La greffe de tissu ovarien pose de sérieuses questions éthiques

Si l'autogreffe de tissu ovarien devait s'avérer une méthode efficace pour sauvegarder la fertilité de femmes devant subir des traitements amputant irrémédiablement leur capital folliculaire, elle pourrait également concerner les patientes soumises à des traitements anticancéreux moins agressifs pour les ovaires ou génétiquement exposées à une ménopause précoce.

Selon le Dr Yves Aubard, chef du service de gynécologie-obstétrique au CHU de Limoges, les indications doivent concerner les femmes qui vont perdre leur fertilité du fait d'une chimiothérapie, d'une radiothérapie, ou d'une ablation bilatérale des ovaires.

Ce pionnier de la recherche sur les greffes de tissu ovarien en France estime par contre qu'il est déraisonnable de ne pas prélever le tissu ovarien à une femme jeune, a fortiori à une fillette, qui sera castrée par un traitement anticancéreux. Cela équivaudrait, dit-il, à une perte de chance qui pourrait être reprochée plus tard à l'équipe qui a pris en charge la malade.

Limiter l'âge du prélèvement

Le Dr Aubard entend fixer l'âge limite de prélèvement à 35 ans car le potentiel de fertilité des follicules s'amenuise et leur nombre se raréfie rapidement à partir de la trentaine. Or la demande devrait être plus forte après 40 ans qu'après 30 ans du fait de la plus grande fréquence des cancers dans cette tranche d'âge.

En revanche, indique-t-il, la greffe de tissu ovarien a toutes les chances de marcher dans la mesure où la moitié d'un ovaire d'une fillette contient plus de follicules que les deux ovaires d'une femme de quarante ans. Avant de procéder à une autogreffe de tissu ovarien, il faudra toujours s'assurer qu'il ne reste plus du tout de fonction ovarienne, ajoute le Dr Aubard.

Dans tous les cas, ce n'est qu'après accord des hématologues ou cancérologues que la décision de greffer le tissu ovarien sera prise par les obstétriciens chez une femme guérie de son cancer et désirant débuter une grossesse.

Après prélèvement d'un des deux gonades aux fins de cryopréservation, le Dr Aubard compte utiliser l'ovaire opposé comme support de greffe. A l'instar ce qui est fait sur le mouton, la technique pourrait consister à enlever le cortex de l'ovaire détruit par les traitements anticancéreux puis à y fixer, par des fils résorbables ou de la colle biologique, les fragments décongelés de tissu ovarien.

On peut cependant aisément imaginer que le succès de cette nouvelle technique de procréation médicalement assistée conduise très vite à une extension des indications. Ainsi, qu'en sera-t-il lorsqu'une jeune femme de 20 ans demandera à ce qu'on lui congèle un ovaire dans le but de lui greffer quand elle aura 45 ans, dans le but de retarder la survenue de la ménopause et que celle-ci ne survienne qu'à 70 ans ?

Un tel scénario n'est pas admissible. De plus, rien ne dit que cela serait efficace, commente le Dr Aubard. En effet, on ne sait pas si les greffons ovariens ne vont pas s'épuiser très vite. En d'autres termes, personne n'est capable aujourd'hui de prédire la durée pendant laquelle le tissu ovarien greffé va fonctionner car les processus de congélation, de décongélation et d'autres liés à la greffe détruisent un certain nombre de follicules primordiaux.

Les recherches menées sur la brebis par l'équipe de Limoges, en collaboration avec des chercheurs de l'INRA de Nouzilly, près de Tours, montrent des taux de survie folliculaire de seulement 20% à 50%.

Il sera donc particulièrement intéressant de voir pendant combien de temps la patiente américaine récemment greffée va ovuler. Au vu des données obtenues sur la brebis, j'aurai tendance à dire que cela ne durera pas longtemps, déclare le Dr Aubard.

Retarder l'apparition de la ménopause

En revanche, ce spécialiste estime qu'il ne serait pas scandaleux de greffer du tissu ovarien à une femme de 60 ans pour éviter la ménopause, à condition que cela ne puisse conduire à une grossesse. On pourrait d'ailleurs ligaturer les trompes lors de la greffe. Le tissu ovarien greffé ovulerait, sécréterait des hormones, de telle sorte que ces femmes n'auraient pas besoin de traitement hormonal substitutif. Cela ne choque pas du tout que l'autogreffe de tissu ovarien puisse un jour devenir une alternative à l'hormonothérapie substitutive.

Bien que l'autorisation des prélèvements soit soumise depuis le début de cette année à l'approbation d'un CCPPRB (comité consultatif de protection de personnes participant à la recherche biologique), aucune législation ne fixe à ce jour un âge limite pour la greffe des fragments ovariens, souligne le Dr Aubard qui conclut que les événements récents font qu'il devient nécessaire que le comité national d'éthique se saisisse de cette question.

Prélèvements sur foetus

Autre sujet de débat sur le plan de l'éthique : la possibilité de réaliser des allogreffes de tissu ovarien prélevé sur des foetus de sexe féminin afin de suppléer à la fonction ovarienne défaillante en cas de ménopause précoce. Les follicules primordiaux d'origine foetale serait greffés sous la corticale des ovaires qui ne fonctionnent plus. Véritable greffe in ovaro, cette procédure éviterait à ce type de patientes de suivre un traitement hormonal substitutif.

Pour l'instant, outre-Atlantique, le débat public semble plus se résumer à ce que l'on observe depuis quelques jours sur le serveur web du réseau radio-TV canadien CBC News où l'on propose aux habitués du site de participer à un sondage sur le thème: êtes-vous pour ou contre les greffes de tissus ovariens ?

D'autres sont cependant beaucoup plus avancés sur la question. C'est le cas notamment du Genetics & IVF Institute de Fairfax (Virginie) et du St Luke's Hospital de Saint Louis (Missouri) qui présentent sur Internet leur programme de congélation ovarienne, ou encore du Sydney IVF Center (Australie) qui propose de congeler du tissu ovarien pour 475 dollars et de le conserver pour 250 dollars par an.

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