A propos du rôle des boissons sucrées comme cause de l’obésité

 Le projet de taxation des boissons sucrées qui vient d’être présenté par le Premier Ministre replace dans l’actualité le rôle de ces boissons comme l’une des causes de l’obésité. L’Académie nationale de médecine rappelle qu’elle s’est déjà prononcée sur ce sujet. Elle a formulé des recommandations allant dans le sens d’une diminution de leur consommation, en particulier chez l’enfant et l’adolescent, en proposant notamment l’interdiction des distributeurs en contenant dans les locaux scolaires (1-2). Toute mesure visant à réduire l’apport alimentaire de boissons sucrées et, donc, leur taxation, repose sur des fondements scientifiques, médicaux et sanitaires que l’Académie tient à rappeler.

Insistons sur le fait que le projet ne porte que sur les «  boissons avec sucre ajouté » (saccharose, glucose, fructose, parfois à fortes concentrations, comme les  sodas). Les eaux, les jus de fruit (sans sucres ajoutés) et les produits contenant des édulcorants ne sont pas concernés. 1- Les boissons contenant du sucre ajouté consommées en excès nuisent à la santé  Les jus de fruits purs méritent une place à part en raison de leur caractère naturel et de leur richesse en vitamines et oligo- éléments.  Il est préférable de les consommer pendant les repas afin d’éviter une assimilation trop rapide des sucres qu’ils contiennent. Par ailleurs, dans la mesure où l’Agence européenne de sécurité alimentaire maintient l’autorisation de la consommation de l’aspartame, les boissons contenant des édulcorants ne sont pas touchés par le projet du gouvernement.Un projet de taxe sur les boissons sucrées avait déjà été proposé en France au Sénat sous la forme d’un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2008 (3) et dans un rapport commun de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances (4) en raison de la progression de l’obésité, des coûts qu’elle induit, et des maladies qui en découlent, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires (entre 1997 et 2009, le poids moyen des Français a augmenté de 3,1 kg alors que leur taille progressait de 0,5 cm). Ce projet n’avait pu aboutir. La consommationdes boissons sucrées favorise l’obésité.Il est admis qu’un régime équilibré doit comporter 50 à 55% de glucides indispensables à l’organisme, en particulier pour le fonctionnement des muscles et du système nerveux. Mais, à la différence des sucres lents, qui doivent être privilégiés, les boissons sucrées fournissent ces glucides sous une forme  très rapidement assimilable, déclenchant une intense sécrétion d’insuline laquelle génère la formation de graisses chez les sujets génétiquement prédisposés (5). Faute d’effet rassasiant, elles ne font qu’augmenter les apports caloriques sans bénéfice pour la santé (5-8). Le fructose que certaines de ces boissons contiennent en abondance induit une insulino-résistance hépatique et diminue l’oxydation des acides gras, facilitant la survenue d’une accumulation de lipides dans le foie (stéatose hépatique) et celle d’un diabète sucré (5-8).Parallèlement, la consommation excessive de boissons sucrées se fait souvent au détriment de celle du  lait dont les qualités nutritives sont bien supérieures.L’abondance des publications sur le sujet  ne permet pas de rapporter dans ce communiqué l’ensemble des études confirmant la corrélation entre prise de boissons sucrées et obésité (9). La majorité des études effectuées chez des adultes ou des adolescents met en évidence le fait que la prise de poids est directement liée à cette consommation excessive (10). Une étude californienne récente portant sur 43 000 adultes et 4 000 adolescents conclut que consommer quotidiennement une ou plusieurs boissons sucrées accroît de 27% la probabilité de devenir obèse (11). Un rapport très documenté de la commission de nutrition de la Société suisse de pédiatrie établit une relation claire entre la consommation de boissons sucrées et le risque de surcharge pondérale (10). Inversement, une baisse significative de poids est constatée dès qu’il y a réduction de cette consommation (10-12). En définitive, le grand nombre d’études qui confirment le lien entre la prise de boissons sucrées et l’obésité emporte la conviction même si un petit nombre de travaux présente des résultats discordants (13). Les effets délétères des boissons sucrées ne se limitent pas à l’obésité L’obésité est une affection multifactorielle, à prédisposition génétique, le plus souvent révélée par des agents environnementaux, prise calorique excessive et sédentarité (5). Les boissons sucrées ne sauraient, certes, être seules responsables de l’épidémie que nous connaissons, mais elles en sont l’un des facteurs reconnus et, surtout, le plus facile à éliminer.Outre la surcharge pondérale et les conséquences graves sur la santé qui en découlent, comme le diabète et les maladies cardio-vasculaires, la consommation excessive de boissons sucrées agirait défavorablement sur la densité osseuse (14-15). Sachant que le capital osseux se constitue dans l’enfance et à l’adolescence, avant 18 ans, le risque de fractures et la probabilité d’ostéoporose ultérieurs  sont augmentés. Enfin, l’usage immodéré des boissons sucrées est un facteur de mauvaise santé dentaire lié aux pullulations microbiennes qu’il entraîne (10). 2.    