VACCINS CONTRE L’HEPATITE B : RESUME DES DEBATS DE LA COMMISSION NATIONALE DE PHARMACOVIGILANCE DU 21 SEPTEMBRE 2004

La Commission Nationale de Pharmacovigilance a pris connaissance :

- du bilan actualisé des notifications spontanées d’atteintes démyélinisantes centrales et périphériques survenues au décours d’une vaccination contre l’hépatite B ;

- des résultats récemment publiés d’une étude cas-témoins menée chez des patients du Royaume-Uni et évaluant le risque de survenue de sclérose en plaques (SEP) au décours d’une vaccination contre l’hépatite B. (Hernan MA and al. Neurology 2004 ; 63 : 838-42), comme elle l’avait fait auparavant pour d’autres études épidémiologiques évaluant ce même risque.

Bilan actualisé des notifications spontanées de cas d’atteintes démyélinisantes centrales et périphériques observés après une vaccination contre l’hépatite B en France depuis la mise sur le marché

Le bilan des cas notifiés au réseau national des centres régionaux de pharmacovigilance, aux laboratoires et à l’association de patients REVAHB (Réseau Vaccin Hépatite B) recense :

- un total de 1110 cas d’affections démyélinisantes centrales, dont 898 cas de sclérose en plaques (SEP), signalés depuis la mise sur le marché des vaccins contre l’hépatite B jusqu’au 31 décembre 2002. Respectivement 43,5%, 79,2% et 94,4% d’entre eux sont survenus dans les 2 mois, 12 mois et 3 ans suivant la vaccination. L’examen des caractéristiques de ces observations de SEP en termes d’âge, sexe, forme clinique, facteurs de risque, délai d’apparition et type d’atteinte neurologique ne permet aucunement de les différencier des SEP classiques, ni d’affirmer la responsabilité du vaccin dans leur survenue. Aucun facteur de risque particulier, notamment à type d’antécédents familiaux de SEP, n’est identifié parmi ces cas de SEP survenus au décours d’une vaccination contre l’hépatite B. Aucune relation n’est par ailleurs retrouvée entre le nombre d’injections vaccinales et le risque de survenue d’une SEP dans les suites de la vaccination. Par ailleurs, sur la même période, 102 cas d’affections démyélinisantes périphériques ont aussi été notifiés.

- En complément, 103 cas d’affections démyélinisantes centrales et périphériques dont 94 cas de SEP ont été notifiés au cours de l’année 2003. La majorité de ces cas sont survenus antérieurement à l’année 2003.

Etude cas-témoins sur le risque de survenue de SEP et la vaccination contre l’hépatite B [M. Hernan et al. Neurology 2004 ; 63 : 838-42]

L’étude de Hernan et al. est la première et seule étude épidémiologique à avoir retrouvé une association statistiquement significative entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue de SEP. Ce résultat contraste avec celui de dix autres études n’ayant pas permis de conclure à une telle association (cf. tableau en annexe).

Méthode

Il s'agit d'une étude cas-témoins réalisée à partir de la base de données britannique GPRD (General Practice Research Database), qui rassemble des données concernant des patients de médecins généralistes utilisant un logiciel commun de gestion du dossier médical.

Les cas inclus dans l'étude étaient des patients de tous âges pour lesquels un premier diagnostic de SEP était enregistré dans la base de données entre janvier 1993 et décembre 2000. Une première détermination de la date d'apparition des premiers symptômes était réalisée à partir des données informatisées. Les médecins généralistes étaient ensuite sollicités pour fournir toutes photocopies des documents en leur possession pouvant contenir des informations complémentaires sur la date d’apparition des premiers symptômes susceptibles d’évoquer une SEP chez ces patients. Afin d'éviter un biais dans le diagnostic de la pathologie ou l'évaluation de la date d'apparition des premiers symptômes, l’analyse de ces documents a été réalisée par deux investigateurs, indépendamment l'un de l'autre, et sans connaissance des antécédents de vaccination. A l’issue de cette évaluation, les diagnostics étaient révisés en fonction du degré de certitude du diagnostic de SEP en : SEP confirmée, SEP possible, absence de SEP.

Une seconde date d'apparition des premiers symptômes était également déterminée à partir des documents

fournis par les médecins. La date index utilisée pour la comparaison des antécédents de vaccination était la

plus ancienne des deux dates.

Les témoins indemnes de SEP (10 au maximum pour chaque cas), tirés au sort dans la base de données,

étaient appariés avec les cas sur l'âge (± 1 an), le sexe, le cabinet du généraliste, et la date de première prise

en charge à ce cabinet (± 1 an).

