Traitement et prévention de l'embolie pulmonaire : le point sur les anti coagulants oraux directs

La maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) concerne plus de 1 million de personnes par an en Europe et environ 75 % des décès le sont à la suite d'événements thrombo­emboliques veineux (ETEV) survenus à l'hôpital. Cette mortalité annuelle est de l'ordre de 543 454 personnes/an dans une étude datant de 2007 et réalisée dans 25 pays européens. Estimée à 131,5 pour 100 000 personnes.année dont 58,1 % des cas sans cause évidente retrouvée, l'incidence de l'embolie pulmonaire (EP) augmente quant à elle avec l'âge et ce, en particulier, dès la tranche d'âge des 50-59 ans [2]. Enfin, le coût de la prise en charge intra-hospitalière est majeur (environ deux tiers des coûts médicaux directs dans l'année qui suit l'hospitalisation pour EP) [3]. Il s'agit donc d'un véritable problème de santé publique pour lequel les stratégies à la fois diagnostiques et thérapeutiques doivent être optimisées.

« La stratification du risque associé à l’EP repose sur l’association des données cliniques, des données morphologiques et des biomarqueurs cardiaques ». Plusieurs scores ont été développés afin de stratifier le risque d’un patient présentant une embolie pulmonaire (EP) : score PESI -Pulmonary Embolism Severity Index (stades I à 5) [4] et version simplifiée de ce dernier (sPESI) avec deux niveaux de risque (0 ou faible ; risque élevé = 1) [5].

Les dernières recommandations (2014) de l’ESC prennent en compte ces scores et la présence ou non d’un choc pour déterminer 4 niveaux de risque : faible (absence de choc, PESI ou sPESI = 0), intermédiaire faible (taille normale du ventricule droit), fort (élévation BNP, troponine) et élevé (hypotension, choc) [6]. Ces niveaux de risque s’avèrent déterminants pour la prise en charge : l’hospitalisation est à envisager dès le risque intermédiaire faible et la reperfusion indiquée en cas de niveau élevé (discutée si intermédiaire fort).

Concernant les anticoagulants oraux directs dans l'EP sans choc ni hypotension, le niveau de recommandation de l’ESC est le même (I) pour les 4 molécules : rivaroxaban, apixaban, dabigatran ou edoxaban [6]. Le traitement anticoagulant initial se fait suivant deux options de traitement : traitement parentéral (héparine ou HBPM) pendant au moins 5 jours puis relais par AOD (dabigratran et edoxaban) ou AOD pleine dose pendant 21 jours (rivaroxaban) ou 7 jours (apixaban) puis dose réduite.
Une méta-analyse récente ayant évalué les AOD (n= 12 197) versus le traitement classique HBPM/AVK montre une équivalence au niveau efficacité (récidives ETE – 2,0 versus 2,2 % ; RR = 0,88 ; IC 95 % = 0,74-1,05), mortalité (2,4 % dans les deux bras) et, quel que soit le critère considéré, supériorité en terme de survenue d’hémorragies majeures (1,1 % versus 1,7 % ; RR=0,60 ; IC 95 % = 0,41-0,88; p=0,03) [7]. Le bénéfice en faveur des AOD est retrouvé pour les hémorragies mortelles (0,06 % versus 0,17 %; RR=0,36; IC 95 % = 0,15-0,82), les saignements des organes critiques (0,23 % versus 0,63 %; RR=0,38; IC 95 % = 0,23-0,62), les hémorragies intra-crâniennes (0,09 % versus 0,25 %; RR=0,39; IC 95 % = 0,16-0,94) et même sur les hémorragies gastro­intestinales (0,35 % versus 0,53 %; RR=0,68; IC 95 % = 0,36-1,30) [7].

En synthèse, le traitement initial de l'EP non grave ou à risque intermédiaire faible peut être assuré par les AOD au même titre que le traitement classique HBPM/AVK, l'edoxaban et le dabigratran étant aussi indiqués dans les formes à risque intermédiaire élevé. Le recours à la thrombolyse/HNF en service de Réanimation ou Soins intensifs ne se fera que dans les formes graves avec choc [6]. « En l’absence de choc, la présence d’une dysfonction cardiaque droite est associée à une augmentation du risque de mortalité. De premiers résultats disponibles avec l’edoxaban suggèrent d’un traitement par HBPM suivi par un AOD pourrait être plus efficace que l’association HBPM-AVK dans ce sous-groupe de patients à risque intermédiaire ». Une analyse complémentaire de l'étude HOKUSAI­VTE a en effet montré que l’efficacité de l’edoxaban (critère principal – récidives MTEV) était plus importante (vs la warfarine) chez les patients avec EP et un NT-proBNP = 500 pg/ml (HR=0,52 ; IC 95 % = 0,28-0,98) [8]. Toujours dans un contexte de patients plus "fragiles", le mode d'administration de l'edoxaban permet un ajustement posologique avec une dose réduite de 60 à 30 mg en cas de petit poids (= 60 kg), d’insuffisance rénale modérée ou sévère, ou d'administration concomitante de certains inhibiteurs de la P-gp. Pour les patients ayant reçu la dose réduite à 30 mg/jour d’edoxaban, l’efficacité (notamment sur la survenue de récidives) est conservée (3,0 % versus 4,2 % ; HR=0,73 ; IC 95 % = 0,42-1,26) et une réduction de 50 % des hémorragies majeures (1,5 % versus 3,1 % ; HR=0,50 ; IC 95 % = 0,24-1,03) a été observée dans le bras edoxaban à dose réduite [8].

Références bibliographiques
[1] Cohen AT, Agnelli G, Anderson MA et al. Thromb Haemost 2007;98(4)756-64
[2] Martinez C, Cohen AT, Bamber L et al. Thromb Haemost 2014;112(2):255-63
[3] Kröger K, Küpper-Nybelen J, Moerchel C et al. Vasc Med 2012;17(5):303-9
[4] Jimenez D, Yusen RD, Otero R et al. Chest 2007 ;132(1) :24-30
[5] Jimenez D et al. Arch Intern Med 2010 ;170(15) ;1383-9
[6] Konstantinides SV et al. Eur Heart J 2014 ;35(45) :3145-6
[7] van der Hulle T, Kooiman J, den Exter PL et al. J Thromb Haemost 2014;12(3):320-8
[8] The HOKUSAI-VTE investigators et al. N Engl J Med 2013 ;369(15) :1406-15

 

 

D’après la communication de Jeannot Schmidt (Clermont-Ferrand)  au 21ème Congrès du Collège National des Cardiologues des Hôpitaux parrainé par Daiichi Sankyo France

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