Microbicides : en phase d'essais chez la femme

 Les scientifiques étudient actuellement plus d'une cinquantaine de substances qui pourraient devenir des microbicides vaginaux. Un quart environ de ces substances en sont à un stade plus ou moins avancé d'expérimentation chez l'homme.

Mais il faudra attendre des années avant que ces spécialités atteignent le marché et puissent protéger les femmes contre le VIH et les maladies sexuellement transmissibles (MST). Il est aussi probable que la première génération de nouveaux microbicides n'offrira qu'une protection limitée contre les infections. D'autres chercheurs continuent à travailler avec les spermicides existants pour évaluer leur pouvoir prophylactique contre les MST.

C'est le préservatif masculin en latex qui fournit aujourd'hui la meilleure protection contre les MST, y compris contre la transmission du VIH. Même si un vaccin ou un traitement curatif contre le VIH devient réalité, il sera toujours opportun de conseiller aux personnes exposées aux MST l'emploi systématique du préservatif et le renoncement aux comportements à risque.

Pour les couples n'utilisant pas le préservatif de manière correcte et systématique, un microbicide efficace et sans danger serait une alternative prophylactique. «Nombreux sont les hommes qui refusent d'employer le préservatif régulièrement, quand ce n'est pas entièrement», dit Lori Heise du Center for Health and Gender Equity (CHANGE), organisme qui pousse au développement des microbicides. «Les femmes ont besoin d'un produit qu'elles peuvent contrôler et utiliser sans l'accord de leur partenaire, voire à l'insu de celui-ci.»

Il est possible que les femmes soient biologiquement plus sensibles que les hommes aux MST et notamment au VIH. Le nombre de femmes infectées par ce dernier croît ainsi plus rapidement que celui des hommes : selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), elles représentent aujourd'hui 43 % des 33 millions d'adultes porteurs du virus contre 25 % en 1992.

Personne ne peut prédire quand un microbicide d'innocuité et d'efficacité acceptables sera disponible. «Pour l'instant, nous ignorons quelle substance s'imposera», dit le docteur Zeda Rosenberg, directrice scientifique chez FHI du HIV Prevention Trials Network, un projet de recherche auquel participent aussi d'autres institutions. Ce projet évalue des interventions en faveur de la prévention du VIH et notamment les travaux sur les microbicides expérimentaux. «Toutes ces substances sont actives contre les micro-organismes en laboratoire, et certaines études sur l'animal de même que certaines épreuves d'innocuité chez l'homme sont prometteuses. Mais nous manquons encore des données que devront fournir les essais cliniques chez les humains.»

Microbicide Mode d'action Phase de développement
Détruisent ou inactivent les agents pathogènes
ACIDFORM
  • Contraceptif.
  • Gel bioadhésif préservant l'acidité vaginale.
Essai d'innocuité a montré que son association au nonoxynol-9 (N-9) rendait ce dernier très irritant pour la muqueuse vaginale. L'ACIDFORM seul sera bientôt testé au Brésil comme contraceptif.
BufferGel (gel tampon)
  • Contraceptif.
  • Préservation de l'acidité vaginale.
  • Barrière physique.
Les essais d'innocuité ou d'acceptabilité menés en Inde, au Malawi, en Thaïlande, au Zimbabwe et aux Etats-Unis n'ont révélé aucun problème d'innocuité ou d'acceptabilité.
Lactobacillus crispatus
  • Non contraceptif.
  • Suppositoire vaginal favorisant la présence du Lactobacillus crispatus, une bactérie contribuant à l'acidité vaginale et protégeant ainsi contre les pathogènes.
Une épreuve d'innocuité a montré que l'insertion d'ovules deux fois par jour pendant trois jours produisait une quantité suffisante de bactéries chez 88 % des femmes. Des essais d'innocuité et d'efficacité devraient débuter bientôt avec le métronidazole pour le traitement des vaginoses bactériennes.
Praneem
  • Contraceptif.
  • Sous forme d'ovule, de comprimé ou de crème contenant de l'huile de citrata et des extraits purifiés du margousier.
Un essai d'innocuité élargi est en cours en Inde auprès de 300 femmes ayant des pertes vaginales anormales résultant de MST. Traitement de sept jours avec un comprimé quotidien.
C31G
  • Contraceptif.
  • Gelée contenant un surfactant qui dégrade les membranes bactériennes et les enveloppes virales.
Les données recueillies par une faculté de médecine américaine (Eastern Virginia Medical School) sur l'irritation de la muqueuse vaginale sont en cours d'analyse. Des essais d'innocuité devraient démarrer bientôt sur trois sites aux Etats-Unis.
Bloquent la pénétration des agents pathogènes dans les cellules vaginales/cervicales
Sulfate de cellulose ; Sulfonate de polystyrène
  • Contraceptif.
  • Polymère de poids moléculaire élevé se liant aux pathogènes pour empêcher la pénétration du VIH dans les cellules.
Sulfate de cellulose : un essai d'innocuité n'a montré qu'un effet irritant mineur sur la muqueuse vaginale. Sulfonate de polystyrène : un essai d'innocuité est en voie d'achèvement.
Dextrin-2-sulfate
  • Non contraceptif.
  • Polysaccharide sulfate bloquant la pénétration du VIH dans les cellules humaines, en se liant sans doute à leur surface et peut­être au virus.
Innocuité démontrée chez les femmes s'abstenant de rapports sexuels. Des essais d'innocuité et d'acceptabilité sont en cours au Royaume-Uni chez des femmes sexuellement actives et chez quelques partenaires masculins. Des essais d'innocuité et d'acceptabilité sont prévus en Côte d'Ivoire et en Ouganda.
PC-515
  • Non contraceptif.
  • A base de carraghénane, une substance extraite de l'algue rouge, capable de tapisser le vagin et de se lier au virus.
Des essais d'innocuité ont été réalisés aux Etats-Unis, en Finlande, au Chili, en République dominicaine, en Australie et en Thaïlande. D'autres essais d'innocuité, d'acceptabilité et d'efficacité en cours en Afrique du Sud et en Thaïlande devraient se terminer en 2001. Des essais d'efficacité contre le VIH pourraient débuter en 2001.
PRO 2000
  • Contraceptif.
  • Polymère sulfate se liant au VIH pour empêcher sa pénétration dans les cellules humaines.
Des essais ont démontré en Europe l'innocuité du microbicide chez des femmes saines et sans activité sexuelle. Des essais d'innocuité sont en cours aux Etats-Unis et en Afrique du Sud.
Empêchent la reproduction des agents pathogènes
Fumarate de disoproxil tenofovir
  • Non contraceptif.
  • Perturbation des transformations génétiques nécessaires à la multiplication des pathogènes.
Epreuve d'innocuité de petite envergure prévue chez la femme, après examen des résultats expérimentaux obtenus chez l'animal.