La comparaison des cas et des témoins pour les antécédents de vaccination contre l'hépatite B dans les trois

ans précédant la date index a été réalisée en utilisant une régression logistique conditionnelle.

Afin d'évaluer la sensibilité de l'analyse en fonction de la date index, les auteurs ont réalisé une seconde

analyse (avec des témoins différents de la première) dans laquelle la date index était définie comme la date de

diagnostic de la SEP.

Résultats

Au total, 713 patients avec un diagnostic de SEP ont été identifiés, parmi lesquels 438 cas (61,4 %) de SEP confirmée à partir de l'examen des documents médicaux. Néanmoins, seuls 163 d’entre eux ont été inclus dans l’analyse car ils avaient été enregistrés dans la base de données au moins 3 ans avant la date index (date des premiers symptômes). L'analyse a ainsi concerné 163 cas et 1604 témoins. Tous les cas vaccinés étaient âgés de plus de 18 ans au moment de la survenue des premiers symptômes. L'âge moyen des cas vaccinés (37,0 ans) était similaire à l'âge moyen chez les cas non vaccinés (36,1 ans).

L'analyse montre que les cas ont été plus fréquemment vaccinés contre l'hépatite B que les témoins dans les trois ans précédant la survenue des premiers symptômes de SEP :

Cas n = 163

Témoins n = 1604

Vaccinés contre l'hépatite B

11 (6,7 %)

39 (2,4 %)

Non vaccinés

152 (93,3 %)

1565 (97,6 %)

Cas n = 163

Témoins n = 1604

Vaccinés contre l'hépatite B

11 (6,7 %)

39 (2,4 %)

Non vaccinés

152 (93,3 %)

1565 (97,6 %)

La différence entre les cas et les témoins est statistiquement significative : odds-ratio (OR) = 3,1 ;

IC 95 % = [1,5 ; 6,3].

Les résultats demeurent statistiquement significatifs lorsque les sujets ayant une indication connue de la

vaccination (et ayant pu être vaccinés au travail par exemple) sont exclus de l’analyse (OR = 2.6 ;

IC 95 % = [1,2 ; 5,4]).

La prise en compte dans l'analyse de l’ensemble des cas de SEP (y compris celles dont le diagnostic était

considéré comme seulement possible, nombre total de cas n = 188) mène également à un odds-ratio

statistiquement significatif (OR = 2 ; 4, IC 95 % = [1,2 ; 4,8]).

Les odds-ratios sont plus élevés lorsque l'on considère les deuxième et troisième années avant la date index,

que pour l'année précédant immédiatement la date index. Par ailleurs, les résultats ne suggèrent pas

l’existence d’un effet-dose.

Pour les autres vaccins, l'analyse des antécédents de vaccination contre le tétanos suggère une réduction du

risque à la limite du statistiquement significatif (OR = 0,6 ; IC 95 % = [0,4 ; 1,0]), tandis qu’il n’est pas

retrouvé d’association particulière pour les antécédents de vaccination contre la grippe (OR = 1,0 ;

IC 95 % = [0,5 ; 2,0]).

Discussion

Les membres de la Commission nationale de pharmacovigilance ont considéré que cette étude avait été réalisée selon une méthodologie correcte avec, en particulier, une détermination très soigneuse de la date des premiers symptômes pouvant potentiellement expliquer, en association avec l'utilisation d'une période de 3 ans pour la comparaison des antécédents de vaccination, les résultats négatifs des études antérieures.

Néanmoins, des réserves vis-à-vis des résultats de cette étude ont été discutées :

