Planification familiale : une nécessité en post-abortum

Un facteur important à considérer afin d'avoir des services de haute qualité est le fait que les femmes en post-partum et celles en post-abortum ont souvent des besoins différents en matière de reproduction.

 Chez les femmes ayant subi un avortement, la fécondité se rétablit rapidement, parfois 14 jours seulement après l'intervention. Afin d'aider ces femmes à prévenir d'autres grossesses non désirées, il est essentiel que les prestataires de santé puissent offrir en temps voulu des services de planification familiale.

Selon un rapport rédigé par des experts internationaux de la santé réunis à Bellagio (Italie), la planification familiale est une composante essentielle des soins de qualité pendant le post-abortum.1 Le traitement d'urgence des suites et des complications des avortements à risque, traitement qui contribue à réduire la mortalité et la morbidité maternelles, de même qu'une étroite collaboration entre les services d'urgence et les services complets de santé reproductive sont aussi des facteurs importants améliorant l'état de santé global des femmes.

"Au lieu de se contenter de donner un traitement médical d'urgence, les prestataires doivent apprendre à leur patiente qu'elle peut éviter ce problème à l'avenir", indique le docteur Khama Rogo, président de la Kenya Medical Association et expert en soins du post-abortum, qui participa aux rencontres de Bellagio. "C'est là le point essentiel. Ils doivent lui dire qu'il existe un moyen d'empêcher une grossesse non désirée."

Pour Meena Cabral, coordinatrice des programmes auprès de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), les prestataires devraient au moins informer les femmes du rétablissement rapide de leur fécondité. "On devrait leur expliquer qu'il existe toute une gamme de méthodes contraceptives pouvant répondre à différentes situations et à différents besoins", dit-elle. "Si leur service de santé ne peut pas administrer ces moyens directement, les prestataires devraient indiquer aux femmes où se les procurer."

Les services de planification familiale offerts en post-abortum peuvent contribuer à réduire le nombre de grossesses non désirées et d'avortements à risque, et, en conséquence, celui des décès maternels. L'OMS estime que 20 millions de femmes subissent chaque année un avortement dangereux et que 70.000 d'entre elles meurent des suites d'une telle intervention, sans compter les milliers de cas de complications majeures et de séquelles, qu'il s'agisse d'infection ou de stérilité par exemple.2 Dans le monde entier, quelque 13 pour cent des décès maternels sont dus à de tels avortements et ce chiffre atteint même 60 pour cent dans certains pays. L'Amérique latine, la Russie et l'Afrique ont les plus forts taux d'avortements à risque.

Pourtant, malgré les recommandations en faveur d'une planification familiale en post-abortum, counseling et services sont souvent inexistants. Au Vietnam par exemple, près de la moitié d'un groupe de 500 femmes traitées pour complications après un avortement déclarèrent n'avoir reçu aucune information sur le sujet dans le centre ayant effectué l'intervention.3 Ailleurs, au Ghana, une enquête conduite auprès de 29 femmes admises dans des hôpitaux de district a montré que 25 d'entre elles ne furent pas prévenues avant leur sortie qu'elles pourraient retomber enceintes dès la reprise des rapports sexuels. Une seule patiente apprit comment se procurer un moyen contraceptif une fois retournée chez elle.4 Et à Oaxaca, au Mexique, une étude menée parmi 132 patientes en post-abortum a révélé que 58 pour cent d'entre elles ne bénéficiaient d'aucune information sur la planification familiale. Sur les 42 pour cent restant, elles informées, 70 pour cent ont opté pour une méthode de contraception, mais près de la moitié devaient accepter une méthode différente de celle qu'elles avaient choisie.5

Quand des services de planification familiale sont proposés en post-abortum, les femmes en tirent souvent profit. Au Zimbabwe, les hôpitaux de Harare Central et de Parirenyatwa ont un programme offrant de tels services. Les chercheurs ont interrogé plus de 1.300 femmes pour découvrir que le taux d'acceptation de la contraception était passé de 46 pour cent à 97 pour cent après la mise en place du programme.6 Par ailleurs, dans un hôpital en Egypte où la planification familiale fut intégrée aux soins du post-abortum en adressant les patientes à un centre au sein même de l'établissement, le taux de femmes déclarant vouloir utiliser la contraception est passé de 37 pour cent à 62 pour cent.7

Services d'urgences

Selon les experts, il est nécessaire de mieux intégrer la planification familiale aux services d'urgence. Mais les centres d'urgence ont leurs propres priorités et dispensent leurs soins d'une manière différente de celle des programmes de planification familiale.

"Les femmes présentant des complications après un avortement se rendent dans les salles d'urgences des hôpitaux et non dans les centres de planification familiale", explique Charlotte Hord de l'IPAS, un organisme basé aux Etats-Unis et spécialisé dans les soins en post-abortum. "L'hôpital dispense des soins curatifs, alors que la planification familiale est considérée une forme de prévention. La plupart des personnels des salles d'urgences n'ont pas de formation en planification familiale et ne disposent d'aucun moyen de contraception sur place."

Une évaluation officieuse faite en Turquie par l'AVSC International a révélé l'absence de relations étroites entre les centres pratiquant l'avortement et les services de planification familiale. Le plus souvent, les soins du post-abortum, la stérilisation et les méthodes réversibles de contraception étaient dispensés dans trois services hospitaliers séparés.8 Au Pérou, une première évaluation effectuée dans les hôpitaux publics a montré que la planification familiale n'était que rarement offerte en post-abortum. Pour en bénéficier, il fallait en général que les femmes se rendent dans un centre de consultations externes accessible les jours ouvrables pendant quelques heures seulement.

