Les professionnels de santé appellent au vote d’une loi « Booba » pour endiguer la désinformation médicale

Les professionnels de santé appellent au vote d’une loi « Booba » pour endiguer la désinformation médicale Face à la montée de la désinformation médicale, des dizaines de personnalités et d’institutions médicales lancent un appel dans une tribune publiée par l’Express à renforcer le cadre législatif pour lutter contre les « fakenews » médicales et promouvoir des informations basées sur des preuves scientifiques.

Janvier 2024, le mois des fakenews médicales

L'affaire de l'hydroxychloroquine, au cœur de la controverse depuis le début de la pandémie, s'impose comme un cas d'école dans le débat sur l'efficacité des traitements contre le Covid-19. Promue initialement par le Pr Didier Raoult et son équipe de l'IHU de Marseille comme une solution miracle, ce médicament n'a cependant pas su démontrer son efficacité dans la lutte contre le virus. Pire encore, son usage s'avère potentiellement dangereux. Une récente étude publiée dans la revue "Biomedicine & Pharmacotherapy" par des chercheurs lyonnais suggère que l'hydroxychloroquine pourrait être liée à près de 17 000 décès dans plusieurs pays durant la première vague de la pandémie. Malgré ces données accablantes et un consensus scientifique défavorable, Didier Raoult et ses collaborateurs marseillais continuent de défendre bec et ongles l'utilisation de ce médicament.

L'escalade de la controverse atteint un nouveau sommet avec les récentes déclarations de l'ancien directeur de l'IHU, publiées le 17 janvier sur la plateforme X (anciennement Twitter). Dans un élan polémique, il attribue aux vaccins anti-Covid à ARN messager des laboratoires Pfizer et Moderna des effets secondaires graves, tels que le déclenchement de lymphomes et même la survenue d'encéphalopathie de type Creutzfeldt-Jacob.

Ces propos, loin d'être anodins, ont rapidement été critiqués et démentis par des figures scientifiques telles que le Pr Mathieu Molimard, pharmacologue et pneumologue au CHU de Bordeaux. Président honoraire du Collège national de pharmacologie médicale et l'un des premiers signataires de la tribune contre la désinformation médicale, Pr Molimard insiste sur le caractère infondé de ces affirmations. Il souligne que les centres de pharmacovigilance en France, vigilants aux moindres effets indésirables des vaccins, n'ont rapporté aucun cas semblable. Ainsi, ces déclarations controversées s'inscrivent une fois de plus dans une dynamique de désinformation médicale, loin de la rigueur scientifique et de la responsabilité attendues dans de tels débats.

 

Dans ce tourbillon de désinformation, la science semble perdre sa voix. Sur le réseau X, les propos de Didier Raoult se propagent à une vitesse fulgurante. Marc Doyer, utilisateur convaincu que le vaccin a causé le décès de sa femme, relaie ces affirmations, déclenchant une série d'échanges surréalistes. Le tweet de Marc Doyer est ensuite amplifié par le rappeur Booba, influent avec ses 6 millions d'abonnés, qui se positionne en défenseur des thèses antivaxs. Son message, chargé d'une certitude inébranlable, appelle à "ouvrir les yeux".

Le Dr Jérôme Barrière, oncologue et membre du conseil scientifique de la Société française du cancer, intervient pour rétablir la vérité. Sa tentative de dialogue se heurte pourtant à une hostilité brutale. Booba, répond par des insultes et lance une campagne de harcèlement contre le médecin et ses soutiens. Le Dr Barrière, face à cet assaut, exprime son désarroi : « En quelques heures, j'ai reçu des centaines de commentaires d'insultes et de menaces ». L'apogée de cette affaire survient lorsque Didier Raoult exprime sa confraternité non pas à l'attention de son confère médecin, mais à l'attention du rappeur Booba en disant : « Merci pour ton soutien, petit frère. Didier. ». Cette situation illustre la dangereuse influence des célébrités dans la diffusion de fausses informations et la polarisation des débats sur la santé publique.

La désinformation médicale : un enjeu de santé publique

Des personnalités éminentes du monde médical, dont Dominique Deplanque, président de la Société française de pharmacologie et thérapeutique, et Manuel Rodrigues, président de la Société française du cancer, se sont unies pour dénoncer la propagation de fausses informations médicales. Ces déclarations erronées concernent notamment l'efficacité des vaccins COVID-19 et leur lien supposé avec diverses maladies graves allant même jusqu'à les accuser de provoquer des cancers ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob, sans qu'aucune étude épidémiologique ne soutienne une telle hausse de ces maladies en lien avec la vaccination.

De plus, certains prétendent, contre toute évidence scientifique, que ces vaccins seraient à l'origine d'accidents vasculaires cérébraux ou d'infarctus du myocarde. Pourtant, plusieurs recherches épidémiologiques, dont deux études françaises réalisées par Epi-Phare, réfutent ces allégations en ne trouvant aucun lien entre ces pathologies et les vaccins à ARNm. Les signataires insistent également sur un dernier point : il n'existe aucune preuve en biologie moléculaire étayant l'hypothèse d'une incorporation de fragments d'ADN vaccinaux dans le génome humain par les vaccins à ARN messager.

Face à la crédulité : renforcer les législations et la régulation

Face à cette vague de fausses informations, les signataires de la tribune appellent à un renforcement de la législation et à une régulation plus stricte des médias. Ils soutiennent notamment la révision en cours de la législation sur les dérives sectaires, qui devrait inclure des sanctions pour ceux qui incitent à abandonner ou dénigrer un traitement médical reconnu.

Par ailleurs, ils préconisent l'application de l'article 27 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, habituellement réservé aux cas de trouble à la paix publique, aux situations où la santé publique est mise en danger par la diffusion de fausses nouvelles.

Les signataires, représentant une large communauté médicale, réaffirment leur engagement indéfectible en faveur de la santé publique et de la lutte contre l'obscurantisme.

 

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