Données d'exposition de la population française aux résidus de pesticides, plomb, cadmium, arsenic et radionucléides par la voie alimentaire

Une mission importante de la Direction générale de l'alimentation (DGAL) est de veiller à la maîtrise des risques liés à la présence éventuelle de contaminants de l'environnement dans la chaîne alimentaire. La DGAL met en place des plans de contrôle et de surveillance des aliments, qui représentent environ 70000 analyses Physico-chimiques par an, et elle finance régulièrement des études sur la qualité et la sécurité alimentaires.

Ce dossier présente une de ces études, conduite en 1998-1999, qui vise à évaluer le niveau d'exposition des consommateurs français à certains contaminants par leur alimentation et à comparer les résultats obtenus aux limites toxicologiques acceptables et aux résultats d'autres enquêtes, françaises et étrangères.

L'étude a été réalisée par Nutripôle - Institut national agronomique Paris-Grignon/Institut national de la recherche agronomique -, avec la participation des laboratoires de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA Paris) et la coordination de la DGAL.

Les contaminants recherchés ont été les suivants :
- 10 résidus de pesticides : Ométhoate, Oxydeméton, Phosalone, Phosphamidon, Triazophos, Dicofol, Parathion éthyl, Dichlorvos, Procymidone et Vinchlozoline.
- 3 métaux lourds : Plomb, Cadmium et Arsenic.
- 2 radionucléides : Isotopes du Césium 111 et du Césium

Méthode retenue

La méthode retenue est celle "du repas dupliqué" qui consiste à prélever une portion d'aliments identique à celle qui est effectivement consommée par diverses populations, et à en analyser globalement la teneur en tel ou tel contaminant.


Pour que les repas analysés soient représentatifs des habitudes alimentaires, des rations complètes comprenant soit le déjeuner, soit le petit-déjeuner et le déjeuner, ont été prélevées en restauration collective : hôpitaux, cliniques, maisons de retraite, lycées et collèges, entreprises publiques et privées.
Pour prendre en compte le dîner, on a supposé que sa teneur en contaminants était identique à celle du déjeuner et on a donc estimé l'apport journalier cri additionnant l'apport du petit-déjeuner à 2 fois celui du déjeuner.
La représentativité géographique a été assurée par des prélèvements sur 25 sites dispersés dans 5 zones et celle des tranches d'âge par la diversité des convives, collégiens, étudiants, actifs et retraités. Enfin, la représentativité des choix des consommateurs en restauration hors foyer a été assurée en prélevant un petit-déjeuner type et deux déjeuners type sur chaque site, correspondant au(x) plateau(x) majoritairement consommé(s).

Les prélèvements ont été réalisés du printemps 1998 à l'hiver 1998-1999. Une fois débarrassés des parties éventuellement non consommables, les aliments et les boissons, sauf l'eau, ont été conditionnés. Les 161 échantillons ont alors été congelés, puis envoyés pour analyse aux laboratoires spécialisés de l'AFSSA-Paris.


Pour la recherche des pesticides, 139 rations ont été analysées (132 déjeuners et 7 petits déjeuners) et pour celle des métaux lourds et des radionucléides, 103 rations (93 déjeuners et 10 petits déjeuners). Le poids moyen des déjeuners servis était de 649 ± 130 g, et le nombre de composants atteignait 5 pour 91 % d'entre eux (entrée, plat protidique, légume ou féculent, fromage et dessert). Les limites de quantification pour chacun des éléments recherchés sont données dans le tableau 1.

Tableau 1 :
Limites de quantification (LOQ) des appareils analytiques.

Contaminants LOQ
Résidus de pesticides (ng/g)*
Ométhoate 39
Oxydeméton**** 315
Phosalone 1.8
Phosphamidon 8
Triazophos 1
Dicofol 0.2
Dichlorvos 14
Parathion éthyl 0.7
Procymidone 0.3
Vinchlozoline 1
Métaux lourds (µg/kg)**
Plomb 20
Cadmium 6
Arsenic 10
Radionucléides (Bq/kg)***
134 Césium, 137 Césium 30

* ng/g: nanogramme par gramme
** µg/kg : microgramme par kilogramme
***Bq/kg: becquerel par kilogramme
**** pour l'oxymédon, en raison du manque de sensibilité du détecteur utilisé, des confirmations de présence éventuelle ont été réalisées par spectrométrie de masse.

Résultats de l'étudeLes "limites toxicologiques acceptables " correspondent à la quantité de contaminants qui, selon les connaissances scientifiques actuelles, peut être ingérée tous les jours pendant toute une vie sans effet néfaste sur la santé.

On parle de " Dose Journalière Admissible " (DJA) pour les résidus de pesticides, de " Dose Journalière Tolérable " (DJT) pour les métaux lourds et de " Dose Limite Annuelle " (DLA) pour les radionucléides. Après analyse, les valeurs intérieures au seuil de quantification ont été enregistrées comme égales à ce seuil afin de surestimer volontairement l'exposition.

Résidus de pesticides

Parmi les 10 résidus de pesticides recherchés, 6 ont été découverts au moins une fois à des teneurs supérieures à la limite de quantifications (voir le tableau 2).

