18ème Colloque Médecine et Recherche de la Fondation Ipsen de la série Neurosciences : « Définir la conscience : de la cognition à la clinique »

Nous savons tous de façon subjective que nous sommes conscients, mais qu’est-ce que la conscience ? À quelle fonction sert-elle dans notre vie et pour le succès de l’espèce humaine ? Ces problèmes épineux ont longtemps été considérés comme inaccessibles à l’analyse scientifique et par là même de nature à n’intéresser que les seuls philosophes. L’apparition au cours des 25 dernières années de technologies sophistiquées en imagerie cérébrale et en analyse informatique a enfin permis un accès expérimental aux corrélats neuronaux de l’état conscient, ainsi qu’à la conscience résiduelle des patients au cerveau endommagé.

Au cours du Colloque Médecine et Recherche de la Fondation IPSEN dédié aux Neurosciences, intitulé « Définir la conscience : de la cognition à la clinique », qui s’est tenu le 3 mai dernier, quinze des meilleurs spécialistes de ce domaine ont présenté des modèles théoriques vérifiables de la conscience, et ont montré, notamment à travers des exemples surprenants, comment notre compréhension du rôle de la conscience dans nos processus cognitifs s’est grandement améliorée. En effet, être capable d’observer l’esprit humain en action est à la fois très enthousiasmant et quelque peu intimidant. Par delà la mise au point sur l’état actuel des connaissances dans ce domaine, la réunion a permis un débat stimulant et animé au sujet des implications de toutes ces études. Cette réunion a été organisée par Stanislas Dehaene (Unité INSERM-CEA de Neuro-Imagerie Cognitive, Gif sur Yvette, France) et Yves Christen (Fondation Ipsen, Paris, France).

Nous savons tous de façon subjective que nous sommes conscients, mais qu’est-ce que la conscience ? À quelle fonction sert-elle dans notre vie et pour le succès de l’espèce humaine ? Ces problèmes épineux ont longtemps été considérés comme inaccessibles à l’analyse scientifique et par là même de nature à n’intéresser que les seuls philosophes. L’apparition au cours des 25 dernières années de technologies sophistiquées en imagerie cérébrale et en analyse informatique a enfin permis un accès expérimental aux corrélats neuronaux de l’état conscient, ainsi qu’à la conscience résiduelle des patients au cerveau endommagé.

Nous ressentons la conscience comme une perception de nous-mêmes, de l’environnement qui nous entoure et de notre manière d’y répondre. Nous savons que les autres personnes disposent également de cette capacité essentiellement grâce à leurs réponses à nos questions, ce qui nécessite de communiquer avec elles (Adrian Owen, University of Cambridge, Cambridge, UK). Comme ce processus extrêmement subjectif constituait jusqu’à une date récente le seul moyen d’étude disponible, l’examen des rouages de la conscience était considéré comme un sujet non susceptible de faire l’objet d’une approche scientifique. Le développement de l’imagerie cérébrale, notamment de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, et des technologies utilisant des électrodes multiples pour enregistrer les impulsions électriques dans le cerveau, associés à l’analyse informatique du signal a enfin fourni des méthodes objectives permettant de mettre en corrélation l’activité cérébrale avec le compte-rendu subjectif et les analyses psychologiques précises. Ces technologies apportent des éléments nouveaux pour comprendre l’évolution de la conscience et les circuits neuronaux impliqués. Elles permettent de tester des modèles théoriques de conscience. Elles révèlent à quel point ce que nous considérons comme le processus de la conscience se situe en réalité en dehors de l’état de veille et elles nous offrent des moyens d’évaluer la perception des patients au cerveau endommagé.

