La tularémie

Définition

La tularémie est une anthropozoonose cosmopolite, endémo-épidémique, causée par un petit cocco bacille aérobie, Francisella turalensis (anciennement connu sous le nom de Pasteurella tularensis), dont les réservoirs sont nombreux (lièvre, lapin, renard, rat, écureuil, sanglier, etc.). La tularémie est principalement animale atteignant accidentellement l'homme et pouvant être mortelle pour lui. Cette maladie infectieuse aiguë légalement réputée contagieuse est transmise soit par les déjections d'animaux infectés, par les piq ûres de certaines espèces de tiques, de taons, de moustiques soit surtout par le contact des dépouilles du gibier infecté.

Le germe de la maladie a été isolé en 1911 à partir de cadavres d'écureuils dans le comté de Tulare (Californie), d'où son nom : la tularémie. Elle a été observée pour la première fois chez l'homme, aux Etats-Unis, en 1921 par Edward Francis et l'agent, nommé jusque là Bacterium tularense, fut rebaptisé Francisella tularensis en 1974 en hommage à son découvreur.

Actuellement, cette affection survient de façon sporadique chez l'homme aux Etats-Unis, en Europe et en Asie.

Synonymes : pseudopeste, maladie de Ohara, maladie de Francis, fièvre de la mouche du cerf, Yato-Byo (Japon) ou Yato-Bigo.

La tularémie est de nouveau une maladie La tularémie, sous toutes ses formes cliniques, est inscrite au tableau des maladies professionnelles sous le numéro 68 pour le régime général, et sous le numéro 7 pour le régime agricole.

Epidémiologie

Répartition géographique :

Francisella tularensis est présent dans toute l'Amérique du Nord, en Europe continentale, en Russie, en Chine et au Japon. Il peut sévir tous les mois de l'année mais est plus fréquent au début de l'hiver pendant la saison de la chasse et pendant le printemps et l'été lorsque les tiques et les taons sont abondants.

La plupart des Pays d'Europe sont concernés. Aucun cas n'est décrit en Espagne et Grande-Bretagne.

Environ 50 cas de tularémie sont déclarés chaque année en France, 80 % des cas sont répertoriés dans le
nord-est et le centre du pays. Si l'on fait abstraction du personnel de laboratoire et des consommateurs de viande insuffisamment cuite, les chasseurs et les personnes en contact régulier avec les animaux représentent l'essentiel de la population à risque.

Aucun cas de contamination inter-humaine n'a été décrit.

Réservoir naturel de l'infection :

Francisella tularensis est trouvée dans de nombreuses espèces animales, sauvages quasi exclusivement, mais peut aussi être découvert dans de l'eau contaminée, les sols et la végétation.

Les réservoirs naturels de l'infection sont : les lapins, les lièvres, les rats-musqués, les castors et certains animaux domestiques, les tiques, les taons (Chrysops discalis), les moustiques et oiseaux. Le cycle
rongeur-moustique a été démontré en Scandinavie et en Russie.
Aux états-Unis, le lapin (et tout spécialement le lapin de garenne, Sylvilagus) représente le réservoir de virus le plus important pour l'infection humaine (90 % des cas).
En Suède et en Norvège, des cas humains ont été transmis par le lièvre, et en Russie par le rat d'eau.

L'homme contracte la maladie à partir du réservoir animal de l'infection, soit directement en manipulant les carcasses d'animaux infectés, soit indirectement par l'intermédiaire d'un insecte vecteur (dont le plus commun en Amérique est la mouche du daim, Chrysops discalis, d'où le nom de "fièvre de la mouche du daim" que les Anglo-Saxons donnent à cette maladie). Différentes tiques, qu'il s'agisse d'Ixodidae (Dermacentor, Haemaphysalis, Rhipicephalus, Amblyomma et Ixodes) ou d'ornithodores, les taons, les moustiques, les puces, les poux sont responsables pour une grande part de la persistance de l'infection animale.