 

Mécanismes d'action

 

La plupart des microbicides topiques vaginaux encore au stade expérimental agissent au moins d'une des trois façons suivantes : destruction ou incapacitation des agents pathogènes ; blocage de la pénétration de ces agents dans les cellules vaginales ou cervicales ; inhibition de la multiplication des pathogènes ayant pénétré dans l'organisme.

Certaines des substances tuant ou incapacitant les agents pathogènes le font en endommageant la membrane des bactéries ou l'enveloppe des virus. Ce mode d'action est identique à celui des spermicides actuels du marché. Le laurylsulfate de sodium compte parmi ces substances expérimentales.

D'autres microbicides à l'étude détruisent ou incapacitent bactéries et virus en favorisant l'acidité naturelle du vagin, une acidité néfaste à de nombreux agents pathogènes. C'est le mécanisme d'action de spécialités comme ACIDFORM et BufferGel. Il existe aussi un ovule (suppositoire vaginal) facilitant la croissance du Lactobacillus crispatus, une bactérie acidifiante à effet bénéfique.

Les substances bloquant la pénétration dans les tissus vaginal ou cervical sont capables de couvrir la surface des cellules de la femme pour empêcher l'attache des virus, ou de se fixer sur les pathogènes pour prévenir leur infiltration dans la muqueuse du vagin ou du col utérin. Le sulfate de cellulose, la dextrine-2-sulfate, le PRO 2000 et le PC-515 sont parmi les substances à l'étude les plus prometteuses. Le Population Council, dont le siège est à New York, travaille au développement du PC-515. Ce microbicide expérimental contient de la carraghénane, un extrait de l'algue rouge couramment employé dans les cosmétiques, les dentifrices et les aliments. La carraghénane se fixe aux virus, en particulier au VIH, au papillomavirus humain (PVH) et à celui de l'herpès simplex (HSV).

Les anticorps monoclonaux sont une autre catégorie de substances capables de se lier aux agents pathogènes. Des spécialités renfermant ce type d'anticorps sont déjà approuvées pour le traitement du cancer du sein, de la maladie de Crohn et de diverses affections auto-immunes. On peut les obtenir à partir de plantes transgéniques, comme certains maïs.

«Cette approche monoclonale s'apparente à l'élimination sélective de mauvaises herbes dans un jardin», explique le docteur Kevin Whaley de l'université Johns Hopkins, qui collabore à un projet américain dont le financement s'élève au montant de 3,8 millions de dollars US pour développer un microbicide à base d'anticorps monoclonaux. «L'idée est d'attaquer, avec ces anticorps, des pathogènes bien ciblés (comme le VIH ou le virus de l'herpès simplex) au niveau de la muqueuse vaginale, avant que l'infection ne se produise et sans déséquilibrer le milieu vaginal. Ces anticorps sont puissants et spécialisés. Pour obtenir un microbicide à large spectre, il faudrait donc en combiner plusieurs types. On pourrait aussi concevoir des spécialités incorporant des anticorps contre les spermatozoïdes pour les femmes désirant une contraception, ou à l'inverse sans ces anticorps pour celles souhaitant concevoir un enfant.»

Parmi les substances pouvant peut-être empêcher la réplication du VIH et d'autres agents pathogènes après leur pénétration dans les cellules vaginales, on trouve le fumarate de disoproxil tenofovir. Il agit en perturbant le processus génétique de la multiplication cellulaire. En attendant qu'une analyse des études toxicologiques sur l'animal soit réalisée, un essai d'innocuité à petite échelle est déjà prévu chez la femme.

Un des travaux en cours vise à améliorer l'administration des microbicides dans le vagin. Un produit expérimental appelé le «préservatif invisible» est une gelée liquide qui durcit à la température corporelle pour former une barrière temporaire intravaginale. De puissants microbicides, comme le laurylsulfate de sodium, peuvent lui être ajoutés pour combattre les agents pathogènes, tandis que le contact des microbicides, qui contiennent des composantes toxiques, avec les cellules vaginales demeure minimal. La gelée pourrait même prolonger la durée d'action du microbicide.1 Le premier essai chez les humains est prévu pour cette année. «Nous examinerons l'innocuité et l'acceptabilité du produit seul ou utilisé avec du nonoxynol-9», dit le docteur Michel Bergeron, directeur du Centre de recherche en infectiologie à l'université Laval (Québec), où s'effectue ce travail.

Network, 2000, Volume 20, Numéro 2
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© Copyright 2000, Family Health International (FHI)


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