  • La vaccination contre l’hépatite B ne concerne pas les mêmes patients au Royaume-Uni et en France. Au Royaume-Uni, seuls les patients appartenant à des groupes à risque sont concernés par la vaccination (professions de santé ou situations à risques) entraînant de possibles biais, notamment liés à la capacité pour les vaccinés d’attirer plus précocement l’attention des médecins sur des symptômes neurologiques ;
  • Il existe potentiellement un biais analogue au biais de rappel fréquent dans les études cas-témoins du fait de la possibilité d’une mise à jour préférentielle au niveau de la base de données des informations concernant la vaccination après la survenue des premiers symptômes ;
  • Une description des cas et des témoins très succincte avec en particulier, une absence d’information fournie sur les pathologies des témoins ;
  • une absence d’information concernant les éventuelles discordances de diagnostic ou de date d'apparition des premiers symptômes entre les deux investigateurs;
  • Parmi les multiples facteurs de confusion et facteurs de risque possibles décrits dans la littérature concernant la SEP (antécédents familiaux de maladies démyélinisantes ou auto-immunes, tabagisme, possession d'animaux domestiques, ethnie, niveau socio-économique,éducation, lieu de naissance, antécédents de maladies infantiles etc), seul le tabagisme paraît avoir été pris en compte dans les analyses ;
  • La robustesse des conclusions apparaît très fragile, le faible effectif de cas vaccinés (n = 11) rendant l'analyse très sensible aux possibles erreurs de classification portant sur le diagnostic des cas ou sur les antécédents de vaccination, en particulier dans le groupe des témoins ;
  • L’écart entre le nombre de cas identifiés dans la base (n = 713) et le nombre de cas finalement inclus dans l’analyse (n = 163) ne permet pas d’exclure un processus de sélection des cas de nature à biaiser les résultats ;
  • La plausibilité biologique de l'induction ou du déclenchement d'une SEP dans les trois années suivant la vaccination contre l'hépatite B est peu cohérente avec les hypothèses antérieures fondées sur le profil des cas notifiés ;
  • Les auteurs évoquent la possibilité que le risque soit lié aux adjuvants aluminiques que contiennent les vaccins contre l’hépatite B. Toutefois, le vaccin tétanique contient également un tel adjuvant aluminique (hydroxyde d’aluminium). Or, pour ce dernier vaccin, l'étude rapporte un effet protecteur même si celui-ci est à la limite de la signification statistique. Ceci rend l’hypothèse des auteurs peu probable ;
  • La mise en évidence d'une association statistiquement significative dans une unique étude après plusieurs autres études non significatives de plus grande taille (parmi lesquelles il faut signaler 5 études réalisées à la demande de l’Afssaps ou financées par elle), doit aussi faire considérer la possibilité que le caractère statistiquement significatif du résultat puisse n'être que la conséquence du hasard et de l'augmentation du risque de première espèce consécutive à la multiplication des études ;
  • Enfin, parmi les 10 études épidémiologiques réalisées concernant ce problème, il s’agit de la plus petiteétude réalisée en terme de cas exposés, à l’exception de la première étude pilote française.

Conclusion des débats de la Commission Nationale

Après en avoir délibéré, la Commission Nationale de Pharmacovigilance a adopté à la majorité les éléments de conclusion suivants :

° Cette étude menée au Royaume-Uni et, récemment publiée, apporte des éléments en faveur de l’existence d’une association entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de sclérose en plaques chez l’adulte.

° La prise en compte de l’ensemble des données disponibles ne permet pas de conclure à l’existence de cette association. Cependant, un risque faible ne peut pas être exclu chez l’adulte.

° Ces conclusions doivent être considérées au regard du bénéfice attendu de la vaccination contre l’hépatite B.

Annexe – Bilan des études épidémiologiques

 

TYPE D’ETUDE

 

AUTEURS

Définition

RESULTATS

 

Cas étudiés

 
 

Etude cas-témoins « pilote » *

 

Touze et al. (1997) (Rev Neurol 2000 ;156(3) :242-46)

121 cas/ 121 témoins

< 2 mois : OR = 1,7 [0,8 ; 3,7]

 

1 ères poussées d’atteintes démyélinisante centrales

 

Fourrier et al. (1998) (Br J Clin Pharm 2001 ;51 :489-90)

Comparaison cas observés/cas attendus * 1 ères poussées d’atteintes démyélinisantes centrales

Excès faible non statistiquement significatif du nbre de cas observés (n=111) /aux cas attendus (n=102.7)

Costagliola (1998) (Non publiée)

Approche capture-recapture * Atteintes démyélinisantes centrales (ADC)

Facteur de sous-notification compris entre 2 et 2,5 compatible avec un excès statistiquement significatif de cas

Zipp et al. (1998) (Nature Med 1999 ;5(9) :964-65)

Cohorte de 134 698 sujets Atteintes démyélinisantes centrales

1 an : RR = 1,0 [0,3 ; 3,0] 2 ans : RR = 1,0 [0,4 ; 2,4] 3 ans : RR = 0,9 [0,4 ; 2,1]

Touze et al. (1998)

402 cas/ 722 témoins *

0-2 mois : OR = 1,8 [0,7 ; 4,6]

(Neuroepidem 2002 ;21 :180-86)

1 ères poussées d’atteintes démyélinisantes centrales

2-12 mois : OR = 0,9 [0,4 ; 2,0]

Abenhaïm et al. (1998)

520 cas/ 2 505 témoins *

> 2 mois : OR = 1,4 [0,8 ; 2,4]

(Non publiée)

