10 ans après la catastrophe d’AZF : point sur la surveillance sanitaire et l’accompagnement des victimes

Dès les jours qui ont suivi l’explosion de l’usine "AZF" le 21 septembre 2001, un programme de surveillance a été mis en place par l’Institut de veille sanitaire (InVS) avec de très nombreux partenaires scientifiques et institutionnels pour évaluer les conséquences sanitaires de la catastrophe industrielle et les besoins de prise en charge de la population. Dans les deux ans qui ont suivi la catastrophe, différents systèmes d’information ont été confrontés et trois grandes enquêtes ont été menées chez les enfants, les habitants de Toulouse et les travailleurs et sauveteurs.

La "cohorte santé AZF", enquête auprès de volontaires, a ensuite été mise en place avec la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, son Centre d’Examens de Santé (CES) et l’équipe risques post professionnels cohortes mixte Cetaf-Inserm. Cette étude a permis de suivre le devenir professionnel et la santé des travailleurs et sauveteurs de l’agglomération toulousaine sur une durée de 5 ans.De septembre 2001 à juillet 2011, la CPAM a ouvert 11 618 dossiers pour des assurés déclarés comme victimes de l’explosion AZF, dont 7 827 au titre du risque maladie et 3 791 au titre d’un accident de travail. Les dépenses de soins, d’indemnités journalières dans le cadre d’arrêts de travail, de pensions d’invalidité ou de rentes d’accidents du travail des victimes d’AZF pris en charge par l’Assurance maladie représentent plus de 34,4 millions d’euros à fin janvier 2009.Dix ans après l’accident, la CPAM et l’InVS sont en mesure de fournir des éléments épidémiologiques sur l’impact sanitaire de l’explosion à moyen terme à partir des derniers résultats du suivi des 3 006 volontaires de la cohorte santé AZF. Ceux-ci ont été suivis par des bilans de santé clinique et paraclinique et par des auto-questionnaires professionnels et de santé. Ces derniers détaillent les conséquences professionnelles (arrêt de travail, évolution de carrière), sociales, physiques et psychologiques (mal-être psychique, symptômes dépressifs et symptômes de stress post-traumatique).Résultats de la surveillance : un impact durable sur la santé mentale et sur l’auditionA court terme, les conséquences sanitaires des rejets toxiques dans l’environnement se sont révélées minimes. En revanche, les pertes auditives et les conséquences sur la santé mentale prédominaient dans les populations, enfants ou adultes, habitants ou travailleurs. On observe notamment des proportions élevées de symptômes de stress post-traumatique (symptômes de type anxieux comme des cauchemars ou une hyper irritabilité) et des symptômes dépressifs plusieurs mois après la catastrophe. Il a été estimé à partir des bases de données de l’Assurance maladie, que près de 5 000 personnes ont débuté un traitement psychotrope dans les jours ayant suivi l’explosion alors qu’elles n’en prenaient pas auparavant.On a de plus observé que 4 ans après l’explosion, 14 % des participants à la cohorte consommaient des anxiolytiques et 10 % des médicaments antidépresseurs. Cette consommation de médicaments antidépresseurs est d’autant plus fréquente que les personnes avaient été  étaient proches du lieu de l’explosion. Les hommes qui se trouvaient à moins de 1,7 kilomètre du site lors de l’explosion étant trois fois plus nombreux à en consommer que ceux qui étaient à plus de 5 kilomètres, ce qui confirme le lien entre les deux phénomènes.Par ailleurs, l’analyse des auto-questionnaires annuels montre que ces volontaires sont nombreux à déclarer encore un mal être plusieurs années après l’explosion. Trois ans après la catastrophe, 15 % des hommes et 22 % des femmes présentaient encore des symptômes de stress post traumatique. Cinq ans après la catastrophe, ces proportions étaient de 13 % et 18 %. Les symptômes dépressifs qui concernaient 34 % des hommes et 50 % des femmes en 2005 étaient respectivement de 42 % et 60 % en 2007.Dans le domaine des troubles auditifs déclarés, les résultats montrent l’importance des acouphènes 5 ans après l’explosion (31 % chez les hommes et 24 % chez les femmes) et de l’hyperacousie (26 % et 35 %).Ces résultats témoignent de la persistance des troubles après l’explosion, tant au niveau psychologique qu’auditif. Les résultats définitifs de l’évaluation des conséquences à moyen terme de l’explosion dans le domaine de la santé mentale et des troubles auditifs seront disponibles en 2012.Recommandations concernant le suivi de l’état de santé de la population concernéeL’ensemble des résultats et leur cohérence permettent d’ores et déjà de formuler des recommandations. Ces mesures à mettre en place sont d’une part l’information systématique et le dépistage des déficits auditifs dans la zone proche de l’explosion ; et, d’autre part, le renforcement de la prise en charge psychologique et l’orientation vers des spécialistes en cas de risques psychiatriques de la population concernée par la catastrophe.L’équipe du CES constate lors des bilans de santé que les conséquences de cette catastrophe perdurent ; il reste à la disposition des victimes d’AZF, comme à la disposition de tous les assurés, pour faire le point avec eux sur leur santé, aussi bien psychique que physique.

Descripteur MESH : Population , Santé , Travail , Hommes , Maladie , Femmes , Santé mentale , Personnes , Antidépresseurs , Questionnaires , Physique , Toxiques , Soins , Risque , Pensions , Éléments , Anxiolytiques

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