Tribune libre : Evaluer les programmes en faveur des jeunes

Par conséquent, la protection de leur santé constitue une préoccupation vitale pour chacun d'entre nous. Tous les pays ont besoin de se doter de stratégies et de programmes efficaces à même de protéger la santé reproductive des adolescents et des jeunes adultes, mais c'est dans les pays en développement que leur élaboration revêt un caractère particulièrement urgent.

Dans le monde entier, des milliers de jeunes femmes meurent chaque année de complications liées à une grossesse accidentelle, et dont un grand nombre sont la conséquence d'un avortement clandestin. Et dans 18 pays africains, on prévoit que le tiers au moins des jeunes qui ont aujourd'hui 15 ans contracteront le VIH à l'âge adulte et mourront de cette terrible maladie.

Pour pouvoir se prémunir contre les grossesses non planifiées, les maladies et d'autres graves problèmes de santé reproductive, les adolescents des pays en développement ont besoin d'informations fiables et de services. Pour les éduquer, nous devons mettre en place toute une gamme de programmes judicieusement conçus et à base scolaire, engager une action dans la communauté et diffuser des messages rationnels par le biais des médias.

Dans l'abstrait, il est facile de cerner les besoins des jeunes en vue d'une bonne santé de la reproduction. Ils ont besoin de comprendre les mécanismes de base du fonctionnement de leur corps et les questions liées à la santé reproductive auxquelles ils vont être confrontés, autant de notions qui peuvent être abordées dans le cadre des programmes d'Education à la vie familiale. Il faut qu'ils apprennent à se forger de solides compétences psycho-sociales (pour éviter les rapports non protégés, par exemple). Ils doivent être au courant des divers services de santé qui sont à leur disposition (traitement des maladies sexuellement transmissibles, contraception et soins après l'avortement) et des moyens de se procurer des fournitures (préservatifs et autres contraceptifs, médicaments et documentation). Il faut leur faire comprendre que les choix qu'ils font aujourd'hui auront un effet, bon ou mauvais, mais peut-être de manière durable, sur eux et sur ceux qu'ils aiment.

Toutefois, les formules mises en place pour satisfaire les besoins des adolescents à cet égard varient considérablement. Certains programmes envisagent le développement des jeunes sous un angle holistique, alors que d'autres préfèrent cibler davantage la santé de la reproduction. Au nombre des démarches possibles figurent les programmes d'Education à la vie familiale dans les écoles, les campagnes médiatiques (dans la presse et sur les ondes), les programmes d'éducation par les pairs, le recours aux maisons des jeunes, les permanences téléphoniques, la participation des troupes de théâtre et les programmes de soins après un avortement ou au cours du post-partum. Certains programmes à caractère religieux ou sportif participent à l'application de stratégies pertinentes, et divers projets tendent aussi à ce but: le marketing social des préservatifs pour les jeunes, le counseling sur le VIH et le dépistage de ce virus, les efforts déployés pour encourager les jeunes à ne pas quitter l'école, la formation à l'emploi, les tentatives faites pour dissuader les jeunes de se marier tôt et le counseling prémarital, pour ne citer que ces exemples. La plupart des programmes actuels ont un rayon d'action limité. (Une étude des programmes en faveur des jeunes dans les pays en développement vient d'être préparée par Judith Senderowitz, consultante qui a beaucoup écrit sur le thème de l'adolescence.)1

Le pourcentage des ressources mondiales qui servent à aider les jeunes des pays en développement à réaliser leur potentiel est infime. Au vu du nombre considérable des jeunes et de la gravité des problèmes en jeu, on est tenté d'affecter toutes les ressources disponibles aux programmes axés sur l'action et à se dire que «c'est bon comme ça!» Les évaluations passent pour un luxe.

Des ressources limitées

Mais qu'est-ce qui est «bon comme ça»? Il faut prendre des décisions difficiles sur l'affectation de ressources très limitées. Au lieu d'atteindre les jeunes quand ils ont un besoin crucial d'information, beaucoup de programmes interviennent avec bien du retard. D'autres encore ne s'occupent pas des questions qui présentent la plus grande urgence pour les jeunes. Les professionnels de la santé et les responsables de programmes n'ont pas d'informations utiles sur les moyens rentables d'atteindre le plus grand nombre possible de jeunes des deux sexes, les diverses tranches d'âge, les jeunes qui sont scolarisés et ceux qui ne vont pas à l'école, ceux qui sont célibataires et ceux qui sont mariés.

