Le counseling : indispensable à un choix volontaire

 Chez l'homme comme chez la femme, la stérilisation a un effet permanent. Il est donc essentiel de prodiguer avec prudence un counseling à ceux qui optent pour cette méthode de contraception, afin qu'ils soient bien informés et puissent décider en toute connaissance de cause. Aucune forme de pression, si minime soit-elle, ne devrait s'exercer pour pousser une cliente ou un client à accepter l'intervention.

La plupart des hommes et des femmes qui subissent une stérilisation volontaire sont satisfaits de leur situation, mais il arrive que certains d'entre eux regrettent plus tard leur décision. Le counseling peut aider à réduire l'incidence de ces regrets.

Ce counseling doit inclure des discussions en tête-à-tête et traiter de la nature de l'intervention, de la permanence de son effet, de ses avantages, de ses éventuelles complications et de ses taux d'échec. Il faut informer le client sur les autres méthodes de contraception à effet prolongé et l'aider à choisir celle la mieux adaptée à son cas. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que la stérilisation peut être effectuée à tout âge sans danger, mais recommande aussi de consacrer plus de temps au counseling avec les sujets jeunes.1 Comme les taux de regret et d'échec sont plus élevés chez les femmes jeunes, il semble approprié d'utiliser des méthodes réversibles si les membres du couple ont moins de 30 ans.

Quand un client opte pour la stérilisation, le personnel soignant doit alors exposer en détail plusieurs points, comme le risque de complication, l'accès aux services d'urgence et encore la nécessité d'utiliser les méthodes de barrière pour se protéger contre les maladies sexuellement transmissibles (MST).2

Facteurs de regret

Une analyse réalisée par FHI en 1994 de 21 études a conclu que des estimations faites sur le nombre de femmes susceptibles de regretter ultérieurement la décision de se faire stériliser variaient beaucoup. Dans une de ces études par exemple, le taux estimé de regret variait de deux à 13 pour cent entre six mois et six ans après l'intervention. Les niveaux de regret observés fluctuent selon le pays ou la région et sont en général plus élevés aux Etat-Unis et au Canada que dans les nations en développement.

Si les fréquences de regret peuvent ainsi varier, les causes principales de cette insatisfaction sont par contre des paramètres d'une remarquable stabilité. Un âge jeune (moins de 30 ans) est apparu le plus souvent comme un facteur déterminant. Parmi les autres causes souvent mentionnées, on peut noter l'influence d'un tiers, qu'il s'agisse du mari ou d'un professionnel de santé, une stérilisation effectuée immédiatement après l'accouchement, un nouveau mariage, ou la perte d'un enfant.3

"Il est possible d'identifier avant même l'intervention les clientes les plus susceptibles de regretter leur décision," précise le docteur Ellen Hardy, de l'Universidade Estadual de Campinas au Brésil. Pour le docteur Hardy et son équipe, qui, dans le cadre du Projet d'études sur les femmes de FHI, s'intéressent à l'impact de la stérilisation sur la vie des femmes, "le paramètre le plus important est l'âge." Menant sa recherche auprès de 432 femmes brésiliennes stérilisées, cette équipe a pu montrer l'existence d'un lien étroit entre les demandes pour l'opération de réversion et l'âge de la cliente au moment de l'intervention (seuil à 25 ans).4

Le niveau de satisfaction des femmes stérilisées est meilleur si l'intervention s'effectue après 30 ans, si la patiente a eu des enfants à un jeune âge, si elle a déjà le nombre d'enfants désiré, si ces enfants sont des deux sexes et si la relation conjugale est stable.5 Chez les hommes ayant subi une vasectomie, on a aussi montré que le taux de regret est plus élevé quand l'intervention a lieu à un âge trop jeune.6

Le counseling permet aux clients de bien réfléchir avant d'accepter l'intervention et d'envisager leur réaction future en cas d'un éventuel divorce, remariage ou décès d'un enfant.

Selon Anne Wilson, vice-présidente du Program for Appropriate Technology in Health (PATH ) à Washington, "si un doute quelconque subsiste, le prestataire devrait encourager le couple à prendre le recul nécessaire pour bien y réfléchir. Mais il existe aussi des couples qui sont absolument convaincus que la stérilisation est la meilleure méthode pour eux." PATH est une organisation internationale dont l'action vise notamment à améliorer la santé des femmes et des enfants.

S'il faut accorder une attention particulière aux clients les plus enclins à un futur regret, cela ne signifie pas pour autant qu'il faille systématiquement refuser l'intervention à tel ou tel groupe de clients. La stérilisation peut être le bon choix chez certains sujets même jeunes et c'est parfois leur meilleure option, pour ne pas dire la solution idéale.