Bactériologie

Francisella tularensis est l'agent étiologique de la tularémie. C'est un petit cocco bacille aérobie strict non mobile, Gram-négatif, mesurant 0,2 x 0,7 µm. Il est entouré d'une fine enveloppe liposaccharidique et peut survivre sous forme de spores pendant plusieurs semaines dans l'eau, les sols ou dans des restes animaux. Cette bactérie intracellulaire facultative se multiplie au sein des macrophages par lesquels elle colonise, au décours d'une bactériémie, les ganglions lymphatiques, les poumons, la plèvre, la rate, le foie et les reins.

On connait deux souches principales de Francisella tularensis :

- Le type A : Francisella Tularensis biovar tularensis (neartica) qui est retrouvé exclusivement en Amérique et qui est le plus virulent. Sans traitement, le taux de mortalité est autour de 5%.

- Le type B : Francisella Tularensis biovar paleartica (holartica) qui est Eurasien. Il est transmis par les rongeurs et occasionne des infections ulcéro-ganglionnaires plus ou moins graves.

Dose infectieuse : 5 - 10 organismes par voie respiratoire, 10 exp.6 - 10 exp. 8 par ingestion.

Dans la nature, Francisella tularensis est un organisme résistant qui persiste pendant des semaines ou des mois dans la boue, l'eau et les carcasses d'animaux décomposées. Les morsures et piq ûres d'insectes, spécifiquement les tiques servent de vecteurs.

Francisella tularensis est sensible à la chaleur (10 minutes à 56 ° C), aux antiseptiques et désinfectants usuels (chlore).

Transmission

1. Par voie directe

- Par voie cutanéo-muqueuse
A partir du réservoir animal de l'infection en manipulant les carcasses d'animaux infectés, le germe pénétrant à travers la peau saine ou à travers les muqueuses. Les risques d'infection augmentent considérablement si la personne a des plaies, même petites, aux mains.

- Par le tractus gastro-intestinal
Ingestion d'eau contaminée
Ingestion de nourriture contaminée : dans de rares cas, la maladie survient lorsqu'une personne ingère de la viande de gibier infectée n'ayant pas été cuite suffisament (encore saignante).

- Par les poumons : inhalation d'aérosols infectés
La bactérie est aussi transmissible de l'animal à l'homme par inhalation, ingestion et réception dans les yeux de poussières contaminées.
En 1969, un comité expert de l'Organisation Mondiale de la Santé a estimé qu'une dispersion par aérosol de
50 Kg de Francisella tularensis sur une ville de 5 millions d'habitants pourrait aboutir à 250 000 victimes dont
19 000 morts.

2. Par voie indirecte

- Par la piq ûre d'un insecte vecteur
Différents tiques, qu'il s'agisse d'Ixodidae ou d'ornithodores, les taons, les moustiques, les puces, les poux sont responsables pour une grande part de la persistance de l'infection animale. De plus, cette infection est transmise de la tique adulte à l'oeuf, et aussi bien les larves que les nymphes constituent un réservoir d'infection.

La transmission de la tularémie de personne à personne n'a jamais été documentée.

Certaines professions sont naturellement exposées tels que les gardes-chasse ou les bouchers, mais c'est surtout chez les chasseurs ou dans leur famille que l'on retrouvera le plus grand nombre de cas. Les travailleurs de laboratoires sont vulnérables à l'infection, aussi bien en s'inoculant eux-mêmes accidentellement qu'en inhalant des organismes aérosols. Aussi, Francisella tularensis est hautement infectieux et pathogène.

Les multiples animaux cités précédemment sont tous fréquemment parasités par des tiques. Les Américains ont démontré que leurs Ixodes sont vecteurs de la tularémie, notamment en prouvant que les épidémies présentent deux pics d'activité, l'un en rapport avec la chasse, l'autre avec la période d'activité des tiques. La transmission trans-ovarienne de Francisella tularensis est reconnue, elle porte sur un très faible pourcentage de tiques.

Manifestations cliniques

1. Incubation

Chez l'homme, l'incubation est toujours "silencieuse" ( en moyenne de 3 à 5 jours ).

