Le 27ème Colloque Médecine et Recherche de la Fondation Ipsen de la série Alzheimer : « Propagation protéinopathique et maladies neurodégénératives»

Les prions sont des protéines de type Janus synthétisées par les neurones : dans leur conformation globulaire normale, ils participent aux fonctions cellulaires, mais dans certaines circonstances, ils adoptent une configuration en feuillets β plissés, qui forme des agrégats fibreux insolubles perturbant la fonction cellulaire. Cette forme agrégée se retrouve dans les neurones dans un groupe de maladies neurodégénératives connues sous le terme d’encéphalopathies spongiformes transmissibles, qui comprennent le Kuru et la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) chez l’homme, l’ESB des bovins et la tremblante du mouton (ou scrapie). Toutes ces maladies peuvent être transmises par le contact avec des matières cérébrales d’individus affectés – ce qui a provoqué une grande inquiétude à la fin des années 1980 et au début des années 1990, quand des individus ont développé une forme de MCJ après avoir ingéré des aliments provenant de vaches atteintes d’ESB.

Au milieu des années 1980, Stanley Prusiner a surpris la communauté scientifique en affirmant que les maladies neurodégénératives transmissibles comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l’homme et l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, ou « maladie de la vache folle ») étaient provoquées par des protéines capables de se répliquer, qu’il a dénommées des prions. Ses travaux minutieux pour démontrer que les protéines de prion pouvaient se répliquer sans nécessiter de matériel génétique lui ont valu le prix Nobel en 1997. Ce qui paraissait au départ constituer un mécanisme inhabituel, restreint à un groupe plutôt rare de maladies, apparaît désormais comme le prototype d’un processus impliqué dans toutes les maladies neurodégénératives : les protéines pathogènes qui caractérisent ces maladies semblent toutes se comporter comme les prions. La compréhension de la transmission de ces maladies dans le système nerveux et l’éventualité qu’une contamination environnementale puisse expliquer les formes sporadiques de ces maladies, ainsi que les possibilités thérapeutiques, ont fait l’objet de présentations par 13 des meilleurs spécialistes mondiaux de ce sujet, dont deux lauréats du prix Nobel, lors du 27e colloque annuel sur la maladie d'Alzheimer, organisé par la Fondation IPSEN. Cette réunion, qui a eu lieu à Paris le 27 février 2012, était organisée par Mathias Jucker (Université de Tübingen, Allemagne) et Yves Christen (Fondation IPSEN, Paris).

Les prions sont des protéines de type Janus synthétisées par les neurones : dans leur conformation globulaire normale, ils participent aux fonctions cellulaires, mais dans certaines circonstances, ils adoptent une configuration en feuillets β plissés, qui forme des agrégats fibreux insolubles perturbant la fonction cellulaire. Cette forme agrégée se retrouve dans les neurones dans un groupe de maladies neurodégénératives connues sous le terme d’encéphalopathies spongiformes transmissibles, qui comprennent le Kuru et la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) chez l’homme, l’ESB des bovins et la tremblante du mouton (ou scrapie). Toutes ces maladies peuvent être transmises par le contact avec des matières cérébrales d’individus affectés – ce qui a provoqué une grande inquiétude à la fin des années 1980 et au début des années 1990, quand des individus ont développé une forme de MCJ après avoir ingéré des aliments provenant de vaches atteintes d’ESB.

La longue traque des années 1980 n’a pas permis d’identifier un agent bactérien ou viral responsable de ces pathologies. Stanley Prusiner et ses collègues ont plutôt suggéré que l’agent infectieux était la protéine de prion sous forme de feuillet β, capable de se répliquer en s’utilisant elle-même comme modèle. L’hypothèse d’une réplication sans acides nucléiques fut pour le moins controversée. Il est désormais accepté que les molécules « corrompues » ayant une conformation en feuillet β, connues sous le terme de « prions », peuvent agir comme un germe, qui convertit les protéines normales de prion en molécules de type feuillet β. Elles adoptent une configuration fibrillaire et s’agrègent en un dépôt de type amyloïde qui perturbe le fonctionnement neuronal. Les prions libérés par des cellules sont absorbés par les cellules voisines et déclenchent la même cascade de transformation et d’agrégation. La génétique joue toujours un rôle, car diverses mutations du gène de la protéine prion favorisent cette transformation, tandis que certains polymorphismes (substitution d’une base dans la séquence du gène par une autre) rend les individus plus sensibles au développement d’une maladie à prion.

