Hôpital et Médicament : un marché peut en cacher un autre

illustrationLa consommation des médicaments prescrits à l’hôpital mais délivrés en ville a dépassé en 2013, pour la première fois, celle des médicaments prescrits et consommés à l’hôpital. Une évolution permise par de réelles innovations pharmaceutiques et une meilleure organisation des filières ville-­-hôpital, mais qui donne une image tronquée du marché du médicament à l’hôpital, que l’on réduit au seul segment intra-­-hospitalier.  

La dynamique du marché du médicament à l’hôpital est en trompe-­-l’œil. Seul le marché intra-­- hospitalier -­- les médicaments prescrits et consommés à l’hôpital -­- est pris en compte, alors que la Prescription Hospitalière Médicamenteuse Exécutée en Ville (PHMEV) est du même ordre de grandeur et a même dépassé, pour la première fois en 2013, la valeur du marché intra-­-hospitalier. La PHMEV a représenté, en effet, 6,25 milliards d’euros, en hausse de 5 %, alors que le marché intra-­- hospitalier a pesé un peu plus de 6 milliards en 2013, en hausse de 1 %.

La croissance globale du marché du médicament prescrit à l’hôpital est donc de 3 %, pour un poids
total de 12,4 milliards d’euros, mais elle est largement portée par la PHMEV. « Pour la première fois en 2013, le marché de l’intra-­-hospitalier est devenu moins lourd pour le payeur en prix réel, puisqu’il évolue moins vite que la prescription hospitalière exécutée en ville, observe Dominique Perrot, directeur du développement, IMS Health. Cela est dû à la valeur des médicaments, qui comprennent des innovations fortes, et aux produits qui sortent de la réserve hospitalière. » C’est avant tout un bénéfice pour les patients, en particulier dans le cancer, qui disposent de produits simples d’utilisation en ambulatoire. Les produits biologiques sont pour leur part onéreux, mais ne nécessitent pas de séjour hospitalier. Cette hausse du marché se traduit donc aussi par des coûts évités ailleurs, comme cela a été souligné lors de la table-­-ronde de la réunion organisée par IMS Health sur le thème : « Hôpital et médicament : vers un nouveau modèle ? »

Deux courbes qui ne se recroiseront pas de si tôt

Les prescriptions hospitalières qui donnent lieu à une délivrance en officine de ville recouvrent plusieurs situations. Il s’agit de prescriptions faites en hôpital de jour, en ambulatoire ou en consultation, et de prescriptions liées à la sortie de l’hôpital. Pour la première fois, ce marché dépasse la consommation intra-­-hospitalière et « les deux courbes ne vont pas se recroiser avant longtemps, souligne Dominique Perrot. La sortie de la réserve hospitalière est le sens de l’histoire. » Cependant, « cela pose la question des objectifs de l’hôpital sur la PHMEV, poursuit-­-il. La pression budgétaire s’exerce davantage sur le besoin de réduire les durées d’hospitalisation et les achats directs. »


Il s’agit cependant d’une recommandation des ARS qui doit s’inscrire dans la gestion du parcours
ville-­-hôpital des patients. Si un hôpital subit une pression pour réduire la part de PHMEV, il peut la réduire mécaniquement en baissant les durées de prescription, avec des renouvellements d’ordonnances qui seront effectués en ville ou non. « Cette problématique est globale, relève Dominique Perrot. Elle pose la question du parcours intégré ville-­-hôpital, de la collaboration de l’hôpital avec le circuit aval, et du parcours du patient en ville ensuite. »

Perte de brevets : la moitié des médicaments biologiques prescrits à l’hôpital

Une réflexion d’autant plus nécessaire que l’évolution des choses est claire sur au moins un point : la moitié des principaux médicaments biologiques prescrits à l’hôpital est concernée par l’agenda des biosimilaires d’ici à 2019, c’est-­-à-­-dire que les brevets arrivent à échéance au cours de cette période. Le chiffre d’affaires cumulé des produits biologiques concernés sur la période 2011 – 2020 représente 3 milliards d’euros. « L’hôpital est le lieu où s’appliquera l’agenda biosimilaires, souligne Dominique Perrot, avec des questions encore ouvertes en matière de prescriptions en DCI et de substitution. Sur 13 produits biologiques concernés par les pertes de brevet, 11 sont hospitaliers, 10 sont dans le top 20, dont 5 en intra-­-hospitalier et 5 en PHMEV. L’hôpital est donc le cœur du réacteur. »

La maîtrise des dépenses du médicament prescrit à l’hôpital est aussi une préoccupation du Comité Economique des Produits de Santé (CEPS), comme l’a réaffirmé son président, M. Dominique Giorgi, lors de la table-­-ronde IMS Health, en annonçant une mesure spécifique : « Nous avons décidé de tarifer le biosimilaire et le médicament biologique de référence au même prix. Mais, le contexte s’imposant, ce tarif commun sera fixé avec une décote de 10 % par rapport au tarif du médicament de référence. Cela s’applique à partir de janvier 2015 et si la concurrence joue son rôle au cours de l’année, nous réviserons en 2016 les tarifs pour en tenir compte. »

Une autre problématique liée à la prescription est le souhait du CEPS de pouvoir tracer l’indication
correspondante, quand plusieurs indications sont possibles pour un même médicament. « Certaines indications majeures d’un produit méritent d’être sur la liste en sus (à tarification spéciale), alors qu’avec d’autres indications il ne devrait pas y figurer », observe Dominique Giorgi.

Cadrer la promotion et les transferts de marché

Mieux encadrer la promotion des médicaments en favorisant les considérations déontologiques est également prévu dans la nouvelle version de la « charte de la visite médicale », que le CEPS doit signer au cours de ce mois d’octobre. Au titre de ses missions, l’institution n’ignore pas par ailleurs certains effets de marchés liés aux négociations que les hôpitaux sont autorisés à faire avec les fabricants de médicaments, comme l’a noté M. Giorgi : « En effet certains produits entrent à prix cassés à l’hôpital alors que la délivrance qui s’effectue en ville produit l’effet inverse, puisqu’ils sont plus chers. Il faut une articulation entre l’économie à l’hôpital et l’économie en ville. » Enfin, des services sont aujourd’hui associés à certains produits de santé, médicaments mais surtout dispositifs médicaux. Formation, opération, suivi, stockage, tout cela a un coût pour l’entreprise qui est pris en compte dans le calcul du prix attribué par le CEPS. Dès lors, « il faut tenir compte de ces services externalisés dans la comparaison des prix européens », conclut Dominique Giorgi.

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