2. Invasion

L'invasion est brutale et marquée par une élévation thermique rapide (40°C) associée à des frissons, céphalées, nausées, vomissements, myalgies, arthralgies, sueurs ainsi qu'un état de prostration. Une dissociation pouls-température est notée chez près de 45 % des sujets. En l'absence de traitement, les signes pulmonaires passent au premier plan : toux productive, douleur rétrosternale, dyspnée, tachypnée, hémoptysie. Des signes non spécifiques peuvent se rajouter : douleurs abdominales, fièvre, nausées, vomissements, diarrhée, malaises et perte de poids; la forme typhoïdique se traduit par une fièvre avec prostration.

3. Phase d'état

Elle se présente sous quatre formes cliniques :

- La forme ulcéro-ganglionnaire (87 % des cas)
Elle commence par le "chancre d'inoculation", situé généralement au point de l'infection initiale. Il se forme une papule de grande taille, qui s'ulcère. L'infection se propage aux ganglions lymphatiques qui deviennent douloureux et enflés et peuvent se rompre en libérant une matière purulente. Les signes généraux sont assez marqués : température élevée (de 39 à 40° C), pouls accéléré, tension artérielle abaissée. Enfin, le "chancre" cicatrise, les signes généraux s'amendent, la température tombe.

- La forme typhoïde (8 % des cas)
Elle est grave et succède généralement à des contaminations massives par l'eau ou par la viande. La température est élevée. Il n'y a ni "chancre", ni adénopathie, mais surtout une angine. La guérison se fait en deux ou trois semaines.

- La forme oculo-ganglionnaire (3 % des cas)
Elle fait suite à une inoculation conjonctivale par des produits virulents. Les signes oculaires sont principalement une conjonctivite. L'adénopathie satellite parotidienne, sous-maxillaire ou carotidienne peut évoluer vers la suppuration. Les signes généraux sont bien plus intenses (céphalée, fièvre, délire) et l'évolution est longue.

- La forme ganglionnaire pure (2 % des cas)
Elle se présente comme un gonflement ganglionnaire isolé.

En absence de traitement, la maladie peut durer de 3 à 5 semaines. L'évolution spontanée entraîne environ 6 % de décès, alors que la mortalité sous traitement est quasiment nulle. L'infection confère l'immunité.

La convalescence peut prendre des semaines ou des mois avec des pointes de fièvre.

Chez l'animal, il est peu fréquent de voir les symptômes, puisque la plupart du temps, l'animal décède rapidement. Quoiqu'il en soit, ce dernier se comporte anormalement. Les lièvres se roulent en boule, le poil hérissé. étant donné leur état de faiblesse avancé, ils ne sont plus farouches et se laissent donc approcher facilement. Ils présentent des bosses au niveau de l'aine, du ventre, du cou ainsi qu'aux aisselles.

Diagnostic

- La notion de sujet à risque et la clinique sont évocatrices de la maladie, sauf dans les formes pulmonaires ou pseudo-typhiques.
- L'isolement du germe à partir du sang, des exsudats, des suppurations ganglionnaires, voire des expectorations permet le diagnostic positif.
- Le diagnostic est le plus souvent fait par une méthode indirecte (sérologie) en recherchant les anticorps dirigés contre Francisella dans le sérum. Les agglutinines sont présentes à partir du dixième jour et sont à leur maximum au deuxième mois. Les anticorps persistent pendant des années. La sérologie (macroagglutination en tubes) se positive après le dixième jour, le taux croissant des anticorps confirme le diagnostic.
- Le Western Blot peut mettre en évidence les protéines 17kDa et 43 kDa qui sont spécifiques de Francisella tularensis.
- Le diagnostic par PCR est sensible et spécifique (gène codant la protéine de 17kDa). Il permet de détecter le DNA de Francisella tularensis.
- L'intradermo-réaction à la tularine serait également assez spécifique, se positivant dès le cinquième jour, mais la tularine a été supprimée de la pharmacopée française.

L'infection confère une immunité durable, il existe cependant des cas de réinfection authentifiés.

Traitement : Antibiothérapie

D'après les recommandations de l'Afssaps (Fiche de prise en charge thérapeutique, octobre 2001)

1. Adultes

Traitement de première intention
- Ciprofloxacine per os : 1g/jour en deux prises, soit 500 mg deux fois par jour.
- ou Ofloxacine per os : 800 mg/jour en deux prises, soit 400 mg deux fois par jour.
- ou Lévofloxacine per os : 500 mg/jour en une prise.

