« Violences obstétricales » Écoute et évolution des pratiques, une dynamique permanente

« Violences obstétricales » Écoute et évolution des pratiques, une dynamique permanente Une polémique est née depuis quelques mois dans les médias et les réseaux sociaux sur la notion  de  violence  obstétricale,  locution  associée  par  certains  à  la  maltraitance  parfois ressentie lors de soins réalisés en médecine périnatale.

L’ampleur et l’âpreté de ce débat attestent de la nécessité d’un dialogue entre soignants et femmes pour communiquer en toute transparence sur l’état des lieux des pratiques périnatales et leurs évolutions récentes.

Nous ne doutons pas de l’authenticité des témoignages recueillis et de l’existence de pratiques inadaptées même si celles-ci sont minoritaires ; et de l’importance de traiter de cette question de fond. Il nous parait également urgent de cesser ces échanges conflictuels qui se font au détriment :

-  des patientes en premier lieu avec un risque de perte de confiance vis à vis des soignants, méconnaissance des risques réels liés à la grossesse et à l’accouchement et refus de soins adaptés pourtant justifiés ;

- des soignants également avec un sentiment d’injustice en particulier pour les plus jeunes (cf le manifeste sur Facebook de 450 gynécologues obstétriciens, qui disent stop au « gyneco- bashing ») aboutissant à la pratique d’une « médecine défensive » et à une perte d’attractivité d’une profession déjà en difficulté sur le plan démographique en raison en particulier de sa pénibilité et du risque médico-légal permanent.

La motivation première des professionnels de la périnatalité est avant tout la santé et le bien- être des femmes et de leurs enfants. Nous devons être à l’écoute des patientes qui témoignent d’un mauvais vécu de leur grossesse et/ou de leur accouchement. Il est cependant utile de rappeler que la majorité des 785 000 femmes qui accouchent en France chaque année sont satisfaites des soins reçus et ne se retrouvent probablement pas dans ces témoignages.

Les acteurs de la périnatalité souhaitent améliorer la qualité des soins. Cela nécessite de la volonté et un travail de longue haleine. Cela implique également des moyens humains et matériels dans un contexte économique de plus en plus contraint par une exigence permanente de performance et de rentabilité.

Cette amélioration qualitative nécessite également un apprentissage de la relation soignant- soigné qui a dû évoluer de l’ancien paternalisme vers l’autonomie, l’information et la relation contractuelle, sans pour autant exclure l’empathie. La formation des étudiants médecins et sages-femmes à ce mode de relation - développé depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé- est une préoccupation de la plupart des facultés de médecine et de maïeutique en France. Des enseignements d’éthique clinique sont promus afin d’expliquer aux étudiants ce concept et de l’illustrer à partir de situations cliniques.

Les actions menées au cours de la seconde moitié du XXème siècle ont essentiellement lutté contre  la  mortalité  et  la  morbidité  de  la  mère  et  de  son  enfant.  Elles  ont  été  efficaces permettant de réduire la mortalité maternelle de 90 à 10/100 000, et la mortalité néonatale de 26 à 2/1000 en 50 ans.

Depuis une vingtaine d’années, d’autres considérations ont pris une importance majeure : l’amélioration  et  l’harmonisation  de  la  qualité  des  soins  sur  l’ensemble  du  territoire ; l’information et l’adhésion des patientes à leur prise en charge ; la volonté d’associer respect de la physiologie et sécurité des soins. Cette volonté s’est traduite par de très nombreuses actions nationales et locales.

A titre d’exemple, nous pouvons citer

- la parution de recommandations pour la pratique clinique (RPC) organisées par la Haute Autorité de Santé en collaboration avec l’ensemble des sociétés savantes et professionnelles impliquées en périnatalité, portant sur la prise en charge de diverses pathologies, mais également sur le suivi des grossesses à bas risque, l’accouchement normal et le postpartum.

- l’organisation d’états généraux de la naissance

- les missions des réseaux de santé en périnatalité avec pour objectifs de faire « plus et mieux dans les situations à haut risque, et moins (et mieux) dans les situations à faible risque ».

