A propos des maladies lysosomales

Interview du Docteur Nathalie Guffon - Service de Pédiatrie - Hopital Debrousse - Lyon

Octobre 2001
Rapporteur : Dr F. Girard

C : Qu'en est-il, en 2001, de la maladie de Gaucher ?

Dr NG : La Maladie de Gaucher est définie comme un déficit congénital en glucocérébrosidase, c'est la première maladie lysosomale devenue curable, il y a une dizaine d'années, grâce aux enzymes ( alpaglucérase) recombinantes issues de placenta humain ( Ceredase), mais les risques viraux ont orienté rapidement vers une enzyme recombinante ( imiglucérase) sur cellule ovarienne de hamster ( Cerezyme) dès 1996.
Il est néanmoins nécessaire de différencier 3 types cliniques.
Le type I en est la forme viscérale, révélée à des ages variables ( 2 à 50 ans), sa symptomatologie est hétérogène, associant une hépatospénomégalie ( grosse rate pouvant atteindre la fosse iliaque droite) retentissant sur la formule sanguine ( anémies - thrombopénies) et des hémoragies. Les atteintes osseuses sont à l'origine de douleurs intenses, liées à des infarcissements osseux et des ostéonécroses. Les lésions pulmonaires sont de découverte plus récente, certainement liées à une survie plus longue, et enfin, ce sont des enfants avec un retard staturopondéral et pubertaire.
Le type II est neurologique cérébral, peu accessible au traitement qui passe difficilement la barrière hématoméningée, sa découverte se fait entre la période antenatale et l'âge de 6 mois. Le tabeau clinique associe une atteinte du tronc cérébral, un strabisme, un opistothonos, une hépatospénomégalie plus limitée, et le décès survient rapidement.
Le type III est intermédiaire entre les deux autres, c'est un type I chez le tout petit, avec des troubles neurologiques qui apparaissent avec l'age : les yeux ne peuvent plus suivre le regard horizontal, un retard intellectuel s'installe progresivement, et apparaissent des troubles de l'équilibre et des myoclonies très spastiques.
Des formes ante natales sont évocables sur un anasarque foetoplacentaire, mais le diagnostic peut être porté à la naissance face à un bébé collodion, à la peau raide et striée, un faciès particulier difficilement descriptible et une hépatopélnomégalie retrouvée dès les premières heures.

C : Qu'en est-il du traitement ?

Dr NG : En France, plus de 132 patients sont actuellement traités, les meilleurs résultats sont obtenus sur le type I . Ils permettent à l'enfant d'arriver à une vie adulte, avec une diminution de la taille du foie, de la rate et des complications qui y sont liées. Des récupérations de croissance sont possibles et le niveau de l'atteinte osseuse guide la posologie, car c'est lui qui fait le pronotic. Il faut savoir que son atteinte ( douleurs et images radiologiques) justifie des traitements très longs, d'autant plus délicats à gérer que les malades seront vus tard.
La mise en route du traitement repose sur l'avis d'un comité spécifique ( CETG, Comité d'Etude du traitement de la Maladie de Gaucher) qui décide de son bien fondé .Les indications retenues sont les maladies de Gaucher diagnostiquées avant l'age de 5 ans, les patients L444P/L444P, même peu ou assymptomatiques, les atteintes de l'os, du foie et du poumon et les évolutions rapides . Le CETG décide des éventuels reports de mise en route du traitement, des surveillances bi annuelles intégrant les notions d'asthénie et de douleurs. En effet, il s'agit d'un traitement à vie, à la dose de 60 u/kg/15 jours réduite progressivement à 30, sous la forme d'une perfusion IV toutes les semaines et dont la prise en charge par la Sécurité Sociale est certes intégrale, mais repose sur la validation dudit comité. Son coût est estimé de 1 à 2 millions de francs par an, en fonction du poids. Les atteintes pulmonaires que l'on voit apparaître "grâce" au traitement sont des HTAPulmonaires et des insuffisances respiratoires liées aux anomalies induites du squelette et aux lésions interstitielles. On a cru un temps que les lésions pulmonaires représentaient des effets contraires du traitement, mais il est aujourd'hui certain qu'elles représentent une forme évolutive de la maladie. Les types III traités précocément, avec peu d'atteintes neurologiques, peuvent obtenir une bonne regression des signes cliniques, ce qui n'est pas le cas après la survenue de crises d'épilepsie, alors que dans les types II, il n'y a pas de résultats très significatifs sur l'atteinte neurologique, compte tenu du fait que l'enzyme ne passe pas la barrière hématoencéphalique et ce type serait vraissemblablment la meilleure indication de la greffe de moelle osseuse.