Selon le docteur Amy Pollack, présidente d'AVSC International, une organisation basée à New York et spécialisée dans l'assistance technique aux programmes de planification familiale dans le monde entier, "aucun prestataire ne peut prédire les valeurs des clients. Leur décision dépendra de leur propre personnalité, d'un accès éventuel à une source fiable de contraceptifs, comme la pilule, de leur situation et de leurs conditions de vie."

Une variété d'options

Un counseling de qualité devrait respecter en priorité le droit de chaque client à un véritable choix volontaire parmi différentes options possibles de contraception.

Il arrive que des programmes de planification familiale et que certaines autorités gouvernementales récompensent les couples optant pour la stérilisation en leur offrant un traitement préférentiel sur le lieu de travail ou un compte d'épargne au nom de leurs filles.7 Ces incitations visant à promouvoir la stérilisation vont parfois à l'encontre d'un libre choix.

"Si un prestataire estime qu'un client n'est pas bien informé et que sa décision n'est pas vraiment libre et volontaire, il doit lui proposer une autre méthode à effet prolongé et réversible, comme le DIU, l'implant Norplant ou un contraceptif injectable," dit le docteur Sangeeta Pati, attachée médicale aux services cliniques de l'AVSC. Les couples ne savent parfois même pas qu'il existe une alternative, ajoute Anne Wilson du PATH.

Dans certains contextes pourtant, il est difficile de s'assurer que les couples ont considéré d'autres options, car le nombre de méthodes contraceptives disponibles s'avère restreint. Le manque d'accès à d'autres alternatives revient alors à pousser la cliente vers la stérilisation.

La stérilisation ne doit pas être mentionnée pour la première fois au cours d'un accouchement ou d'un avortement, mais, au contraire, elle doit être considérée avec soin à l'avance. "Nous encourageons les femmes qui demandent la stérilisation pendant leur accouchement ou immédiatement après la naissance de bien réfléchir à leur décision, car ce n'est pas le moment idéal pour faire un tel choix," dit le docteur Marta Durand-Carbajal, ancien chercheur invité à FHI qui a pratiqué la stérilisation et a étudié la question du regret chez les patientes stérilisées. Pour le docteur Durand-Carbajal, aujourd'hui attachée à l'Instituto Nacional de la Nutrición Salvador Zubirán (Mexico), "si ces femmes souffrent pendant la période de travail ou si elles viennent juste de souffrir intensément, elles peuvent vouloir demander la stérilisation dans l'espoir de ne plus jamais revivre ces instants pénibles."

Laisser à chaque client le temps suffisant pour bien mûrir sa décision est un point essentiel, mais ce délai de réflexion est un facteur encore plus important pour les femmes en post-partum. D'une manière générale, les femmes qui se font stériliser au cours d'un accouchement ou peu après sont plus enclines à regretter ensuite l'intervention.8 Une étude danoise a par ailleurs montré que plus le temps de réflexion séparant la demande et l'intervention était court, plus les chances de regret étaient importantes.9

Chez les hommes, le counseling permet de corriger certaines idées fausses sur la vasectomie. Les clients ont souvent peur qui que l'intervention puisse les rendre impuissant, provoquer un cancer ou menacer leur santé d'une façon ou d'une autre. Nombre d'hommes considèrent à tort la vasectomie comme l'équivalente d'une castration. Ils croient que l'opération leur fera perdre leur force physique, gagner du poids ou changer le timbre de la voix. C'est au prestataire de leur expliquer que la stérilisation masculine ne modifie pas les caractéristiques physiques et ne perturbe pas la libido. Elle peut même en fait accroître indirectement le plaisir sexuel en éliminant l'anxiété née du risque d'une grossesse non désirée ou encore les interruptions de l'acte sexuel dues à l'emploi d'une méthode de barrière.

Une étude menée entre 1992 et 1995 dans six pays différents avec des couples ayant accepté la vasectomie a souligné à quel point le counseling peut aider à combattre les préjugés. La quasi-totalité des 218 hommes interrogés dans le cadre de cette recherche ont déclaré avoir perdu leurs inquiétudes après s'être entretenus avec un prestataire. Comme de nombreux couples optent pour la vasectomie pendant une grossesse, l'étude suggère que le post-partum est une période favorable pour les informer sur cette méthode de stérilisation masculine. Le counseling des femmes semble aussi être indiqué en la matière, en leur apprenant notamment à aborder le sujet d'une manière détendue avec leur partenaire.10

Un bon counseling est aussi utile pour combattre peurs et idées préconçues sur la stérilisation féminine. Bien des clientes imaginent que l'intervention affectera leur libido et qu'elle les fera grossir ou même perdre une partie de leur féminité. Ces croyances s'expliquent peut-être par le fait que la stérilisation est souvent choisie par des femmes proches de la ménopause, une période de disparition des règles et d'un fréquent gain de poids.

