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Le point juridique sur les mutilations sexuelles féminines (MSF)
Carine DURRIEU DIEBOLT, Avocate à  la cour

Dans le monde, chaque année, deux millions de fillettes sont victimes de mutilations sexuelles féminines, surtout en Afrique, mais également parmi les populations immigrées en France.

La loi française a prohibé ces pratiques.
Les procès sont peu nombreux (une vingtaine depuis 1979) car jusqu'à présent les poursuites ont été engagées après que des signalements aient été faits surtout par des professionnels français dans le cadre de la protection de l’enfance.

Ont été condamnés les parents et/ou l’exciseuse à des peines correctionnelles jusqu’en 1983, date à partir de laquelle la cour de cassation a criminalisé ces agissements en estimant qu’il s’agit d’une « mutilation ».

Désormais des peines de prison fermes sont prononcées.

La loi s’est aussi durcie en prévoyant des poursuites lorsque les faits ont lieu à l’étranger, un allongement du délai de prescription et la levée du secret professionnel.

1) La répression des parents et exciseuses :

Le droit français ne prévoit pas d’infraction spécifique pour les mutilations sexuelles féminines.

Il faut se reporter au droit pénal général. Les qualifications criminelles suivantes peuvent s’appliquer :

-Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente : peines maximales de 10 ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende (article 222-9 du code pénal) ou 15 ans de réclusion criminelle si les faits sont commis sur un mineur de moins de 15 ans.

-Violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner : peines maximales de 15 ans d’emprisonnement (article 222-7 du code pénal) ou 20 ans de réclusion criminelle si les faits sont commis sur un mineur de moins de 15 ans.

2) L’allongement du délai de prescription :

Le délai pour agir en justice a été porté à 20 ans à compter de la majorité lorsque les violences ont été commises sur une mineure (article 7 et 8 du code de procédure pénale).

3) La possibilité d’agir lorsque l’infraction a été commise à l’étranger :

En principe, la loi française ne s’applique pas aux infractions commises à l’étranger.

Les mutilations sexuelles étant réprimées en France, les fillettes sont de plus en plus souvent mutilées en Afrique.

Afin de punir ces agissements, y compris à l’étranger, l’article 222-16-2 du code pénal a étendu les poursuites aux mutilations sexuelles commises à l’étranger sur une mineure résidant habituellement en France, quelque soit sa nationalité.

4) Le rôle des professionnels : la levée du secret professionnel et les poursuites possibles pour omission de porter secours

L’article 226-14 du code pénal prévoit la levée du secret professionnel pour les mutilations sexuelles :

« L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :

1º A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique »

En outre, l’article 223.6 du même code dispose :

« Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »

Les professionnels peuvent donc être poursuivis pour omission de porter secours, si, connaissant l’imminence ou la réalisation d’une mutilation, ils ne saisissent pas les autorités administratives, médicales ou judiciaires chargées de la protection de l’enfance.

Le Code de Déontologie Médicale va dans le même sens :

- Article 43 (article R.4127-43 du code de la santé publique) :

« Le médecin doit être le défenseur de l'enfant lorsqu'il estime que l'intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage. »

- Article 44 (article R.4127-44 du code de la santé publique) :

« Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.

S'il s'agit d'un mineur de quinze ans ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique il doit, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. »

Le signalement doit dans ce cas être adressé par le médecin au procureur de la République, ou au substitut du procureur, au tribunal de grande instance du lieu de résidence habituel du mineur. Une permanence est assurée 24 heures sur 24. Les commissariats de police et brigades de gendarmerie disposent de la liste des magistrats de permanence et de leurs coordonnées téléphoniques.

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