Informatiser le circuit Prescription Dispensantion Administration - Interview d'Isabelle Adenot

L’informatisation des outils et des échanges de données dans le milieu hospitalier et, plus généralement, dans le système de soins français se développe et doit aboutir à un circuit « prescription, dispensation, administration » nominatif au patient. Isabelle Adenot, Présidente du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens, met l’accent sur l’importance d’une bonne coordination de l’ensemble des professions de santé en amont de la mise en œuvre des systèmes, au sein et entre les établissements de soins. Elle sollicite également les industriels à proposer des outils simples, intuitifs et évolutifs aux pratiques professionnelles.

DSIH : De plus en plus d’hôpitaux montrent une volonté de développer une prescription informatisée des médicaments. En tant que représentante de l’Ordre des pharmaciens, quel est votre sentiment sur ce choix ?

Isabelle Adenot : Nous devons évoluer, dans les établissements de santé, vers une prescription nominative au patient, première étape pour mieux sécuriser l’ensemble du circuit « prescription, dispensation, administration». En effet, entre la prescription du praticien, la dispensation du pharmacien et l’administration du traitement au patient, les risques d’erreurs existent : il faut donc encourager tous les moyens qui les minimisent, et l’informatisation en fait partie. Bien sûr, ce n’est pas le seul levier pour agir.

DSIH : Quelles préconisations donneriez-vous aux Directeurs des systèmes d’information, responsables de cette mise en place ?

I. A. : Avant tout, le développement de tels outils doit être le fruit d’un échange entre professionnels. L’outil informatique doit être adapté aux besoins des praticiens et à leurs pratiques professionnelles, et non l’inverse. Il est donc essentiel que l’ensemble des disciplines soit associé dès le démarrage du projet et cela, bien évidemment, jusqu’à sonterme. D’autant plus que l’informatisation touche in fine à l’organisation. Certains logiciels informatiques sont estimés trop complexes, pas assez ergonomiques… et ne répondant pas toujours aux attentes. Les solutions globales qui permettent de simplifier la bonne exécution du circuit «prescription, dispensation et administration » sont les plus plébiscitées.

DSIH : Selon vous et les besoins de votre profession, quels sont les critères auxquels doit répondre une base de données médicamenteuses de qualité ?

I. A. : Les bases de données médicamenteuses doivent être complètes, structurées, et à l’évidence, mises à jour. Elles doivent donner la bonne information au bon moment (effets indésirables, allergies, posologie…).De plus, elles doivent être capables d’interagir avec d’autres données issues des dossiers professionnels (contre-indications entre médicaments,physiologie du patient,données biologiques…), afin de faciliter l’analyse pharmaceutique. Pour autant, si ces bases sont unsoutien à la dispensation, la décision reste toujours aux praticiens.

DSIH : Sur le terrain, comment est perçue la prescription informatisée ?

I. A. : L’informatisation est bien vécue et majoritairement souhaitée par les pharmaciens. Toutefois, certains professionnels peuvent ressentir un malêtre face à ces évolutions, faute de réflexion préalable suffisante de l’évolutiondans l’organisation. C’est pourquoi nous souhaitons mettre l’accent sur la participation de nos confrères à toutesles étapes de la mise en oeuvre de ces logiciels. Comme tous les utilisateurs concernés, les pharmaciens souhaitentfortement être impliqués dans les groupes de travail. C’est un gage de réussite et d’appropriation plus rapide.

DSIH : En tant que représentante des pharmaciens, comment voyez vous le développement des évolutions liées aux nouvelles technologies et à l’informatique au sein des hôpitaux ?

I. A. : L’informatisation est inévitable et souhaitable. Tous, nous utilisons très aisément l’informatique dans uncadre privé et sommes familiarisés à l’accès et à la navigation sur internet. à contrario, l’informatique n’a pas encore pris complètement sa place dans le monde de la santé. Mais l’évolution est en cours, permettant, pour des métiers qui secomplexifient toujours plus, de contribuer à une meilleure coordination des soins et à plus de coopération entre professionnels de santé, comme le préconise à juste titre la DGOS. Pour les pharmaciens, les évolutions législativeseuropéennes imposent, de plus, le développement de produits « interconnectés », qui vont permettre de mieux sécuriser le système de soins en améliorant la traçabilité.

DSIH : Le dossier pharmaceutique prend un tout autre départ que le DMP. Les chiffres sont très encourageants et votre profession semble particulièrement attachée à ces échanges de données.Pouvez-vous commenter cette situation ?

I. A. : Le Dossier Pharmaceutique (DP) est l’exemple même de la contribution de l’informatique au bon usage du médicament. Il a d’abord été déployé en officine. à ce jour, 85 % ont le dispositif et près de 13 millions de Français en bénéficient déjà. Il a ensuite été l’objet d’expérimentations dans les Pharmacies à Usage Intérieur, pour les médicaments de rétrocession. Dans les établissements expérimentateurs, des groupes de travail se sont tenus, réunissant de nombreux professionnels de santé. Les médecins urgentistes, les anesthésistes… ont souhaité avoir accès aux données « médicament » d’un patient. Le DP répond à ces besoins. De plus, des études menées au niveau européen ont montré que le temps de reconstitution des traitements pour un patient hospitalisé pouvait atteindre jusqu’à 42 minutes. Avec le DP, ce délai pourrait être réduit à une ou deux minutes, sous réserve bien sûr que le patient en ait un et qu’il autorise le professionnel à son accès. Les chiffres sont assez explicites pour démontrer tout l’intérêt de développer l’utilisation du DP. En conséquence, avec le soutien de la DGOS, nous allons faire une demande d’extension d’expérimentation auprès de la CNIL.

DSIH : Pour les années à venir, quelles sont les attentes des pharmaciens ?

I. A. : Au sein de l’Ordre national des pharmaciens, nous souhaitons une plus forte coordination entre médecine de ville et les établissements de santé, ou entre établissements de santé. Faciliter l’entrée dans les établissements, le transfert entre établissements et mieux anticiper la sortie vers la ville est une nécessité. Le DP, comme d’autres applications, y contribuera.Mais tous ces outils doivent rester simples d’usage et être performants. Enfin, et cela n’étonnera personne,étant garants de l’éthique professionnelle, nous sommes très attachés à la confidentialité des données de santé à caractère personnel. Tout l’enjeu est de trouver cet équilibre entre sécurité et rapidité.

Propos recueillis par Guillaume Leduc

Source : DSIH Avril 2011

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