Valletoux ministre de la Santé : un facteur de controverses et de division

Valletoux ministre de la Santé : un facteur de controverses et de division En prenant les rênes de la Santé, Frédéric Valletoux apporte une expérience riche et diverse, mais également une série de positions qui ont historiquement divisé le monde médical. Entre espoirs d'innovation et craintes de régression, son mandat est attendu au tournant.

Un profil politique

Frédéric Valletoux n'est pas un novice dans le monde de la politique ni dans celui de la santé. Avant d'embrasser la carrière politique, Valletoux a passé une quinzaine d'années en tant que journaliste, couvrant les affaires liées aux collectivités locales et territoriales. Son intérêt pour la politique l'a conduit à Fontainebleau, où il a été élu conseiller municipal en 2001, puis maire en 2005, une position qu'il a maintenue jusqu'en 2022.

Après un échec aux élections législatives et cantonales à la fin des années 2000, il a été élu conseiller régional d'Île-de-France en 2020 et député de la deuxième circonscription de Seine-et-Marne en 2022, affilié à la coalition « Ensemble21 ». Initialement affilié à l'UMP puis aux Républicains, il quitte ce mouvement en 2016 pour se rapprocher de la majorité présidentielle, devenant membre d'Horizons, le parti créé par Edouard Philippe.

Une riche expérience dans la santé

Son engagement dans le secteur de la santé est marqué par son rôle au sein de la Fédération hospitalière de France, où il a d'abord dirigé la section Île-de-France en 2009 avant de devenir le président de la FHF nationale en 2011, poste qu'il a occupé jusqu'en 2022. Cette position lui a permis de se forger une réputation en tant que fervent défenseur des intérêts hospitaliers, y compris le rétablissement de l'obligation de garde. Pour ses détracteurs l’hôpital ne s’est jamais autant dégradé que sous sa présidence.

« Président de la FHF dix années durant l’état de l’hôpital s’est-il amélioré ? NON. Des milliers de lits fermés, des pénuries de personnels, des services en mode dégradés partout, une crise, des urgences aux étages… » Dr Marty UFMLS

Au-delà de son engagement hospitalier, Valletoux s'est fait remarquer sur la scène nationale par son travail législatif en prenant la relève de Thomas Mesnier, non réélu, comme rapporteur d'une proposition de loi visant à faciliter l'accès aux soins pour tous. Cette proposition visait à encourager l'installation de médecins libéraux dans les zones manquant de professionnels de santé, à instaurer une participation obligatoire aux services d'accès aux soins (SAS), à mettre en place des protocoles de soins coordonnés à l'échelle nationale et à créer un statut d'infirmier référent, envisagé comme un nouveau point d'entrée pour les patients dans le système de santé. Cette initiative a été accueillie bien plus favorablement par les infirmiers que par certains médecins. Alors qu'une autre proposition de loi, portée par Stéphanie Rist et visant à renforcer l'accès aux soins en accordant plus de confiance aux professionnels de santé, a provoqué la mobilisation de près de 5 000 médecins en février 2023, Valletoux a retiré la sienne, qualifiée de « PPL de la honte » par certains syndicats médicaux, juste avant son examen. En mars, il en a proposé une nouvelle, axée sur l'amélioration de l'accès aux soins grâce à l'engagement territorial des professionnels de santé, marquant le début d'une série de discussions animées tant au Parlement que dans l'opinion publique, sous la pression des syndicats de médecins libéraux.

Une déclaration de guerre et un cauchemar pour les médecins libéraux

La nomination de Frédéric Valletoux au poste de Ministre délégué de la Santé est perçue par la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) comme une attaque directe contre la médecine libérale. Cette interprétation s'appuie sur les précédentes positions controversées de Valletoux, en particulier durant sa présidence de la Fédération Hospitalière de France, où il a critiqué la médecine libérale, et ses propositions législatives jugées coercitives, dont certaines mesures ont été rejetées suite à l'intervention de la CSMF. Valletoux se trouve donc face au défi considérable de regagner la confiance des médecins libéraux, essentiels à la santé publique en France de par leur rôle majeur dans les consultations et les actes médico-techniques et chirurgicaux. La CSMF marque ainsi son opposition ferme, soulignant l'importance de la collaboration avec les médecins libéraux pour toute réforme future.