Le parallèle avec la maladie d'Alzheimer (MA) a vite été remarqué : une protéine cellulaire, ici le peptide β-amyloïde adopte une conformation fibrillaire en feuillet β qui s’agrège dans le cerveau sous forme de plaques amyloïdes. Ici encore, la génétique joue un rôle, au moins au moment de l’apparition de la maladie, dans le cas de la MA familiale, qui est associée à des mutations de la protéine précurseur de la β-amyloïde. Plus récemment, il est devenu évident que ce schéma de type prion est commun à toutes les maladies neurodégénératives, notamment la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington et la maladie du moto-neurone (Stanley Prusiner, University of California San Francisco, USA) : chacune est caractérisée par une protéine cellulaire spécifique de la maladie, qui adopte une configuration en feuillet β et qui ensuite s’agrège. Par ailleurs, des mutations associées à des formes familiales des maladies ont maintenant été identifiées pour toutes ces protéines signature. C’est pourquoi ces pathologies sont considérées comme étant dues au mauvais repliement des protéines (Claudio Soto, University of Texas Houston Medical School, Houston, USA) et que les protéines responsables peuvent être considérées comme analogues aux prions des mammifères (Prusiner).

Si les protéines mal repliées associées aux diverses maladies neurodégénératives se comportent vraiment comme des prions, elles devraient être capables de déclencher la transformation de la protéine cellulaire dans les cellules non affectées. Le transfert d’une amyloïdose systémique (non neurale) entre les souris a été démontré pour la première fois il y a plus de 40 ans (Per Westermark, Uppsala University, Uppsala, Suède). Plusieurs orateurs de la réunion ont présenté des données en faveur de cette hypothèse à propos de diverses maladies neurodégénératives, soit par l’injection d’un homogénat cérébral de souris génétiquement modifiées pour développer la maladie dans le cerveau d’animaux sensibles mais indemnes de la maladie (Prusiner ; Mathias Jucker, Hertie-Institute for Clinical Brain Research and German Center for Neurodegenerative Diseases, Tübingen ; Soto ; Michel Goedert, MRC Laboratory of Molecular Biology, Cambridge, GB; Patrik Brundin, Lund University, Lund, Suède; Virginia Lee, University of Pennsylvania School of Medicine, Philadelphia, USA), par l’injection de fibrilles synthétiques de protéines dans le cerveau (Lee) ou soit en testant des extraits protéiques purifiés dans des cultures de neurones (Anne Bertolotti, MRC Laboratory of Molecular Biology, Cambridge, GB; Ron Kopito, Stanford University, Stanford, USA). Une autre indication claire de l’induction transcellulaire provient des patients atteints de la maladie de Parkinson qui ont subi une transplantation de cellules souches : des protéines en feuillet β ont été retrouvées dans les neurones issus des cellules souches (Brundin).

Cette fonction de déclencheur des protéines corrompues, qui leur a valu la dénomination de germes protéinopathiques, semble également être responsable de la dissémination de la dégénérescence au cours du temps à travers le cerveau, typique des maladies neurodégénératives (Jucker ; Brundin ; Lee). Plus important peut-être, on a trouvé les protéines corrompues dans le cerveau après une injection intra-péritonéale ou une transfusion sanguine (Soto) ; comme avec les prions, le transport le long du nerf vague semble être la voie la plus probable d’accès au cerveau (Pruisiner ; Brundin). Ceci ouvre la possibilité d’une origine environnementale pour les nombreux patients atteints d’une maladie neurodégénérative en l’absence de liens héréditaires (Jucker ; Soto ; Westermark).

Les mécanismes à l’origine de la propagation protéinopathique ne sont pas encore élucidés. La dissémination de la transformation en feuillet β semble dépendre de la configuration du germe lui-même et de la constitution génétique de l’animal – là encore, ceci est très semblable à ce que l’on observe dans les maladies à prion (Jucker ; Goeddert). L’absorption des protéines germes dans les neurones est en cours d’examen dans des cultures (Bertolotti ; Kopito) et dans des systèmes modèles (Brundin). Le facteur crucial semble être l’interaction entre la protéine germe et les membranes cellulaires, et dans certains cas au moins, des protéines auxiliaires sont requises (Brundin).