Traitement de seconde intention
- doxycycline per os : 200 mg/jour en 2 prises, soit 100 mg deux fois par jour.

2. Enfants (< 15 ans)

Traitement de première intention
- ciprofloxacine per os : 20 à 30 mg/kg/jour en 2 prises sans dépasser la posologie adulte (1g/jour).

Traitement de seconde intention
- doxycycline per os : 4 mg/kg/jour en 2 prises sans dépasser la posologie adulte (200 mg/jour).

3. Posologie

Durée de traitement : 14 jours.

Dans certains cas, il est possible de pratiquer un drainage chirurgical d'adénopathie.

Prévention

La prophylaxie est difficile en raison de la grande variété des réservoirs de virus chez les animaux sauvages et des vecteurs possibles.

Quelques recommandations : Il faut éviter tout contact avec les animaux malades, incinérer leurs cadavres et ne pas consommer leur chair. La manipulation des fourrures ou des viandes présumées infectées nécessite le port de gants, de masques de gaz et de lunettes protectrices.

Ne pas boire d'eau non traitée en zone suspecte et bien cuire les viandes d'animaux sauvages en zones d'enzootie.

La vaccination

La vaccination des populations à risque a permis d'obtenir une diminution significative du taux de morbidité. Les vaccins à germe atténués du biovar paleartica fabriqués aux USA permettent d'induire une immunité de 5 à 9 ans.

En France, la faible fréquence de la maladie n'a jamais justifié la mise en oeuvre d'un plan vaccinal.

Un nouveau vaccin est actuellement en cours d'étude par la FDA et les vaccins existants ne sont conseillés, en raison de leur délai d'action (2 semaines), qu'aux sujets travaillant dans les laboratoires et amenés à manipuler cette bactérie.

Pour en savoir plus

Bioterrorisme

Tularemia
La tularémie comme arme bactériologique, épidémiologie, microbiologie et facteurs de virulence, pathogénèse et manifestations cliniques, diagnostic, vaccination, traitement, recommandations et traitement, contrôle de l'infection, décontamination et protection environnementale.
Document du CDC (Center for Disease Control and Prevention) développé pour fournir des informations sur la pathologie afin de se préparer ou de répondre à des actes bioterroristes. JAMA, June 6, 2001 - Vol. 285, N°21.
Voir le document

Dossiers de fond

Zoonose : Tularémie
En bref, agent, épidémiologie, maladie chez l'animal, transmission, maladie chez l'homme, prévention.
Par le CNRS, novembre 1997.

Tularémie
Fiche technique : espèces touchées, agent infectieux, clinique/pathologie, répartition géographique, épidémiologie, diagnostic, diagnostic différentiel, prophylaxie immunitaire, matériel d'examen, mesures, contrôle.
Par l'office vétérinaire fédéral - Ministère de l'économie - Suisse.

Tularémie
Epidémiologie - Bactériologie - Clinique - Diagnostic - Traitement - Prophylaxie - QCM.
Texte du CD-ROM que le Docteur Jean-Claude George, de Souilly, dans la Meuse, a consacré aux "maladies liées à la morsure des tiques en France". Des informations sur la tularémie.
Préface du professeur Claude Chastel.

Bactériologie

Francisella tularensis
Agent infectieux - Danger pour la santé - Dissémination - Viabilité - Aspects médicaux - Dangers pour le personnel de laboratoire - Précautions recommandées - Renseignements relatifs à la manipulation - Renseignements divers.
Fiche technique santé sécurité, matières infectieuses - Laboratoire de lutte contre la maladie - Direction générale de la santé de la population et de la santé publique.
Sur le site de Santé Canada, dernière mise à jour : 25/05/2001.

Traitement

Tularémie : Fiche de prise en charge thérapeutique
Plan Biotox - Par l'AFSSAPS, 24 octobre 2001.

#COVID-19 : le point de situation épidémiologique sur le coronavirus SARS-CoV-2

Descripteur MESH : Bactériologie , Diagnostic , Tularémie

PUBLICITE