Un traitement hormonal substitutif de la ménopause remis en cause

Un très large essai américain sur l’hormonothérapie substitutive de la ménopause a été stoppé le 31 mai 2002 en raison d’une augmentation globale des risques de santé chez les participantes qui recevaient un traitement par estrogènes conjugués équins plus progestatifs. Une analyse détaillée de cet essai nommé ‘Women’s Health Initiative’ (WHI) fait l’objet d’une publication avancée sur le site de la revue médicale The Journal of the American Medical Association.

Si l’on considère la qualité méthodologique de cet essai clinique et les conclusions des investigateurs, on peut légitimement supposer que ces données auront un effet retentissant sur la prescription d’un traitement hormonal substitutif (THS) chez les femmes ménopausées. A ce sujet, les données compilées des études HERS et HERS II indiquaient récemment qu’un THS (0,625 mg/jour d’estrogènes conjugués + 2,5 mg/jour d’acétate de médroxyprogestérone) ne devait pas être initié chez des femmes ménopausées et coronariennes afin de réduire le risque cardiovasculaire (voir dépêche Caducee.net).

Au contraire des essais HERS, les données de l’essai WHI nouvellement publié portaient sur des femmes sans antécédent cardiovasculaire et en bonne santé. Cette étude WHI vient de démontrer que les risques étaient supérieurs aux bénéfices pour le THS le plus utilisé aux USA (0,625 mg/jour d’estrogènes conjugués + 2,5 mg/jour d’acétate de médroxyprogestérone).

L’essai WHI est un essai randomisé avec contrôle placebo qui a impliqué 16.608 femmes ménopausées âgées de 50-79 ans. Le recrutement a été conduit entre 1993 et 1998 dans 40 centres américains.

Ces participantes ont reçu un traitement hormonal avec 0,625 mg/jour d’estrogènes conjugués + 2,5 mg/jour d’acétate de médroxyprogestérone ou un placebo. Le critère principal de comparaison était la survenue d’infarctus du myocarde (IDM) non fatals et les décès cardiovasculaires. Le premier critère retenu pour les effets adverses était le cancer du sein. Par ailleurs, un indice de bénéfice/risque a été utilisé et prenait en compte les deux critères principaux de comparaison mais aussi les accidents vasculaires cérébraux (AVC), embolie pulmonaire, cancer de l’endomètre, cancer colorectal, fracture de la hanche, décès d’autres causes.

Dans leur article publié sur le site du JAMA, les investigateurs du WHI écrivent que le comité de surveillance a décidé d’arrêter l’essai le 31 mai 2002 après un suivi moyen de 5,2 ans « parce que le test statistique pour le cancer du sein invasif dépassait la limite pour cet effet adverse et parce que l’index statistique global indiquait que les risques dépassaient les bénéfices ».

L’analyse publiée est fondée sur les données récoltées jusqu’au 30 avril 2002. La mortalité globale n’était pas modifiée. Les auteurs présentent les Hazard Ratios pour les différents évènements suivis.

- IDM non fatals et décès cardiovasculaires : HR = 1,29 (IC 95 % = 1,02-1,63) - Cancer du sein : HR = 1,26 (1,00-1,59) - AVC : HR =1,41 (1,07-1,85) - Embolie pulmonaire : HR = 2,13 (1,39-3,25) - Cancer colorectal : HR = 0,63 (0,43-0,92) - Cancer de l’endomètre : HR = 0,83 (0,47-1,47) - Fracture de la hanche : HR = 0,66 (0,45-0,98) - Décès, autres causes : HR = 0,92 (0,74-1,14)

« L’excès de risque absolu attribuable aux estrogènes plus progestatif pour 10.000 personne.années était de 7 épisodes supplémentaires d’ IDM non fatals ou décès cardiovasculaires, 8 AVC supplémentaires, 8 embolies pulmonaires supplémentaires et 8 cancers du sein invasifs. Parallèlement, ce THS était associé à six cancers colorectaux en moins et à cinq fractures de hanche en moins », écrivent les investigateurs.

Dans leur conclusion, ils expliquent que ces résultats montrent qu’un THS avec 0,625 mg/jour d’estrogènes conjugués + 2,5 mg/jour d’acétate de médroxyprogestérone ne devrait pas être initié ou poursuivi dans le but de réduire le risque cardiovasculaire. « En plus, les risques substantiels de maladie cardiovasculaire et de cancer du sein doivent être comparés aux bénéfices de la réduction du risque fracturaire lors de la sélection des agents disponibles pour la prévention de l’ostéoporose », concluent-ils.

Ces résultats ont été commentés aujourd’hui par le Dr Robert Bonow, président de l’ American Heart Association. Ce dernier ne remet pas en cause les conclusions de l’essai et ajoute que « Sur la base des données actuelles, l’American Heart Association recommande aux femmes de ne pas commencer ou continuer un THS combiné pour la prévention des maladies des vaisseaux coronaires ». Selon lui, il sera primordial d’examiner les données de l’essai WHI sur les femmes qui reçoivent des estrogènes seuls.

Source : JAMA 2002 ;288 :321-333, Publication en ligne avancée sur le site du JAMA. American Heart Association.

SR

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