Le langage constitue une partie essentielle de l’expérience consciente, mais la manière dont il a évolué fait encore l’objet de débats animés. Une alternative à la proposition de Chomsky considérant qu’il est apparu totalement formé chez les premiers hommes a été évoqué : le langage aurait en fait évolué progressivement dans le cadre d’un processus lié au développement de la bipédie, qui a eu pour conséquence l’état de dépendance et le besoin d’interaction des nourrissons avec leur mère pendant des mois (Herbert S Terrace, Columbia University, New York, USA). Cette interaction aurait permis à la mère et à l’enfant de partager l’attention, et de fournir les bases de la dénomination des évènements et des objets. Un autre antécédent à la conscience a vraisemblablement été le processus de prise de décision des animaux quand ils choisissent quelle action réaliser. L’activation des réseaux de neurones impliqués dans ce processus peut avoir permis aux humains de généraliser l’évolution du « décider de faire » en « décider d’envisager », qui conduit à la délibération et au raisonnement (Michael N Shadlen, University of Washington, Seattle, USA).

Les limites de la perception consciente peuvent ne pas reposer tout à fait sur ce que nous croyons. Les processus subconscients jouent toujours un rôle important dans la prise de décision : l’imagerie cérébrale au cours de tests impliquant un choix permet à l’expérimentateur de prédire le choix avant que le sujet n’en soit conscient (John-Dylan Haynes, Charité-Universitätsmedizin, Berlin, Germany). La prédiction est exacte même dans des situations réelles, comme la décision concernant l’achat d’un véhicule. La motivation subconsciente peut également être puissante – des incitations subconscientes plus importantes produisent un effort physique supérieur – ce qui permet d’apprendre à faire des paris à partir d’indices subliminaux afin de prendre la meilleure décision (Mathias Pessiglione, Inserm U610, CHU Pitié Salpêtrière, Paris, France). La neurotransmission dopaminergique dans les noyaux gris centraux semble être importante dans ce processus subliminal. Les études de stimulation électrique montrent que même certains aspects de mise en œuvre du mouvement semblent être extérieurs à la perception consciente (Angela Sirigu, Institut des Sciences Cognitives, Bron, France).

Deux théories apparentées de la conscience ont été examinées : celle du moi neural (Antonio Damasio, Brain and Creativity Institute, University of Southern California, Los Angeles, USA) et celle de l’espace de travail neuronal global (GNW ou global neuronal workspace ; Jean-Pierre Changeux, Collège de France et Institut Pasteur, Paris, France ; Dehaene). Des tests expérimentaux de ces théories ont été présentés. La théorie du moi neural envisage l’existence d’un processus à plusieurs niveaux, qui décrit l’apparition de la subjectivité à partir de signaux intéroceptifs et d’états de sentiment primaire. L’hypothèse du GNW a été proposée en 1998, pour établir des liens de causalité entre les niveaux neural, comportemental et mental. Elle a été testée au moyen de tâches comportementales bien définies accessibles à l’expérience.

Les bases neuro-anatomiques de ces deux concepts ont été identifiées (Damasio ; Changeux) et les prédictions du GNW sont actuellement testées à l’aide d’enregistrements électro-physiologiques au cours du traitement subliminal et conscient de stimuli visuels (Dehaene). Une question est de savoir comment des régions différentes du cortex et des structures sub-corticales identifient les caractéristiques associées dans le barrage permanent de stimulation. Pendant la stimulation visuelle subliminale, l’activation locale ne se propage pas à des régions plus éloignées, même dans la bande gamma d’activité de l’électroencéphalogramme, supposée favoriser l’intégration à longue distance (Dehaene). Le rôle plus global de l’activité synchronisée de la bande gamma est démontré dans des expériences d’attention sélective chez les singes, où elle influence la codification de l’orientation du stimulus (Fries, Radboud University Nijmegen, Nijmegen, The Netherlands). Phénomène plutôt surprenant : les individus disposent de leurs propres schémas caractéristiques de synchronisation de la bande gamma, qui semblent reposer sur un substrat génétique, si l’on en juge par les études réalisées sur les jumeaux. On pense également que les potentiels corticaux lents constituent un indicateur du traitement conscient (Marcus Raichle, Washington University School of Medicine, Saint Louis, USA).

Les enregistrements électriques effectués au cours de la chirurgie des structures cérébrales impliquées dans l’émotion, la mémoire et l’attraction nous aident à mieux comprendre la pensée créatrice et les préceptes conscients au moment où ils sont formés (Moran Cerf, California Institute of Technology, University of California, Los Angeles, USA). Les pensées associées à des réponses cérébrales identifiables sont affichées visuellement sur un écran en face du patient, révélant une compétition entre le processus interne et le stimulus externe.