C : Les effets secondaires sont-ils un obstacle important à la mise en route du traitement ?


Dr NC : Non, car ces effets secondaires se limitent à quelques réactions allergiques et des grossesses ont pu être menées à terme. Le traitement est arrêté en France au premier trimestre de grossesse , mais il est poursuivi pendant toute celle-ci en Israël. Les enfants nés sont bien portants et seuls deux infartus osseux du post prtum ont été signalés. C: Quel est le risque de transmission mère-enfant de la maladie ? Dr NC : il s'agit d'une maladie récessive autosomique et il faudrait donc que les deux parents soient atteints pour transmettre la maladie de Gaucher à leur enfant et de fait, c'est une maladie qui se dilue au cours des générations. Si le diagnostic est évoqué en antenatal , il peut etre confirmé par des dosages enzymatiques et en cas de risque majeur, on peut également rechercher de mutation chromosomiques prépondérantes.

C : Qu'en est-il de la Maladie de Fabry ?

Dr NC : Le traitement officiel est autorisé depuis quelques mois et les premiers essais cliniques remontent à deux ans. C'est un déficit en alpha galactosidase lié au chromosome X, qui touche essentiellement les garçons et dont la révélation se fait le plus souvent entre 3 et 6 ans, devant la survenue de crises douloureuses des extrémités déclanchées par le changement de température, l'exercice physique, le stress, l'écriture à l'école, alors que le développement de l'enfant et son examen clinique sont strictement normaux et que certains attribuent les troubles décrits à une manifestation psychosomatique. Le plus souvent, ces enfants ne supportent pas la chaleur car ils ne transpirent pas, deviennent très rouges et se réfugient spontanément à l'ombre. Vers l'adolescence, des angiokératomes apparaissent "en caleçon" et plus tard, ce sera la survenue d'atteintes vasculaires microcirculatoires de l'oreille interne, responsables de surdités brutales, de vertiges, évoluant par crises et qui diminuent le plus souvent. L'accumulation de glycolipides finit par atteindre le rein avec protéinurie,l' évolution progressive vers l'insuffisance rénale est inexorable, et la greffe doit être envisgée vers la quarantaine. Des AVC surviennent à des ages variables, leur traduction clinique l'est également et certains peuvent même passer inaperçus, n'étant alors que le diagnostic étiologique d'une démence de découverte précoce. Il s'agit, le plus souvent, à l'IRM,de lésions profondes. L'atteinte cardiaque se traduit par des troubles du rythme, des troubles de la conduction avec un coeur lent, des infarctus; le VG est très épais, la myocardiopathie, avec insuffisance cardiaque survient entre 40 et 50 ans. Les vaisseaux périphériques ( artère et veine) peuvent également être atteints.

C : Quel est le traitement proposé à ces patients aujourd'hui ?

Dr NC
: En fait, deux traitements sont actuellement sur le marché, ce sont deux enzymes recombinantes, l'une est extraite de cellules ovariennes de hamster, l'autre de cellules humaines. La première Fabrazyme est commercialisée par Genzyme, la seconde Replagal par TKT.
En ce qui concerne Fabrazyme, les premiers essais ont débuté aux USA en 98 par une étude ouverte dose efficacité sur 15 patients . Compte tenu des allergies plus importantes que dans la Maladie de Gaucher ( car la protéine est totalement absente), il est apparu que la posologie de 1 mg/kg tou les 15 jours était la plus adaptée. Une seconde étude, multicentrique de phase III, sur 20 semaines, a inclus 58 patients de plus de 16 ans, sans atteinte rénale grave. Le seul moyen objectif de surveillance de l'efficacité du traitement a été la biopsie ( rein, coeur, peau), bien que particulièrement douloureuse chez ces patients, elle a été remarquablement bien acceptée, compte tenu d'un contexte familial déjà bien éprouvé par la maladie, et aucune complication grave du geste n'a eu lieu. Le groupe sous traitement s'est amélioré significativement à 2à semaines et le score 0 a été retrouvé dans 69% des tissus rénaux, 67% des tissus cardiaques et 100% des biopsies cutanées. Le produit actif est indétectable dans le sang, mais 83% des patients ont présenté des anti corps anti alpha galactosidase. Des épisodes de frissons et fièvre sont survenus, ils ont été controlés par les moyens habituels et n'ont pas entraîné d'interruption de traitement. A l'issus de l'essai, la diminution des douleurs a été significative,le score 0 en biopsie a été retrouvé dans 98% des tissus rénaux, 75% des cardiaques et 96% des peaux, la fonction rénale s'est stabilisée, la plupart des patients ont repris une activité physique normale et leur consommation d'antalgiques a significativement diminué. Les anticorps diminuent dans le temps et en tous cas, ils ne sont pas neutralisants. Au bout d'un an de traitement, le produit a reçu le statut de médicament orphelin et une première ATU a été délivrée, son utilisation en cohorte remonte à janvier 2001, avec ATU sur des sujets de plus de 12 ans, de sexe masculin, avec des atteintes viscérales débutantes ou des douleurs mal calmées par les antalgiques. L'AMM, sous conditions, devrait etre effective à la fin de l'année 2001. Le coût du traitement est évalué à 90 000 francs par mois, la perfusion de deux heures doit etre faite à l'hopital (alors que celle de Cerezyme peut se faire à domicile, dans certaines conditions), la mise en route du traitement repose là aussi sur la décision d'un comité, qui pourrait, à terme être le même que pour Gaucher.
Le Replagal est une alpha galactosidase de type A, humaine, et a priori, il a peu de différence d'efficacité entre les deux produits. Des doses plus faibles de 0,07 à 0,1mg/kg/15 j ont fait l'objet de phases I et II et un essai en phase III a testé sur 25 patients et 6 mois l'efficacité de 0,2 mg/kg/15j, sous arret des antalgiques. L'objectif de l'essai était la diminution de la douleur, et non pas le "nettoyage"les tissus surchargés. Sur le groupe traité, la fonction rénale est restée stable et la douleur a aussi significativement diminué ( sauf dans le groupe placebo.....). Les prix des deux produits sont superposables, l'activité enymatique est proche et les effets secondaires également.

