Comment se réplique le génome quand il est endommagé par un cancérogène chimique ?

Pour la première fois, des chercheurs ont pu mesurer, en temps réel, ce qui se passe quand l’ADN endommagé se réplique dans une cellule. Cette étude, menée par l’équipe de Robert Fuchs, directeur de l’unité (1) Cancérogenèse et mutagenèse moléculaire et structurale, CNRS, Strasbourg, montre comment la machinerie cellulaire arrive à répliquer son génome malgré la présence de dommages sur l’ADN. Ces résultats mettent en lumière le mécanisme de formation des mutations à l’origine de toutes formes de cancer et sont publiés dans la revue Science du 23 mai 2003.

Le génome de tous les organismes est constamment soumis à de nombreuses agressions chimiques et physiques qui endommagent l’ADN et par voie de conséquence menacent l’intégrité du message génétique. De nombreux mécanismes de réparation sont normalement chargés d’enlever ces dommages avant que la réplication ne les fixe définitivement dans la descendance sous forme de mutations génétiques. Il arrive cependant que la réplication du matériel génétique s’enclenche avant que tous les dommages de l’ADN n’aient été réparés.

Le présent travail donne une vision en temps réel de ce qui se passe lorsque la machinerie réplicative rencontre un tel dommage. Pour cela, les chercheurs ont construit une molécule d’ADN portant un dommage induit par un cancérogène chimique, introduit cette construction dans une cellule et analysé les intermédiaires de réplication en fonction du temps.

De façon tout à fait surprenante, on peut voir le blocage de l’ADN polymérase réplicative (l’enzyme qui réplique l’ADN) au niveau du nucléotide endommagé. Après une durée de blocage de l’ordre de 50 minutes, la réplication reprend son cours. Les chercheurs ont pu montrer que le « déblocage » de la fourche de réplication nécessite l’intervention d’ADN polymérases spécialisées récemment découvertes. Après intervention de ces polymérases spécialisées dans le recopiage de l’ADN endommagé, la machinerie réplicative reprend sa place afin d’achever la duplication du matériel génétique. On peut remarquer que la cellule « paye au prix fort » la duplication de son matériel génétique en acceptant l’induction de mutations qui résultent de l’intervention de ces polymérases spécialisées.

L’étude de ces ADN polymérases spécialisées constitue actuellement un enjeu majeur car elles représentent potentiellement de nouvelles cibles pharmacologiques.

(1) L’unité cancérogenèse et mutagenèse moléculaire et structurale, CNRS, Strasbourg, est localisée à l’Ecole supérieure de biotechnologie de Strasbourg (ESBS) et à l’Institut de recherche sur les cancers de l’appareil digestif (IRCAD).

Références :

« Uncoupling of leading and lagging strand DNA replication during lesion bypass in vivo ». Vincent Pages and Robert P Fuchs, Science in press, May, 23rd, 2003

Descripteur MESH : Génome , Temps , Mutagenèse , Science , Lumière , Génétique , ADN , Biotechnologie , Organismes , Recherche , Travail

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