Tableau 2 : Distribution des teneurs en pesticides dans les échantillons (n=139, valeurs

  Pesticides Phosalone Triazophos Dicofol Parathion éthyl Procymidone Vinchlozoline
Petit-déjeuner (n = 7)   (µg/repas)          
maximum 1.6 0.7 0.1 1.2 1.3 0.9
97,5 perc 1.5 0.7 0.1 1.1 1.2 0.9
moyenne 0.8 0.4 0.1 0.5 0.7 0.5
médiane 0.6 0.4 0.1 0.3 0.5 0.4
minimum 0.5 0.3 0.1 0.2 0.4 0.3
déviation standard 0.4 0.2 0.0 0.4 0.4 0.3
  maximum 24.6 15.0 24.7 9.6 65.1 6.6
Déjeuner (n = 132) 97,5 perc 19.1 3.0 16.5 6.0 46.1 5.5
moyenne 2.7 1.0 1.0 0.9 5.4 1.4
médiane 1.2 0.6 0.1 0.4 0.9 0.7
minimum 0.8 0.4 0.1 0.3 0.5 0.4
déviation standard 4.4 1.6 3.9 1.6 11.6 1.4

Les analyses montrent que la contaminants des aliments par ces résidus est peu importante et que l'exposition de la population aux pesticides ne dépasse pas 11 % de la DJA (voir le tableau 3).

Tableau 3 Estimation de l'exposition moyenne journalière aux résidus de pesticides

Pesticides AJM* DJA** AJM/DJA
  (µg/jour/personne) (µg/jour/personne) (%)
Phosalone 6.2 6 10.3
Triazophos 2.4 60 4
Dicofol 2.1 120 1.7
Parathion éthyl 2.3 240 1
Procymidone 11.5 6000 0.2
Vinchlozoline 3.3 600 0.6

* AJM : apports journaliers moyens calculés par la méthode des repas dupliqués.
** DJA : dose journalière admissible établie par le Joint expert commitee Mixt on Pesticides Residue (JMPR) - Estimation réalisée avec l'hypothèse d'un poiuds corporel de 60 kg.

Résidus de métaux lourds

La distribution des niveaux de contamination des repas est donnée dans le tableau 4 : 53 % des échantillons destinés à la recherche du cadmium, 43 % à celle de l'arsenic et 34 % à celle élu plomb, se sont révélés contaminés à des niveaux supérieurs au seuil de quantification.

Les apports journaliers moyens (AJM) fournis par la ration alimentaire ont été calculés et comparés aux DJT (tableau 5). L'AJM en plomb est de 52 mg/personne et représente 24 % de la DJT. Aucune différence significative n'a été observée dans les teneurs et les apports moyens en fonction de l'origine géographique ou de la saison de prélèvement.

L'AJM en cadmium est de 17 mg/personne et représente 28 % de la DJT. Les aliments les plus contaminés en cadmium sont les épinards, les rognons et les produits de la mer. De même que pour le plomb, il n'apparaît pas de différence significative liée à la zone ou à la période dans les niveaux de contamination.

L'AJM en arsenic total est évalué à 109 µg/personne et représente 4 % de la DJT. Les formes toxiques de l'arsenic sont les formes inorganiques. Or, dans les repas analysés, c'est l'arsenic total qui a été dosé, la méthode de dosage utilisée ne permettant pas de différencier les formes organiques ou inorganiques. La majeure partie de l'arsenic décelé provient de repas à base de produits de la mer et l'on sait que plus de 90 % de l'arsenic présent dans ces produits l'est sous forme organique. L'apport d'arsenic inorganique a donc été estimé à 10 % de l'arsenic total. Ainsi, l'AJM d'arsenic inorganique serait voisin de 11 µg/personne et représenterait 8.5 % de la DJT, en admettant que la relation arsenic organique/arsenic inorganique soit linéaire en cas de contamination accidentelle.

Tableau 4: Distribution des teneurs en métaux lourds dans les échantillons des repas du midi et du petit-déjeuner (n=103, valeurs

  Métaux lourds Arsenic Plomb Cadmium
Petit-déjeuner
(n = 10)
  (µg/repas)    
maximum 4.0 15.2 4.0
97,5 perc 4.0 13.5 3.9
moyenne 3.5 7.8 2.4
médiane 3.6 7.2 2.1
minimum 2.6 5.2 1.5
déviation standard 0.4 2.7 0.7
  maximum 959 37 32
Déjeuner
(n = 93)
97,5 perc 409 25.6 26.4
moyenne 52.8 15 7.5
médiane 8.8 14.4 5.4
minimum 4.2 8.4 2.6
déviation standard 138.9 4.5 5.9

Tableau 5 Estimation de l'exposition moyenne journalière aux métaux lourds

Métaux lourds AJM* DJT** AJM/DJT
  (µg/jour/personne) (µg/jour/personne) (%)
Arsenic total 109 3000 4
Arsenic inorganique 11*** 128 8.5
Plomb 52 216 24
Cadmium 17 60 28

* AJM : apports journaliers moyens calculés par la méthode des repas dupliqués.
** DJA : dose journalière tolérable établie par le Joint Expert Commitee on Food Additives (JECFA) - Estimation réalisée avec l'hypothèse d'un poiuds corporel de 60 kg.