Le diagnostic clinique et la prise en charge de patients au cerveau endommagé bénéficient des nouvelles technologies ainsi que de l’identification de régions cérébrales, corticales et sous-corticales, impliquées dans le processus conscient et subconscient, évoquées par de nombreux orateurs. Ces patients peuvent rester dans un état végétatif, ne présentant aucun signe de perception ou de mouvement volontaire, ou dans un état faiblement conscient, quand ils sont incapables de communiquer. Peuvent-ils, dans cet état, posséder une forme de conscience en l’absence de signes externes de perception ? Un ensemble de tests auditifs, basés sur la théorie du GNW et associés à un enregistrement électrique, a été conçu pour aider à distinguer l’activité cérébrale dans les états conscients et non conscients (Lionel Naccache, Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, CHU Pitié Salpêtrière, Paris, France). La neuro-imagerie et les interfaces cerveau-ordinateur permettent aux cliniciens de différencier de manière plus précise les mouvements volontaires et involontaires, révélant que jusqu’à la moitié des patients diagnostiqués en état végétatif présentent des signes de réponses conscientes et qu’ils ne sont pas « morts du point de vue néo-cortical » mais qu’ils présentent des îlots d’activité corticale déconnectés (Steven Laureys, Université de Liège, Liège, Belgique). Hélas, l’utilisation de l’imagerie de résonance magnétique fonctionnelle pour deviner la perception a ses limites (Owen).

La Fondation Ipsen

Créée en 1983 sous l'égide de la Fondation de France, la Fondation Ipsen a pour vocation de contribuer au développement et à la diffusion des connaissances scientifiques. Inscrite dans la durée, l'action de la Fondation Ipsen vise à favoriser les interactions entre chercheurs et cliniciens, échanges indispensables en raison de l'extrême spécialisation de ces professions. L'ambition de la Fondation Ipsen est d'initier une réflexion sur les grands enjeux scientifiques des années à venir. La Fondation a développé un important réseau international d'experts scientifiques qu’elle réunit régulièrement dans le cadre de Colloques Médecine et Recherche, consacrés à six grands thèmes: la maladie d'Alzheimer, les neurosciences, la longévité, l'endocrinologie, l'arbre vasculaire et le cancer. Par ailleurs, en 2007, la Fondation Ipsen a initié trois nouvelles séries de réunions en partenariat: d’une part avec le Salk Institute et la revue Nature sur le thème de la complexité biologique; d’autre part, avec la revue Nature sur le thème « Émergence et Convergence »; et enfin, avec la revue Cell et le Massachusetts General Hospital sur le thème « Exciting Biologies ». Depuis sa création, La Fondation Ipsen a organisé une centaine de conférences internationales, publié 70 ouvrages chez des éditeurs de renom et 210 numéros de sa brochure d’information bimestrielle Alzheimer Actualités. Elle a également attribué plus d’une centaine de prix et bourses depuis sa création.

CONTACT:

Pour plus d’informationIsabelle de Segonzac, Image SeptE-mail : isegonzac@image7.frTél. : +33 (0)1 53 70 74 70

© 2010 Business Wire - Tous droits réservés

Descripteur MESH : Neurosciences , Recherche , Médecine , Cognition , Conscience , Cerveau , Patients , Informatique , Savons , Vie , Nature , Perception , Paris , Rôle , Modèles théoriques , Maladie d'Alzheimer , Mouvement , France , Los Angeles , Langage , Réunion , Physique , Personnes , Prise de décision , Mémoire , Professions , Réseau , Signaux , Spécialisation , Noyaux gris centraux , Stimulation électrique , New York , Tests auditifs , Travail , Washington , Endocrinologie , Animaux , Berlin , Causalité , Compréhension , Conférences , Diagnostic , Diffusion , Effort physique , Électrodes , Éléments , Neurones , Enregistrements , Face , Génétique

Recherche scientifique: Les +