ADC et Scléroses en plaques

≤ 12 mois : OR = 1,6 [0,6 ; 3,9]

Ascherio et al. (2000)

192 cas/ 645 témoins

OR = 0,9 [0,5 ; 1,6]

(N Engl J Med 2001 ;344(5) :327-32)

Scléroses en plaques

< 2 ans : OR = 0,7 [0,3 ; 1,8]

 

643 patients

 

Confavreux et al. (2000) (N Engl J Med 2001 ;344(5) :319-26)

Etude cas cross-over

RR = 0,71 [0,4 ; 1,26]

 

Risque de poussée de sclérose en plaques

 

Sadovnick et al. (2000) (The Lancet 2000 ;355 :549-50)

Cohorte d’enfants Scléroses en plaques

9 cas/ 288 657 enfants versus 5 cas/ 289 651 enfants après la campagne

De Stefano et al. (2003)

440 cas/ 950 témoins

OR = 0,9 [0,6 ; 1,5]

(Arch Neurol 2003 ;60 :504-9)

Scléroses en plaques

1-5 ans : 1,6 [0,8 ; 3,0] >5 ans : 0,6 [0,2 ; 1,4]

Hernan et al. (2004) (Neurology 2004 ;63 :838-42)

163 cas/ 1 604 témoins Scléroses en plaques

OR = 3,1 [1,5 ; 6,3]

 

TYPE D’ETUDE

 

AUTEURS

Définition

RESULTATS

 

Cas étudiés

 

 

Etude cas-témoins « pilote » *

 

Touze et al. (1997) (Rev Neurol 2000 ;156(3) :242-46)

121 cas/ 121 témoins

< 2 mois : OR = 1,7 [0,8 ; 3,7]

 

1 ères poussées d’atteintes démyélinisante centrales

 

Fourrier et al. (1998) (Br J Clin Pharm 2001 ;51 :489-90)

Comparaison cas observés/cas attendus * 1 ères poussées d’atteintes démyélinisantes centrales

Excès faible non statistiquement significatif du nbre de cas observés (n=111) /aux cas attendus (n=102.7)

Costagliola (1998) (Non publiée)

Approche capture-recapture * Atteintes démyélinisantes centrales (ADC)

Facteur de sous-notification compris entre 2 et 2,5 compatible avec un excès statistiquement significatif de cas

Zipp et al. (1998) (Nature Med 1999 ;5(9) :964-65)

Cohorte de 134 698 sujets Atteintes démyélinisantes centrales

1 an : RR = 1,0 [0,3 ; 3,0] 2 ans : RR = 1,0 [0,4 ; 2,4] 3 ans : RR = 0,9 [0,4 ; 2,1]

Touze et al. (1998)

402 cas/ 722 témoins *

0-2 mois : OR = 1,8 [0,7 ; 4,6]

(Neuroepidem 2002 ;21 :180-86)

1 ères poussées d’atteintes démyélinisantes centrales

2-12 mois : OR = 0,9 [0,4 ; 2,0]

Abenhaïm et al. (1998)

520 cas/ 2 505 témoins *

> 2 mois : OR = 1,4 [0,8 ; 2,4]

(Non publiée)

ADC et Scléroses en plaques

≤ 12 mois : OR = 1,6 [0,6 ; 3,9]

Ascherio et al. (2000)

192 cas/ 645 témoins

OR = 0,9 [0,5 ; 1,6]

(N Engl J Med 2001 ;344(5) :327-32)

Scléroses en plaques

< 2 ans : OR = 0,7 [0,3 ; 1,8]

 

643 patients

 

Confavreux et al. (2000) (N Engl J Med 2001 ;344(5) :319-26)

Etude cas cross-over

RR = 0,71 [0,4 ; 1,26]

 

Risque de poussée de sclérose en plaques

 

Sadovnick et al. (2000) (The Lancet 2000 ;355 :549-50)

Cohorte d’enfants Scléroses en plaques

9 cas/ 288 657 enfants versus 5 cas/ 289 651 enfants après la campagne

De Stefano et al. (2003)

440 cas/ 950 témoins

OR = 0,9 [0,6 ; 1,5]

(Arch Neurol 2003 ;60 :504-9)

Scléroses en plaques

1-5 ans : 1,6 [0,8 ; 3,0] >5 ans : 0,6 [0,2 ; 1,4]

Hernan et al. (2004) (Neurology 2004 ;63 :838-42)

163 cas/ 1 604 témoins Scléroses en plaques

OR = 3,1 [1,5 ; 6,3]

Légendes : OR = Odds-Ratio, RR = Risque relatif, [ ] = Intervalle de confiance

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