Quelle imagerie dans les douleurs abdominales aiguës de l’enfant

illustrationL’échographie est aujourd’hui l’examen de référence de première intention dans le cadre des douleurs abdominales aiguës de l’enfant. La radiographie simple (ASP) et la tomodensitométrie ont des indications très limitées. Si l’échographie est largement utilisée, il ne faut pas oublier que le diagnostic reste avant tout clinique. Par exemple dans l’appendicite, l’échographie vient compléter l’interrogatoire, l’examen clinique et la biologie et a permis de réduire le nombre d’interventions inutiles.

Les douleurs abdominales aiguës constituent une cause fréquente de consultation aux urgences pédiatriques. En fonction de l’âge de l’enfant, les étiologies diffèrent, elles peuvent être banales ou, au contraire, nécessiter une prise en charge chirurgicale urgente. Chez le nourrisson et le jeune enfant, l’invagination intestinale aiguë est le diagnostic à évoquer en premier lieu, car c’est une urgence grave potentiellement mortelle. Chez l’enfant plus grand, la première étiologie à rechercher est l’appendicite aiguë, qui nécessite aussi une prise en charge rapide.


L’invagination intestinale aiguë

L’invagination constitue l’urgence abdominale la plus fréquente du nourrisson et du petit enfant, mais elle peut survenir à tout âge. Elle doit être évoquée devant toute douleur abdominale paroxystique chez un enfant âgé de 2-3 mois à 2-3 ans. Elle correspond à l'incorporation d'un segment d'intestin dans la portion intestinale située en aval, responsable d’une occlusion intestinale avec douleurs, vomissements, arrêt du transit. Il s’agit dans la grande majorité des cas d’une invagination iléo-colique, c’est-à-dire la pénétration de l’iléon dans le colon. Son étiologie précise reste est inconnue, mais l’invagination survient le plus souvent dans le cadre d’une hyperplasie lymphoïde de la paroi intestinale accompagnée d’une adénolymphite (inflammation des ganglions et vaisseaux lymphatiques) mésentérique. Une cause favorisante est retrouvée chez 3 à 4 % des enfants (diverticule de Meckel, duplication digestive, lymphome digestif).

L’échographie est l’examen de référence permettant d’établir le diagnostic avec une sensibilité de 98 à 100 % et une spécificité de 88 à 100 % (1). Elle met en évidence le boudin d’invagination sous la forme d’une image en cocarde ou en cible. Sur les coupes longitudinales, l’alternance de couches hypo et hyperéchogènes donne l’aspect classique de “sandwich” ou “hotdog”. La présence de ganglions est fréquemment visualisée au sein de l’invagination.

Si le diagnostic est confirmé, l’enfant doit être transféré dans un centre spécialisé disposant d’une équipe d’anesthésiste et de chirurgien. Le traitement repose sur le lavement opaque qui permet de réduire l’invagination dans plus de 90% des cas, ce qui évite une intervention chirurgicale. Mais, il faut néanmoins que le traitement soit fait à proximité d’un bloc opératoire pour réaliser, en cas d’échec, une intervention chirurgicale dans les meilleurs délais.
L’appendicite aiguë

L’appendicite est l’urgence chirurgicale la plus fréquente de l’enfant entre 5 et 10 ans. Le diagnostic est évoqué devant des douleurs abdominales, localisées au niveau de la fosse iliaque droite, et associées à une fébricule (petite fièvre) et à des nausées ou des vomissements. Il est confirmé par l’examen clinique. Il doit néanmoins aujourd’hui être confirmé par une échographie, d’une part parce que le tableau clinique est parfois atypique, en particulier chez le nourrisson, et, d’autre part, parce que le traitement chirurgical sans imagerie préalable était responsable d’un certain nombre d’appendicectomies “blanches”, autrement dit d’interventions inutiles.

Avant la généralisation de l’échographie diagnostique, la France se distinguait d’ailleurs par un taux d’appendicectomies particulièrement élevé. Grâce à la généralisation de la confirmation du diagnostic par échographie, il a diminué d’environ un tiers. L’échographie permet en outre de réduire le risque de complications post chirurgicales précoces.

L’échographie constitue donc l’examen de première intention devant toute suspicion clinique d’appendicite. Le diagnostic repose sur la visualisation de l’appendice comme une structure tubulaire, raccordée au cæcum, mesurant plus de 6 mm en coupe transversale. La non compressibilité de l’appendice est un élément essentiel. Il peut s’y associer une hyperéchogénicité et une hypervascularisation de la graisse péri-appendiculaire, un épanchement de la fosse iliaque droite et une dilatation des dernières anses iléales avec un hypopéristaltisme (ralentissement des contractions musculaires qui font progresser le contenu du tube digestif).

Une appendicite compliquée est suspectée devant une collection de la fosse iliaque droite. L’échographie permet également de préciser la localisation du cæcum et de l’appendice, éléments utiles pour le chirurgien en préopératoire pour choisir la voie d’abord et la technique chirurgicale.