Prenez l'exemple des maisons des jeunes, des locaux où les adolescents peuvent se rassembler pour passer le temps et qui leur donnent aussi accès à des services ou à une information sur la santé de la reproduction. Au premier abord, un tel arrangement paraît raisonnable. Mais l'évaluation récente de 14 sites en Afrique a révélé que ces centres servaient un petit nombre de jeunes (souvent parmi les garçons les plus âgés), qu'ils n'étaient pas particulièrement adaptés à la prestation des services de santé reproductive ni à la communication d'informations sur ce sujet, et qu'ils étaient relativement coûteux.2

D'autres chercheurs se sont aperçus que les maisons des jeunes au Mexique étaient moins rentables qu'un programme communautaire destiné aux adolescents pour ce qui était de recruter des utilisateurs de la planification familiale.3 En revanche, les programmes axés sur le post-partum comme on en trouve un en Jamaïque et un autre au Mexique ont obtenu de très bons résultats quand il s'agit d'encourager les adolescentes mères de famille à différer une seconde grossesse.4 Malheureusement, on manque de données sur le rapport coût-efficacité des programmes visant les adolescents des pays en développement.

Comment les responsables de programme peuvent-ils surveiller les répercussions des diverses approches et les ressources nécessaires? Comment s'y prendre pour choisir les formules les plus constructives, celles dont l'application devrait être élargie? Voici quelques-unes des questions essentielles que les responsables pourraient se poser:

  • Quels comportements le programme essaie-t-il de changer? Le programme est-il curatif, préventif, ou les deux à la fois? Une fois cernés ces éléments clés, on peut élaborer des indicateurs stratégiques valables.
  • Les activités prévues sont-elles axées sur la nécessité de changer les comportements identifiés?
  • Le programme cible-t-il tous les jeunes dans une aire géographique donnée ou se concentre-t-il sur un groupe bien précis (par exemple, les jeunes d'une certaine tranche d'âge, les garçons ou les filles, les jeunes qui sont scolarisés ou ceux qui ne le sont pas, les célibataires ou ceux qui sont mariés)? Va-t-il servir uniquement les jeunes qui se rendent sur le site?
  • Le programme a-t-il des répercussions autres que les changements inhérents à la maturation des jeunes?
  • Le programme a-t-il des répercussions en sus des changements observés dans la région couverte par le projet? (Pour le déterminer, on peut comparer la zone desservie avec une autre qui servira de témoin.)
  • Quels sont les coûts supplémentaires indispensables à l'exécution du programme?
  • L'argent serait-il mieux dépensé s'il était affecté à une autre sorte de programme?
  • Si le programme a un effet quelconque, cet effet peut-il être durable?
  • S'il produit de bons résultats, le programme peut-il être élargi?

Le projet intitulé Frontières en santé de la reproduction, créé par le Population Council en liaison avec FHI et l'université Tulane, se propose de répondre à ces questions vis-à-vis de programmes pour les jeunes au Mexique, au Bangladesh, au Kenya et au Sénégal. A cette fin, on compare une stratégie à même d'améliorer le climat de la santé reproductive des adolescents et de rendre les services plus sensibles à leurs besoins, à une autre stratégie qui intègre un programme en milieu scolaire à ces deux éléments. Le rapport coût-efficacité de ces deux stratégies fera également partie de l'évaluation.

C'est précisément parce que les besoins de nos jeunes sont si importants qu'il faut les surveiller et les évaluer rigoureusement.

Nancy Williamson, de FHI, est provisoirement affectée au Population Council pour participer au projet «Frontières en santé de la reproduction », à Washington. L'Agence des Etats-Unis pour le développement international apporte son concours financier à ce projet d'envergure mondiale.

A lire

Deux ouvrages en anglais ont été publiés récemment sur le thème de l'évaluation des programmes destinés aux jeunes: A Guide to Monitoring and Evaluating Adolescent Reproductive Health Programs, de Susan Adamchak, Katherine Bond, Laurel MacLaren et al, et Getting to Scale in Young Adult Reproductive Health Programs, de Janet Smith et Charlotte Colvin. Pour recevoir ces deux publications, s'adresserà : FOCUS on Young Adults, Pathfinder International, Attn: Communications Advisor, 1201 Connecticut Avenue NW, Suite 501, Washington, DC 20036, USA ; ou envoyer un courriel à focus@pathfind.org.

Notes

  1. Senderowitz J. A review of program approaches to adolescent reproductive health. Unpublished paper. U.S. Agency for International Development, 2000.
  2. Erulkar AS. Overview of youth centre assessments in Kenya, Zimbabwe, and Ghana. Unpublished paper. The Population Council, 2000.
  3. Townsend JW, Diáz de May E, Sepúlveda Y, et al. Sex education and family planning services for young adults: alternative urban strategies in Mexico. Stud Fam Plann 1987;18(2):103-8.
  4. Chávez N, Schenkel P, Vernon R. Postpartum Education for Adolescents: Evaluation and Refining of a Model for Institutionalization. Mexico City: Centro de Orientación para Adolescentes and The Population Council, 1992.

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© Copyright 2001, Family Health International (FHI)
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