Bien d'autres facteurs peuvent limiter l'accès à la planification familiale, comme le manque de temps ou de formation des prestataires, leur mauvaise connaissance des moyens contraceptifs féminins à recommander après un avortement, une formation axée sur les soins cliniques et omettant le counseling en planification familiale, une attitude de reproche des prestataires envers les patientes ayant subi un avortement, une incapacité à comprendre les perspectives et les besoins des clientes, ou encore le souci d'une baisse de leurs revenus chez les prestataires pratiquant l'avortement.

De plus, il arrive que des restrictions sur le plan politique soient imposées à des groupes particuliers. Dans certains hôpitaux publics par exemple, les adolescentes constituent un nombre important des patientes en post-abortum, mais les politiques en place ou les tabous culturels interdisent à ces jeunes femmes ou même aux patientes non mariées d'accéder aux services de planification familiale.

Il arrive aussi qu'une femme en post-abortum ne soit pas disposée à un counseling, car elle est déjà préoccupée par sa convalescence, sa sortie de l'hôpital ou son souci de cacher à sa famille ou aux autorités le motif de son hospitalisation. Une étude de l'AVSC menée en Colombie dans trois centres de santé chez des patientes en post-abortum a montré que celles-ci sont souvent trop affligées pour pouvoir s'intéresser à la planification familiale. "Même si vous disposez de moyens contraceptifs et d'un prestataire motivé, il est difficile d'atteindre des patientes qui sont souvent trop nerveuses, irritées ou distraites avant l'intervention chirurgicale", dit Andrea Eschen de l'AVSC.

Si chaque femme en post-abortum doit savoir que sa fécondité se rétablira rapidement, il est pourtant inapproprié, lorsqu'elle est souffrante, stressée ou simplement non disposée, de lui demander de choisir une méthode contraceptive à effet prolongé ou permanent, ou encore impliquant l'intervention d'un prestataire. L'IPAS recommande pour ces patientes des moyens temporaires, comme le préservatif, tout en prévoyant une date ultérieure pour considérer d'autres options. Les prestataires de santé doivent expliquer à chaque femme comment se procurer des contraceptifs après son retour dans la communauté. Les experts insistent également sur le fait que l'acceptation préalable d'une méthode contraceptive par la femme ne doit jamais être exigée avant un traitement pour complications en post-abortum.

N'oubliez pas le counseling

Dans le nord du Nigéria, à l'Ahmadu Bello University Teaching Hospital, on peut lire ce panneau sur le mur : "Docteurs : n'oubliez pas le counseling en planification familiale avec vos patientes." Aux clientes en post-abortum, l'hôpital propose sur place une information et des services de planification familiale. Au cours des trois dernières années, environ 40 pour cent de ces patientes ont accepté une méthode de contraception, alors que le taux national d'utilisation de telles méthodes n'est que de six pour cent.9

L'information et le counseling jouent un rôle primordial dans la fourniture de services de planification familiale aux clientes en post-abortum. Cependant, les prestataires devraient démarrer la séance de counseling en interrogeant la femme sur ses besoins et sur ses objectifs, au lieu de lui présenter d'emblée une liste de choix contraceptifs possibles.

"Le prestataire doit se demander en quoi l'information qu'il fournit aide la femme à atteindre ses buts", indique le docteur Karen Stein du Population Council, qui a étudié de près le counseling en post-abortum. "Il doit demander à sa cliente si elle utilisait un moyen contraceptif avant cette grossesse non désirée. Et si la femme utilisait effectivement un tel moyen, il faut savoir si elle souhaite continuer à l'employer. Si c'est le cas, le prestataire doit alors examiner les changements à apporter pour que cet usage soit plus fiable. Si ce n'est pas le cas, si la cliente ne veut plus utiliser la même méthode, il faut savoir quelle est l'information nécessaire à transmettre sur un autre moyen contraceptif, et envisager les aspects pratiques ainsi que les conséquences que ce moyen peut avoir sur la vie de la femme."

Un diaphragme doit par exemple être nettoyé et rangé, ce qui n'est pas possible dans certaines situations. Et les contraceptifs injectables ou l'implant sous-cutané Norplant peuvent modifier les saignements et perturber les femmes dont la croyance religieuse les oblige à s'isoler pendant leurs règles.

Les prestataires peuvent se servir d'"arbres de décision", des schémas arborescents contenant un ensemble de questions à l'intention de la cliente, dont les réponses détermineront l'option à choisir. Sur l'un de ces arbres, on demande d'abord à la femme si elle utilisait un moyen contraceptif au moment de la conception. Si la réponse est positive et si la femme souhaite continuer à employer la même méthode, elle est alors invitée à réciter les consignes d'utilisation et à poser des questions. Si la réponse est par contre négative ou si la cliente veut utiliser un autre moyen contraceptif, on lui donne des préservatifs tout en prenant rendez-vous pour une séance supplémentaire de counseling ou de services.10

En complément d'une formation aux techniques de counseling, les prestataires doivent connaître de manière précise les méthodes contraceptives et leurs raffinements les plus récents. En règle générale, les femmes en post-abortum devraient être encouragées à s'abstenir de tout rapport sexuel tant que les saignements vaginaux persistent. Tout moyen contraceptif moderne pourra être ensuite recommandé.11

Le counseling sur l'emploi correct et continu de la contraception est un point critique, car plusieurs études menées chez des femmes en post-abortum ont révélé qu'elles utilisaient en fait une méthode contraceptive au moment de la conception.



Network, Printemps 1997, Volume 17, Numéro 3.
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© Copyright 1999, Family Health International (FHI)



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