La progression spectaculaire de la consommation de ces boissons est une menace pour la santé publiqueCette progression a été de + 137% entre 1977 et 2001 aux USA. En Allemagne, la consommation annuelle de boissons sucrées par habitant serait de 130 litres avec un accroissement significatif de l’obésité et du diabète de type 2 (10). En France, selon le baromètre santé  2008 de l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES), la consommation de boissons sucrées appréciée par la progression des ventes et les enquêtes auprès du public a augmenté de près de 3% entre 2002 et 2008 avec un tiers de la population  en surcharge pondérale dont une proportion de plus en plus importante d’enfants (16).Malheureusement, les mesures éducatives parviennent difficilement à contrebalancer la publicité orchestrée autour de ces produits, à l’intention, notamment, des plus jeunes et des plus défavorisés. Ces boissons étant par ailleurs disponibles partout et relativement à bon marché, il est d’autant plus difficile de lutter contre les excès de consommation, comme le font déjà les mesures à visée dissuasive appliquées en vue de prévenir le tabagisme, l’abus d’alcool ou  la vitesse au volant. Associer dans la même loi le tabac, les boissons alcoolisées et les boissons sucrées mettrait   l’accent sur la nécessité de changer certains comportements alimentaires. Depuis plusieurs années le Plan National Nutrition Santé (PNNS) prône d’excellentes règles d’hygiène alimentaire. Néanmoins force est de reconnaître qu’en dépit des efforts de communication qui sont faits, ses recommandations ne sont pas complètement suivies d’effet comme le démontre, entre autres, la persistance d’une consommation encore trop élevée de sel. Aussi, plusieurs auteurs considèrent que la disposition la plus efficace serait la taxation (17). Une étude parue dans l’American Journal of Public Health en 2010 note qu’après de longs et vains efforts d’éducation, il aura suffi d’une augmentation du prix des boissons gazeuses de 35% à Boston pour faire chuter les ventes de 26% (18). Encore faut-il que la taxe soit suffisamment élevée pour avoir un effet dissuasif. L’Académie nationale de médecine confirme que le projet de taxe sur les boissons sucrées est médicalement justifié, même si son efficacité ne pourra être estimée qu’après sa mise en application. Elle approuve le gouvernement de considérer que la prévention de l’obésité est un impératif de santé publique.L’Académie rappelle ses recommandations antérieures (1,2) en complément de la mesure proposée :1-conseiller aux consommateurs de lire avec soin les étiquettes pour identifier et éviter les produits transformés contenant des <> (« high-fructose corn syrups ou sirops de maïs à haute teneur en fructose) ou les sirops de fructose glucose, et apprendre à réduire la consommation de produits raffinés et sucrés au profit d’aliments plus naturels tels le miel, les fruits frais, les légumes, les purs jus de fruits, les boissons avec sucres ajoutés ne devant être consommées que de manière exceptionnelle ;2- contrôler la publicité sur les boissons avec sucre ajouté ;3- assurer une formation spécifique des professionnels de santé, des enseignants, des acteurs sociaux et économiques et des responsables des collectivités locales.   Références1-    M. Tubiana, G Blancher. L’obésité. Bull. Acad. Natle Med. 2003 : 187 : 1607-1608.. 2-    M. Tubiana.  Conclusions de la séance commune des Académies nationales de médecine et de pharmacie « L’obésité » du 23 octobre 2003. Bull. Acad. Natle Med. 2003 ;187 : 1391-1395. 3-    Vasselle A, Bur Y. Amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2008. in : http://www.senat.fr 4-    Hespel V, Berthod-Wurmser M. La pertinence et la faisabilité d’une taxation nutritionnelle. Rapport de l’IGAS et de l’IGF. Juillet 2008. in http://www.ladocumentationfrancaise.fr 5-    P. Delaveau, C. Jaffiol.  Expliquez moi l’obésité. Comprendre, prévenir, traiter. Pharmathèmes ed. Paris 2005. 6-    DM. Mourao, J. Bressan, WW. Campbell et al. Effects of food form on appetite and energy intake in lean and obese young adults; Int. J. Obes., 2007,31, 1688-95 7-    RD Mattes, BM Popkin. Non nutritive sweetener consumption in humans: effects on appetite and food intake and their putative mechanisms ;Amer. J. Clin. Nutr., 2009,89,1-14 8-     KL. Stanhope,JM. Schwarz, NL. Keim. Consuming fructose sweetened, not glucose sweetened, beverages increases visceral adiposity and lipids and decreases insulin sensitivity in overweight/obese humans J. Clin. Invest., 2009,119, 1322-34 9-    DS. Ludwig, KE. Peterson, SL Gortmaker.  Relation between consumption of sugar-sweetened drinks and childhood obesity : a prospective, observational analysis ; Lancet, 2001, 357, 505-508. 10-          Commission de nutritionde la société suisse de pédiatrie.  consommation de boissons sucrées par les enfants et les adolescents ; Paediatrica, 2008, 19, No4, 29-30. 11-          California Center for Public Health Advocacy (CCPHA) and the UCLA Center for Health Policy Research.  Bubbling Over: soda consumption and its link to obesity in California. September 2009 :http://www.publichealthadvocacy.org/bubblingover.html 12-          J.James, P. Thomas,D. Cavan.  Preventing childhood obesity by reducing consumption of carbonated drinks: cluster randomized controlled trial; British Med. J., 2004,328,(1237),1-6 13-          Gibson S., Neate D. Sugar intake, soft drink consumption and body weight, Int. J. Food Sc. Nutr., 2007,58 445-60 14-          R. Ogur, B. Uysal et al. Evaluation of the effect of cold drinks on bone mineral density and associated factors. Basic and Clinical Pharmacology and Toxicology, 2007, 100: 334-8 15-          H..Jacobsson.  Short time ingestion of colas influences the activity   distribution at bone scintigraphy: experimental studies in the mouse; J. American College of Nutrition, 2008,27(2); 332-6 16-          Escalon H, Bossard C, Beck F. INPES. Baromètre santé-nutrition 2008. in : http://www.inpes.fr 17-          KD Brownell, T Farley, WC. Willet et al. The public health and economic benefits of taxing sugar-sweetened beverages; N. England J. Med., 2009; 361: 1599-1605. 18-          J Block, A. Chandra, K. McManus et al. Point-of-purchase price and education intervention to reduce consumption of sugary soft drinks. American J. Public Health. 2010; 100: 1427-1433.  

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