Infirmier : Frédéric Valletoux annonce un train de mesures pour revaloriser la profession

Infirmier : Frédéric Valletoux annonce un train de mesures pour revaloriser la profession Dans une interview accordée à La Tribune ce dimanche, Frédéric Valletoux, le ministre de la Santé, a exposé ses propositions pour une réforme destinée à valoriser et redéfinir le rôle des infirmiers dans le système de santé afin d'améliorer l'accés aux soins. Alors que les organisations représentatives des infirmiers se félicitent, les syndicats de médecins expriment des réserves, qualifiant les mesures de « bricolage » et regrettant une fois de plus l'absence de concertation dans la prise de décision. Cette situation illustre la propension de l'ancien député et actuel ministre à polariser les professionnels de santé.

Le 4 avril dernier, une importante mobilisation des infirmières et infirmiers libéraux a eu lieu dans les rues de Paris, orchestrée par le Syndicat National des Infirmières et Infirmiers Libéraux (Sniil) et le Collectif des infirmiers libéraux en colère (Cilec). L'objectif de cette manifestation était de dénoncer la dégradation des conditions de travail et l'absence de perspectives, dans un contexte où les tarifs des IDEL n'ont pas été revalorisés depuis 2009. Suite à cette manifestation, une réunion a été tenue avec Frédéric Valletoux qui avait expliqué l'impossibilité d'entamer des négociations tarifaires immédiates, invoquant des contraintes budgétaires et la nécessité de revoir les compétences infirmières avant toute revalorisation salariale. C’est dans ce contexte qu’interviennent les annonces du ministre dans son interview.

« J'ai pleinement conscience du malaise de la profession. Le métier d'infirmier doit être mieux reconnu. » F. Valletoux dans la Tribune

Le ministre a annoncé son intention de réviser la législation afin d'enrichir et de préciser les compétences des infirmiers, d'instaurer une consultation dédiée aux soins infirmiers et de leur accorder le droit de prescrire certains médicaments. « Les infirmiers doivent pouvoir assurer le suivi de maladies chroniques, par exemple un diabète, prolonger des ordonnances... Cela devra se faire en lien avec le médecin traitant mais avec une autonomie supplémentaire et une confiance renouvelée » a précisé Frédéric Valletoux.

Concernant les infirmiers de pratique avancée (IPA), le ministre a reconnu que le statut, établi en 2018, n'était pas encore pleinement opérationnel. Il s'est engagé à accélérer la publication des décrets nécessaires pour que toutes les mesures applicables soient effectives avant l'été. De plus, il compte « donner du contenu » au statut d'infirmier référent, une mesure votée l'année précédente, marquant ainsi une étape majeure dans la reconnaissance de cette profession. Parallèlement, face aux incompréhensions fréquentes des infirmiers vis-à-vis des méthodes de contrôle de l'Assurance maladie, il a initié la création d'un groupe de travail destiné à clarifier ces procédures et à faciliter la communication.

Les annonces du ministre :

  • Réforme de la définition du métier d'infirmier : Le ministre souhaite moderniser la définition des tâches des infirmiers, actuellement basée sur un décret vieux de vingt ans, en élargissant et clarifiant leurs compétences.
  • Création de la consultation en soins infirmiers : Il est proposé d'introduire une consultation propre aux infirmiers, augmentant leur autonomie dans le suivi des patients.
  • Droit à certaines prescriptions : Les infirmiers pourraient se voir octroyer le droit de prescrire des traitements pour certaines pathologies, notamment les maladies chroniques, afin de prolonger les ordonnances en coordination avec le médecin traitant.
  • Accélération de la mise en œuvre des textes réglementaires : Le ministre a promis de donner un coup d'accélérateur à la publication des décrets nécessaires pour rendre opérationnelles les pratiques avancées des infirmiers.
  • Clarification des procédures de l'Assurance maladie : Un groupe de travail sera établi pour clarifier les méthodes de contrôle de l'Assurance maladie, répondant ainsi aux incompréhensions des infirmiers.

Pour le ministre l'objectif n'est pas de remplacer les médecins, mais de mieux reconnaître le rôle et les compétences de chaque professionnel de santé, afin d'améliorer l'accès aux soins. Il décrit un changement d'état d'esprit parmi les médecins, qui semblent de plus en plus ouverts à la collaboration au sein d'équipes pluridisciplinaires. « Le médecin reste et restera la tour de contrôle du parcours de soins, cela ne changera pas. J'ai entendu les généralistes, ils préfèrent se concentrer sur l'élaboration du diagnostic, l'ajustement des traitements à l'évolution de la maladie, et ils apprécient l'idée de coordonner des équipes. »

L'extension prévue des maisons de santé à travers le territoire d'ici 2027 illustre concrètement cette évolution vers une intégration plus poussée des pratiques collaboratives.

Ces annonces ont été favorablement accueillies par plusieurs syndicats infirmiers sur les réseaux sociaux, témoignant de leur soutien à ces évolutions.

L'accueil est moins favorable pour les syndicats médicaux

Dans un entretien accordé au Quotidien du Médecin, le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France, exprime vivement son mécontentement en qualifiant la situation de « politique de gribouille ». S'il n'est pas opposé à l'extension des compétences des infirmières, il estime que les récentes annonces pourraient « freiner » l'avancement des négociations conventionnelles, actuellement « en panne ». Il pointe également le risque de régulation du parcours de soins.  « Les politiciens sont tous paniqués car on leur reproche que l’accès aux soins ne marche plus. Alors ils prennent tous les expédients les plus évidents pour eux, quitte à déréguler le parcours des soins », ajoute le généraliste en Haute-Vienne.

Le président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel, partage cette frustration. Interviewé également pour le Quotidien du Médecin, il se dit « stupéfait » par ces annonces, considérant que la solution proposée par les infirmières pourrait saper les dynamiques en cours dans les maisons de santé (MSP) et les communautés de santé (CPTS). « Tout ce qui tombe de Paris n’a aucune chance de fonctionner ! Une fois de plus, cela va braquer les médecins généralistes », affirme-t-il avec conviction.

Ces réactions mettent en lumière la capacité de Frédéric Valletoux, que ce soit en tant que député ou ministre de la Santé, à cristalliser les controverses et à accentuer les divisions entre médecins et infirmiers.

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