Cellules souches embryonnaires, éthique et réglementation

Une table ronde internationale intitulée : ‘Un état des lieux législatif et réglementaire sur l’utilisation des cellules souches embryonnaires’, a eu lieu samedi 2 février à la Cité des Sciences et de l’Industrie, venant clôturer une série de conférences consacrée à l’utilisation des cellules souches en recherche (consultables sur le site http://www.cite-sciences.fr ). Y participaient scientifiques, juristes et politiques, qui ont débattu, avec le public venu nombreux, de la question centrale de l’utilisation du tissu embryonnaire par les chercheurs. Cette discussion, très animée, était placée dans le contexte d’une actualité forte sur le sujet puisque actuellement notre représentation nationale est en train de débattre du nouveau projet de révision des lois sur la bioéthique de 1994.

La position française sur l’utilisation des cellules souches embryonnaires a évolué depuis les lois sur la bioéthique de 1994. Le nouveau projet de loi donne son feu vert à l’utilisation des embryons (issus de FIV dans le cas d’embryons surnuméraires n’entrant plus dans le cadre d’un projet parental) exclusivement dans le cadre de projets de recherche. Le clonage thérapeutique reste interdit en France.

Le comité consultatif national d’éthique (CCNE) lui, est allé plus loin en rendant un avis favorable au clonage thérapeutique, sous l’égide cependant d’une autorité indépendante, qui pourrait être l’agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaine (apegh) mentionnée dans le nouveau projet de loi.

Alain Claeys, le député ayant eu la charge de rapporteur de la loi de révision des lois de bioéthique, estime que les débats à l’assemblée nationale ont été d’une très grande qualité, avec des consensus obtenus dépassant les clivages politiques, et qu’une grande majorité s’est prononcée en faveur de l’utilité de la recherche sur les embryons.

Les législateurs admettent cependant qu’ils existent encore des vides juridiques dans la loi concernant certains tissus fœtaux (fœtus morts) mais également sur la question du don d’ovocytes.

Un consensus lors de cette table ronde est apparu au fil des discussions mettant en avant la difficulté de légiférer dans le domaine du vivant et en particulier concernant l’utilisation des cellules souches embryonnaires et leur mode d’obtention, la technologie progressant si rapidement et les problèmes d’éthique étant si fondamentaux, que même une révision des lois tous les quatre an semble dérisoire et inadaptée dans ce domaine.

Claude Huriet, sénateur et co-auteur du rapport sur l’utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires, a lui même admis que la révision des lois était indispensable tout en se rendant compte de la vitesse à laquelle progresse la recherche. Il a tenu cependant à préciser qu’une alternative à l’utilisation de cellules embryonnaires pourrait exister avec les cellules souches adultes (moelle osseuse, peau) dont on commence à évaluer leur potentialité de différenciation.

Concernant les pays européens, l’Allemagne et l’Angleterre sont les pays où la recherche sur l’embryon est la plus encadrée par la législation.

L’Allemagne interdit toute recherche sur l‘embryon mais elle a toutefois une définition bien à elle de l’embryon en ce sens qu’elle considère qu’un embryon existe à partir du moment où il y a eu syngamie des noyaux des deux gamètes…

L’Angleterre autorise elle la création d’embryons humains par transfert nucléaire à des fins de recherche et elle est en passe de devenir le premier pays au monde à avoir une loi interdisant le clonage reproductif humain.

L’Italie n’a pas encore de législation sur l’embryon. Il y a donc une grande hétérogénéité des pays européens sur la question du statut et de l’utilisation de l’embryon et beaucoup pensent qu’il est vain de tenter d’édicter des lois européennes réglementant la recherche sur l’embryon alors qu’au niveau national les débats sur la question divisent tant de monde.

Le cas des Etats Unis semble paradoxal car si le pays refuse le clonage thérapeutique touchant au statut de l’embryon, l’aspect économique prend le dessus concernant la propriété industrielle du vivant (collection de lignées de cellules souches, greffes…), la recherche privée étant déréglementée par rapport à la recherche publique.

Carlos de Sola, qui appartient au comité de bioéthique de l’Europe, a résumé la situation en disant que la question centrale des débats, en fait, était : «Est-il plus éthique de détruire un embryon en le jetant à la poubelle ou en s’en servant pour la recherche ?», en ajoutant que «l’éthique est un magasin de porcelaine».

La difficulté à résoudre ces problèmes de société vient selon lui de ce qu’on touche au devenir de l’être humain lui-même et que les gens sont divisés sur la question de savoir s’il faut considérer l’embryon comme un simple «amas de cellules» ou bien comme un «amas de cellules qui possède la potentialité de devenir un être humain».

Autrement dit la question centrale qui revient de manière récurrente et qui divise tant de monde est celle du moment à partir duquel on considère que l’embryon est un être humain potentiel en devenir, et qu’y toucher revient à attenter à la vie…

Source : Cité des Sciences et de l’industrie, Paris, 2 février 2002.

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