*** Valeur obtenue par calcul considérant que 10% de l'arsenic total est sous forme inorganique.


Résidus de radionucléides

Aucun radionucléide n'a été détecté dans les 103 rations alimentaires analysées à cette fin.

Comparaison avec d'autres études

Comparaison avec les enquêtes françaises

Pour les résidus de pesticides, l'exposition est inférieure au calcul théorique du CREDOC de 1996 qui intégrait soit les LMR, soit les données de contamination de fruits et légumes les plus élevées et des niveaux moyens de consommation alimentaire (146.6 µg/jour/personne pour le phosalone, 90.4 µg/jour/personne pour le triazophos).

Pour les métaux lourds, les résultats ont été comparés à ceux de l'enquête de la Direction Générale de la Santé de 1992 (DGS), et à ceux obtenus en croisant les données de consommation avec les données de contamination de Decloître, 1998. Les résultats de ces comparaisons sont présentés dans le tableau 6.

Tableau 6: Comparaison des résultats d'enquêtes

  Enquête Exposition globale
    (µg/personne/jour)
Plomb Contamination (Decloitre, 1998) X Consommation 67.7
Repas dupliqué DGS, 1992 73 à 123
Repas dupliqué DGAL, 1998-1999 52
Cadmium Contamination (Decloitre, 1998) X Consommation 19.6
Repas dupliqué DGS, 1992 23
Repas dupliqué DGAL, 1998-1999 17

Pour les radionucléides, les résultats confirment ceux des plans de surveillance de la DGAL depuis plusieurs années. L'analyse de milliers de produits alimentaires de toutes natures, d'origine française ou étrangère, indique une contamination moyenne négligeable des denrées alimentaires de grande consommation.

Comparaison avec des enquêtes étrangères

Les données concernant le plomb et le cadmium sont nombreuses, contrairement à celles concernant l'arsenic. Les résultats sont présentés dans le tableau 7.

Tableau 7: Comparaison de l'enquête DGAL 1998-1999 avec des enquêtes étrangères

Pays Plomb Cadmium Arsenic
  (µg/personne/jour)    
France (DGAL, 1998-1999) 52 17 109
Pays Basque espagnol 34 11 298
Pays-Bas 47 23  
Danemark 27 17 118
Suède 26 8.6  
Finlande 18 9.5  
Royaume-Uni 24 14 63
Espagne   11 à 29  
Nouvelle-Zélande 35 28 140
états-Unis 8 11  
Cuba 557 12  
Thaïlande   177  
Chine 86 43  
Japon 85 29 160 à 280

Discussion

L'exposition au plomb des consommateurs français est supérieure à celle détectée ces dernières années dans certains pays.

Pour le cadmium, l'exposition se situe dans le milieu de la fourchette des apports relevés dans les pays européens, et elle est du même ordre de grandeur que des résultats publiés en Espagne et au Danemark. Pour l'arsenic, l'exposition est inférieure à celle des pays gros consommateurs de poissons et du même ordre de grandeur que celle de pays aux habitudes alimentaires comparables aux habitudes françaises. Le mode de calcul retenu pour étudier la situation française (valeurs < LOQ = LOQ) surestime l'exposition, ce qui peut suggérer des résultats moins favorables qu'ils ne le sont en réalité dans les comparaisons des situations nationales.

L'évolution de l'exposition aux éléments traces semble en nette régression par comparaison aux résultats publiés dans le cadre de l'inventaire National de la Qualité Alimentaire en 1983.

S'agissant du plomb, la réduction de la contamination des aliments, qui apparaît par comparaison avec les études françaises antérieures, est vraisemblablement due en grande partie aux mesures correctives initiées depuis une quinzaine d'armées sur les principaux facteurs environnementaux et technologiques responsables de l'exposition à ce contaminant : réduction des sources d'émissions atmosphériques (essence sans plomb, usines métallurgiques) et mise en oeuvre des bonnes pratiques agricoles (agriculture raisonnée, épandage réglementé) et de fabrication, pour la préparation et le conditionnement de certaines denrées comme les conserves (emboîtage) et le vin (surbouchage).

Pour ce qui est du cadmium, la diminution des contaminations et de J'exposition est en partie attribuable à la modification des pratiques agricoles (réduction de l'utilisation d'engrais phosphatés enrichissant les sols en cadmium) et à la mise en place de mesures sanitaires (contrôle et réglementation) visant à interdire la culture des sols trop contaminés, en France comme dans d'autres pays.

Enfin, l'absence de données françaises de référence ne permet pas d'avoir le recul nécessaire pour comparer l'évolution de l'exposition des consommateurs français à l'arsenic total.

En France, l'exposition moyenne d'un adulte aux différents contaminants étudiés ne semble pas préoccupante.

En effet, en ce qui concerne les résidus de pesticides et les radionucléides, la situation réelle ne paraît pas poser de problème de santé publique et, pour les métaux lourds, l'exposition moyenne de la population est rassurante.

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