La tomodensitométrie reste en Europe, contrairement aux États-Unis, une technique réservée principalement au doute diagnostique chez des enfants obèses (2, 3).

La torsion de l’ovaire

La torsion d’annexe constitue une urgence chirurgicale. Elle est suspectée chez tout enfant de sexe féminin, le plus souvent une adolescente, qui présente une douleur abdominale basse brutale, accompagnée de vomissements (4). L’échographie confirme le diagnostic en montrant une augmentation de volume de l’ovaire avec une disposition périphérique des follicules et un épanchement dans le cul-de-sac de Douglas.

La torsion du testicule

Devant une bourse douloureuse d’apparition brutale chez le grand enfant, l’exploration chirurgicale s’impose en urgence, sans imagerie. L’échographie n’est indiquée que si les signes cliniques sont douteux pour rechercher des arguments en faveur des diagnostics différentiels : orchiépididymite (inflammation du testicule et de l’épidyme), torsion d’appendice, hydrocèle (épanchement liquidien dans la bourse).

Les autres indications de l’échographie abdominale aux urgences

Une échographie peut être indiquée en cas de doute diagnostique chez un enfant qui présente d’importantes douleurs abdominales sans signes d’accompagnement permettant de guider le diagnostic, comme dans certaines gastro-entérites aigues lorsque les douleurs précédent les
vomissements et la diarrhée, ou dans certaines complications de pathologies digestives chroniques, rares en pédiatrie, telles que la rectocolite hémorragique ou la maladie de Crohn pour rechercher des complications.

 

Les recommandations

Le« Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale »précise les examens d’imagerie à réaliser en fonction du tableau clinique :

- les méthodes non irradiantes (échographie et IRM) sont à privilégier par rapport aux méthodes utilisant les rayons X (radiographie simple et tomodensitométrie). L’échographie est donc la méthode de choix dans l’exploration des douleurs abdominales aiguës de l’enfant.

- la tomodensitométrie constitue en pédiatrie un examen de deuxième intention, utile pour résoudre des problèmes complexes comme les complications postopératoires ou les complications iatrogènes liées aux traitements médicaux dans le cadre des pathologies tumorales, notamment hématologiques.

- les radiographies simples de l’abdomen restent nécessaires pour la recherche d’un
pneumopéritoine, de niveaux hydro-aériques et de calcifications.

Référence : http://gbu.radiologie.fr/

 

La radioprotection chez l’enfant : pourquoi faut-il limiter les scanners ?


Parce que la tomodensitométrie ou scanner est une technique irradiante. De plus, deux études récentes suggèrent une augmentation du risque de cancer chez les enfants ayant eu des scanners. Une première étude épidémiologique a montré un excès de cancers cérébraux et de leucémies chez les enfants ayant eu un scanner cérébral. Une autre étude a mis en évidence une augmentation des cancers, quelle qu’en soit la localisation anatomiques, chez des enfants ayant eu des scanners.

Ces travaux souffrent néanmoins de quelques biais, notamment parce que l’on ne dispose pas d’information sur les motifs ayant conduit à ces examens, certains enfants ont donc eu un scanner alors qu’ils avaient des pathologies susceptibles d’augmenter le risque de cancer. Une étude française coordonnée par l’IRSN, qui s’inscrit dans le cadre d’une vaste étude épidémiologique européenne EPI-CT, est en cours pour vérifier s’il existe ou non une augmentation du risque de cancer chez les enfants ayant eu des scanners en prenant en compte les indications de ces examens,ce qui permettra de lever les biais des deux études précédentes. Les premiers résultats sont attendusen 2015. 

Références :
Radiation exposure from CT scans in childhood and subsequent risk of leukaemia and brain tumours: a retrospective cohort study. Pearce MS1, Salotti JA, Little MP et al. Lancet.2012;380:499-505.
Cancer risk in 680,000 people exposed to computed tomography scans in childhood or adolescence: data linkage study of11 million Australians. Mathews JD1, Forsythe AV, Brady Z, et al BMJ. 2013 May 21;346:f2360. http://epi-ct.iarc.fr/index.php

 

(1) Del-Pozo G, Albillos JC, Tejedoror D et al. Intussusception in children: current concepts in diagnosis and enema reduction. Radio- Graphics, 1999;19:299-319.
(2) Holscher HC, Heij HA. Imaging of acute appendicitis in children: EU versus U.S. or US versus CT? An
European perspective. Pediatr Radiol, 2009;39:497-499.
 14.
(3) Frush DP, Frush KS, Oldham KT. Imaging of acute appendicitis in children: EU versus U.S. ... or US
versus CT? A North American perspective. Pediatr Radiol, 2009;39:500-505.
(4) Poonai N, Poonai C, Lim R et al. Pediatric ovarian torsion: case series and review of the literature. Can J Surg, 2013;56:103-108.

 

D’après un entretien avec le Pr Hubert Ducou le Pointe, Service de Radiologie, Hôpital d’Enfants Armand-Trousseau, Paris

 

Source : Dossier de presse JFR 2014

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