Pour comprendre comment fonctionne la propagation, il est essentiel de connaître la structure des protéines en feuillet β. Dans le cas de la β-amyloïde, les conditions qui déterminent le type de fibrille et d’agrégats formés, et le lien avec les mutations dans la protéine précurseur d'amyloïde ont été évoqués (Robert Tycko, National Institutes of Health, NIDDK, Bethesda, USA). La coopération entre les molécules en feuillet β peut également être importante pour l’agrégation (Roland Riek, ETH Zürich, Zürich, Suisse). L’étendue des maladies systémiques dans lesquelles l’amyloïde s’accumule, comme l’amyloïdose AA, peuvent également apporter des idées utiles. L’amyloïde, un terme générique désignant les agrégats protéiques de ce type, est dans ce cas produit par l’amyloïde A du sérum, une protéine impliquée dans la réaction inflammatoire (Westermark). Il existe des preuves que la formation d’amyloïde AA peut être déclenchée par d’autres types de molécules amyloïdes, ce qui mène à l’hypothèse selon laquelle les fibrilles d’amyloïde retrouvés dans l’environnement et la nourriture pourraient propager la formation d’amyloïde dans le corps ou le cerveau.

Au fur et à mesure que s’accumulent des connaissances sur la propagation protéinopathique, de nouvelles perspectives d’intervention thérapeutique s’ouvrent (Peter Lansbury, Brigham and Women´s Hospital, Boston, USA). La conversion initiale d’une protéine globulaire fonctionnelle en forme de feuillet β potentiellement pathogène, la cascade de propagation qui convertit d’autres protéines globulaires en feuillets β et les mécanismes par lesquels les neurones absorbent les molécules en feuillet β de type prion sont tous des cibles potentielles. La découverte que les germes de β-amyloïde sont partiellement solubles et peuvent être présents dans les fluides corporels offre une autre stratégie possible pour un diagnostic précoce (Jucker).

Dans le même temps, il est indispensable de se rappeler que les molécules de type prion ont des fonctions biologiques, ce qui constitue une difficulté supplémentaire dans la conception des thérapeutiques. Une forme d’amyloïde semble participer au stockage des hormones dans des granules sécrétoires et dans la pigmentation cutanée (Riek), alors que les protéines de type prion qui s’auto-répliquent constituent un composant nécessaire du mécanisme moléculaire de mémorisation à long terme chez la mouche et chez la souris (Eric Kandel, Columbia University, New York, USA). Il faut évidemment éviter qu’une intervention empêchant la dissémination d’une protéine en feuillet β comme la β-amyloïde à travers le système nerveux interfère avec des mécanismes biologiques importants, en particulier ceux impliqués dans la mémorisation. Malgré ces réserves, il est clair que l’étude des conformations anormales des protéines constitue un aspect essentiel de la recherche sur la neurodégénérescence et qu’elle offre des perspectives passionnantes à la fois pour la compréhension de ces maladies graves et pour leur traitement.

La Fondation IpsenCréée en 1983 sous l'égide de la Fondation de France, la Fondation Ipsen a pour vocation de contribuer au développement et à la diffusion des connaissances scientifiques. Inscrite dans la durée, l'action de la Fondation Ipsen vise à favoriser les interactions entre chercheurs et cliniciens, échanges indispensables en raison de l'extrême spécialisation de ces professions. L'ambition de la Fondation Ipsen est d'initier une réflexion sur les grands enjeux scientifiques des années à venir. La Fondation a développé un important réseau international d'experts scientifiques qu’elle réunit régulièrement dans le cadre de Colloques Médecine et Recherche, consacrés à six grands thèmes: la maladie d'Alzheimer, les neurosciences, la longévité, l'endocrinologie, l'arbre vasculaire et le cancer. Par ailleurs, la Fondation Ipsen a initié, à partir de 2007, plusieurs séries de réunions en partenariat avec le Salk Institute, le Karolinska Institutet, le Massachusetts General Hospital, les Days of Molecular Medicine Global Foundation, ainsi qu’avec les revues Nature, Cell et Science. La Fondation Ipsen a publié plus d’une centaine d’ouvrages et a attribué plus de 250 prix et bourses.

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