984 à huit en 1991. Pendant la même période de temps, le nombre annuel d'accouchements a lui augmenté, de 3.000 à près de 4.300. Un grand nombre des interventions (22 en tout) étaient centrées sur la motivation et le renfort du personnel afin qu'ils prêtent plus d'attention aux problèmes et qu'ils aient le soutien nécessaire pour s'occuper des urgences.

A l'occasion de réunions mensuelles, les coordinateurs informaient le personnel sur les évènements du mois passé et sollicitaient les idées des employés à tous les niveaux, y compris celles des garçons de salle et des aides soignantes. Des activités de formation aidaient à maintenir les compétences, y compris la bonne observation des procédures de stérilisation et de désinfection du matériel. De meilleures routines furent introduites pour la prise en charge des cas d'anémie sévère. Les plaintes au sujet de la prise en charge des patients furent adressées. Tous les membres essentiels du personnel furent logés à l'intérieur de l'enceinte de l'hôpital, ce qui les rendit faciles à joindre en cas d'urgence. Les provisions de drogues furent mieux organisées et l'on entreposa une petite réserve pour les pénuries imprévisibles.

"Bien que la pauvreté continuait à sévir ou même empirait, des interventions spécialement adaptées à des domaines particuliers tendaient à améliorer le moral et les attitudes du personnel, et ceci en dépit du manque de ressources", rapporte le docteur Godfrey Mbaruku, responsable de l'étude.7

Une autre étude a analysé l'effet d'une intervention à base communautaire exécutée par des sages-femmes, sur la mortalité maternelle. Pendant trois ans, dans la région du Matlab au Bangladesh, des sages-femmes professionnellement formées ont travaillé avec des agents de santé communautaire et des accoucheuses traditionnelles pour suivre de près et adresser les complications de grossesse et d'accouchement. Les sages-femmes devaient aider à prodiguer les soins prénataux, assister à autant d'accouchements à domicile que possible, déceler et prendre en charge les complications obstétricales, et accompagner les patientes qui avaient besoin d'être adressées à des soins de plus haut niveau à la maternité centrale du projet. Le groupe de comparaison était composé de plusieurs villages avec un rapport de mortalité maternelle similaire pendant les trois années préalables à l'intervention, et qui eux n'avaient pas de sages-femmes.

Au cours des trois années de l'intervention, le rapport de mortalité maternelle des régions où se trouvaient les sages-femmes étaient inférieur de 63 pour cent à celui des villages du groupe de comparaison, avec un taux de 140 décès pour 100.000 naissances vivantes comparé à 380 décès dans la zone de contrôle.

"La survie maternelle peut être améliorée en assignant des sages-femmes au niveau des villages, à condition qu'elles soient convenablement formées, et qu'elles aient les moyens nécessaires ainsi que de la supervision et de l'appui", a conclu l'étude.8 Une étude subséquente de cette intervention au Matlab a révélé qu'il y avait d'autres facteurs tout aussi importants que l'utilisation des sages-femmes, notamment la disponibilité des opérations césariennes et des transfusions sanguines à l'hôpital local.9

En Afrique de l'ouest, dix projets qui sont coordonnés par l'intermédiaire de l'Université Columbia dans le cadre de son réseau pour la prévention de la mortalité maternelle (Prevention of Maternal Mortality Network -- PMM), se sont concentrés depuis près de dix ans sur différentes interventions. Lorsqu'une femme a une complication obstétricale, sa survie peut dépendre du temps qui s'écoule avant qu'elle ne reçoive des soins d'urgence adéquats. Le projet de PMM a identifié trois délais critiques : le temps qui s'écoule avant que la personne décide d'aller chercher des soins, le temps nécessaire pour le trajet à l'hôpital ou au dispensaire, et le temps d'attente avant de recevoir les soins une fois arrivée.

La PMM met l'accent sur la tâche de s'assurer que les centres de soins obstétricaux soient capables de fournir de bons services, ce qui pourrait réduire les délais du troisième type. "Ce n'est pas logique (et peut-être même peu éthique) d'encourager les gens à chercher des traitements pour les problèmes liés à la grossesse avant d'avoir vérifié que les services obstétricaux fonctionnent convenablement", explique un rapport de PMM.10

Les améliorations apportées aux soins obstétricaux d'urgence comprennent la restauration des salles d'opération qui n'étaient pas en bon état de marche, l'instauration de banques de sang, le développement d'un fonds renouvelable pour l'achat des drogues, l'amélioration du système de maintien des dossiers médicaux, et la formation des internes, des infirmières, et des sages-femmes.

Les projets de PMM abordèrent aussi les deux autres délais, lorsque les soins obstétricaux sont envisagés par la cliente et le temps du transit au centre. Pour adresser les délais encourus en route vers le centre, les projets ont aidé à développer les moyens de transport et les systèmes de communication. Et pour répondre au délai préliminaire, les efforts d'information et d'éducation au sein de la communauté ont encouragé les familles à se procurer des services d'urgence.


Network, Printemps 1997, Volume 17, Numéro 3.
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© Copyright 1999, Family Health International (FHI)



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