Une fois la décision prise

Une fois sa décision prise et préalablement à l'intervention, le client devrait lire, un formulaire de consentement, en parler avec le prestataire, et le signer. Ce formulaire indiquera que le choix de la stérilisation a été un choix volontaire après communication de toute l'information pertinente. Les hommes et les femmes qui optent pour une stérilisation devraient pouvoir changer d'avis à tout moment avant l'acte opératoire.

Les clients doivent savoir que la stérilisation a un effet permanent. Chez l'homme comme chez la femme, l'opération de réversibilité est difficile, coûteuse et pratiquée dans peu de centres. Et même si l'opération est possible, son succès est incertain.

De nombreux clients appréhendent l'opération et imaginent une expérience douloureuse ou désagréable. Mais ceux qui savent à quoi s'attendre sont plus susceptibles d'en être satisfaits. Une explication détaillée de l'intervention doit donc être donnée à tous les clients, auxquels on devra notamment préciser le type d'anesthésie employé sans négliger la question de possibles douleurs.

Les clients devront aussi savoir quand ils peuvent reprendre leur travail ou leur activité sexuelle et le moment pour revenir au centre pour une visite de contrôle. En règle générale, dans le cas d'une stérilisation féminine, une visite est prescrite sept jours après l'opération pour vérifier la cicatrisation et retirer les fils de suture. Aucune visite de suivi n'est habituellement nécessaire s'il s'agit d'une vasectomie.

Les prestataires devraient également examiner avec leurs clients les possibles complications postopératoires d'une stérilisation, qu'il s'agisse d'infection de la plaie chirurgicale, de fièvre, de douleur, de saignement ou d'une éventuelle grossesse, et discuter avec eux de la marche à suivre et des services à contacter en cas de survenue d'une telle complication. Toute personne ayant subi une stérilisation devrait être avisée de consulter sans délai un centre médical si l'un de ces problèmes apparaissait. A l'Hospital Universitario del Valle de Cali, en Colombie, les prestataires distribuent à tous leurs clients des formulaires explicatifs à utiliser en cas d'urgence et comportant les numéros de téléphone à appeler.

Les personnes stérilisées qui sont exposées aux MST devraient être encouragées à utiliser de manière correcte et systématique une méthode de barrière comme le préservatif masculin en latex. La recherche a en effet montré que chez les sujets ayant adopté, d'une part, un moyen contraceptif pour éviter une grossesse non désirée et, d'autre part, un préservatif masculin ou une autre méthode de barrière pour se prémunir contre les MST, l'emploi correct et systématique de cette dernière méthode diminue d'autant plus que le moyen contraceptif primaire est efficace.11

-- Sarah Keller

-- Sarah Keller

Notes

Notes

  1. World Health Organization. Improving Access to Quality Care in Family Planning: Medical Eligibility Criteria for Contraceptive Use. Geneva: World Health Organization, 1996.
  2. Church CA, Geller JS. Voluntary female sterilization: number one and growing. Popul Rep 1990;C(10):2.
  3. Chi I-c, Jones DB. Incidence, risk factors and prevention of poststerilization regret in women: an updated international review from an epidemiological perspective. Obstet Gynecol Survey 1994;49(10):722-32.
  4. Hardy E, Bahamondes L, Osis MJ, et al. Risk factors for tubal sterilization regret, detectable before surgery. Contraception 1996;54:159-62.
  5. Chi; Boring CC, Rochat RW, Becerra J. Sterilization regret among Puerto Rican women. Fertil Steril 1988;49:973-81.
  6. Clarke L, Gregson S. Who has a vasectomy reversal? J Biosoc Sci 1986;18:253-69.
  7. Hapugalle D, Janowitz B, Weir S, et al. Sterilization regret in Sri Lanka: a retrospective study. Int Fam Plann Perspect 1989;15(1):22-28.
  8. Chi.
  9. Thramov I, Kjersgaard AG, Rasmussen, et al. Regret among 547 Danish sterilized women. Scand J Soc Med 1988;16:41.
  10. Landry E, Ward V. Perspectives from couples on the vasectomy decision making: a six-country study. Reprod Health Matters. 1997;special issue:58-67.
  11. Cates W. Contraception, unintended pregnancies, and sexually transmitted diseases: why isn't a simple solution possible? Am J Epidemiol 1996;143(4):311-16.

Network, Automne 1997, Volume 18, Numéro 1 .
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