C : Qu'en est-il de la Mucopolysaccharidose de type I ?

Dr NC : On distingue également deux formes dans cette maladie, la forme viscérale ( modérée) et la forme neurologique (grave). Elle concerne une naissance sur 100 000, elle est lie à un déficit en alpha L iduronidase,la survie n'excède pas 15 ans et les formes adultes sont rarissimes. Sur le plan clinique, ce son des enfants au faciès ingrat ( gargouillisme), avec des lésions osseuses, un gro foie et une grosse rate. La maladie est récessive autosomique, le diagnostic peut etre prénatal et des recherches de mutations chromosomiques d el'activité enzymatique se pratiquent.Le traitement repose sur la thérapeutique enzymatique recombinante, qui , dans une étude phase I et II, à raison d'une injection par semaine, permet une regression de la taille du foie et de la rate, diminue les raideurs articulaires et la fréquence des apnées du sommeil. Des résultats identiques sont obtenus avec les greffes de moelle osseuse qui restent la thérapeutique la plus efficace dans les formes sévères puisque l'enzyme ne passe pas la barrière hémato encéphalique.Un étude phase III est en cours.

C : Et de la maladie de Pompe ?

Dr NG : Il s'agit d'une maladie dans laquelle prédominent les atteintes musculaires et cardiaques (déficit en alpha glucosidase active) . Le diagnostic se fait en période néonatale ou dans les premières semaines, et, en tous cas, la sévérité du tableau pulmonaire et cardiaque amène au diagnostic avant l'âge de 12 mois. Il existe également des formes tardives musculaires qui flambent lors de la grossesse chez des patientes dont le tableau clinique associe essoufflement et douleurs des ceintures scapulaires et pelviennes. Le traitement repose sur une enzymothérapie recombinante à partir de lait de lapine (mais les doses necessaires étaient trop importantes) et la CHO, plus volontiers. Des effets positifs sont retrouvés sur le poumon et le muscle, mais des effets adverses à type de fièvre, rasch ou tachycardie sont fréquents Des essais de phase III sont en cours chez des enfants sévères et une baisse de l'acuité de la maladie serait observée.

C : D'autres traitements sont-ils à l'étude pour d'autres pathologies orphelines ?


Dr NC : Une étude de phase I est actuellement en cours dans la Mucopolysaccharidose de type II (déficit en Iduronate sulfatase), à partir de fibroblastes humains, chez TKT, mais il est trop tôt pour évoquer des résultats significatifs. Des essais sont positifs chez le chat dans le cadre du traitement de la maladie de Maroteaux Lamy ou Mucopolysaccharidose de type IV. En ce qui concerne les espoirs, ils peuvent reposer sur les inhibiteurs de synthèse, mais, pour l'instant la thérapie génique n'est pas à l'ordre du jour.

Voir aussi le dossier de caducee.net sur la maladie de Gaucher
https://www.caducee.net/DossierSpecialises/genetique/gaucher.asp

 

 
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