- la mise en place de l’entretien prénatal précoce

-  les  espaces  physiologiques  au  sein  des  maternités,  l’expérimentation  des  maisons  de  naissance

- l’invitation des usagers à siéger au sein des conseils d’administrations de société savantes et de réseaux de périnatalité, et leur intégration aux groupes de travail des RPC ainsi qu’à la commission nationale de la naissance

- au niveau universitaire : enseignement par la simulation comportementale ou relationnelle, création d’un diplôme inter-universitaire de psychopérinatalité et de prise en charge des maltraitances rencontrées en Gynécologie,

A propos des enseignements par simulation, des expériences pédagogiques sont développées dans plusieurs facultés de France : simulation d’un interrogatoire médical, d’une consultation d’urgence afin de préparer les étudiants de 2ème cycle au dialogue avec le patient. Ces expériences se généralisent actuellement sur l’ensemble du territoire avec la mise en place des centres de simulation dans les facultés. Plus spécifiquement, des modules de formation au

« savoir-être », associant des représentants des usagers, ont également été mis en place dans la formation des internes en Gynécologie-Obstétrique.

- le développement de travaux de recherche sur les souhaits et la satisfaction des femmes et sur l’impact du stress pendant la grossesse, alliant des approches quantitatives et qualitatives.

 

Toutes ces actions ont abouti à une amélioration progressive mais nette de nos pratiques. L’état  actuel  et  l’évolution  de  ces  dernières  sont  rapportés  objectivement  à  travers  les enquêtes nationales périnatales réalisées à intervalles réguliers depuis 1995. Ces enquêtes sont menées avec une méthodologie rigoureuse et les données obtenues donnent une vision globale et précise des pratiques sur notre territoire.

 

Les résultats tout juste publiés de l’Enquête Nationale Périnatale 2016 (accessibles à l‘adresse suivante : http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/recueils- ouvrages-et-rapports/rapports/article/enquete-nationale-perinatale-2016-les-naissances-et-les- etablissements) montrent notamment :
-Une diminution entre 2010 et 2016 de certaines interventions, nécessaires dans la prise en charge de l’accouchement, mais dont des travaux de recherche antérieurs avaient montré l’utilisation excessive : baisse des taux de césariennes avant travail de 11 à 9 %, baisse de l’administration d’oxytocine pendant le travail de 58 à 44%, baisse des taux d’épisiotomie de 27 à 20%.

 

- Une stabilité à des niveaux modérés de la fréquence d’autres interventions, dans un contexte mondial où leur augmentation est la règle : stabilité du taux global de césarienne à 20,4%, du taux de déclenchement à 22%.

- Une satisfaction globale des femmes vis-à-vis de la prise en compte de leurs souhaits sur le déroulement de l’accouchement (96,6% plutôt ou tout à fait satisfaites) ou les méthodes utilisées pour gérer la douleur et les contractions (88,3 % plutôt ou tout à fait satisfaites).

- Une évolution de l’organisation des maternités pour une meilleure réponse aux demandes des femmes, avec notamment plus de services (40 % en 2016) incluant un espace dédié distinct pour les accouchements moins médicalisés dans les salles de naissance.

Au-delà des résultats globalement positifs, des travaux complémentaires permettront d’identifier les femmes qui ont reçu des soins inappropriés ou dont les souhaits n’ont pas été pris en compte.

En synthèse, il est indispensable d’établir un dialogue sincère entre les professionnels de la périnatalité et les femmes, et de rétablir une relation de confiance lorsque celle-ci est altérée. Cela passe par de la transparence en communiquant des données objectives sur l’état des lieux et l’évolution de nos pratiques. Les résultats de l’Enquête Nationale Périnatale 2016 montrent une  évolution  récente  et  nette  de  ces  dernières.  Ils  attestent  d’une  volonté  d’éviter  les interventions inutiles et de prendre en compte les souhaits des femmes, en leur garantissant les soins nécessaires à la prévention et à la prise en charge des complications.

Cela  nécessite  également  une  prise  de  conscience  des  moyens  humains  et  matériels nécessaires à l’amélioration de la qualité.

Cela suppose enfin, et peut être avant tout, un échange sincère et un respect mutuel entre les professionnels de santé, les patients, les médias et les pouvoirs publics.

 

 

Pr  Claude  D’ERCOLE,  Président  de  la  SFMP,  chef  du  pôle  Femmes-Parents-Enfants, Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille

Pr  Thierry DEBILLON, Vice-Président de  la  SFMP,  chef  de  service de  néonatalogie, CHU Grenoble

Dr Catherine DENEUX-THARAUX, membre du conseil d’administration de la SFMP, chercheur épidémiologiste INSERM, Equipe EPOPé, Paris.

 

Mme Corinne DUPONT, sage-femme coordinatrice du réseau de périnatalité AURORE à Lyon, chercheur EA HESPER, membre du conseil scientifique de la SFMP.

http://www.sfmp.net/

 

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