« Il n’a eu de cesse de dénigrer la médecine libérale et les généralistes, quand il était à la tête de la Fédération hospitalière de France, les rendant responsables de tous les maux du système de soins », Luc Duquesnel pour lemonde.fr

Le Syndicat des Médecins Libéraux (SML) perçoit en effet la nomination de Frédéric Valletoux comme Ministre Délégué à la Santé comme un « cauchemar ». Cette réaction fait suite à l'opposition ferme du SML à une proposition de loi de Valletoux visant, entre autres, à rétablir l'obligation des gardes pour les médecins. Le SML critique sévèrement Valletoux pour son rôle présumé dans les difficultés rencontrées par les hôpitaux publics et l'accuse d'avoir constamment blâmé la médecine libérale pour les défaillances du système de santé. Le syndicat souligne l'unité de l'ensemble des syndicats de médecins contre Valletoux et le considère comme inapte à revitaliser l'attractivité de la médecine libérale. En plein milieu des négociations conventionnelles, le SML voit dans cette nomination un affront et promet de continuer à se battre, appelant au soutien du public contre ce qu'il considère comme une attaque.

Médecins Pour Demain lance un avertissement cinglant : avec Frédéric Valletoux à la barre de la santé, c'est l'essence même de la médecine libérale qui est en jeu. « Ils ont voulu la fin de la médecine libérale, ils ont choisi Valletoux pour y parvenir. Qui vous soignera demain ? » Cette interrogation, révèle une profonde inquiétude quant à l'orientation prise par la politique de santé actuelle.

Le Dr Jérôme Marty de l'UFML-S dénonce un bilan désastreux à la FHF et une loi controversée sur la médecine de ville, provoquant une mobilisation sans précédent. Marty insiste sur la nécessité de regagner la confiance des médecins, tout en se montrant sceptique sur les intentions du gouvernement en pleines négociations. "L'état de l'hôpital après Valletoux ? Pire. Des lits en moins, des pénuries de personnel, des services en crise. Et maintenant, quel jeu jouent Attal et Macron ?"

Un acceuil plus favorable des professions paramédicales

Les professions paramédicales accueillent positivement la nomination de Frédéric Valletoux , appréciant son soutien en tant que législateur à l'expansion des rôles des paramédicaux et au développement des infirmières de pratique avancée (IPA).

L'Ordre des infirmiers a salué «sa détermination, son écoute et son pragmatisme» lors des discussions sur sa loi concernant l'accès aux soins, voyant en cela un signe de confiance pour les infirmiers. Les syndicats d’IDEL appellent à des réformes ambitieuses.

Les syndicats d'infirmiers libéraux soulignent l'importance de ne pas oublier les professionnels de ville dans l'élaboration des politiques de santé. Ils appellent à des actions concrètes pour valoriser et reconnaître le rôle des infirmiers libéraux (IDEL) face aux défis du système de santé. Insistant sur une politique ambitieuse, les syndicats comme le Sniil et Convergence infirmière réclament une meilleure reconnaissance des IDEL, la mise en place d'un moratoire sur les indus et l'ouverture de négociations conventionnelles transparentes. La Fédération nationale des infirmiers (FNI) demande une évolution de la profession, éloignée des corporatismes médicaux, et l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS) souligne le besoin de renforcer le développement des soins ambulatoires et de réformer le système conventionnel.

La FFMKR, le syndicat principal des kinésithérapeutes, exprime son soutien à la nomination de Frédéric Valletoux comme ministre délégué à la Santé et de Fadila Khattabi aux Solidarités, personnes âgées et handicapées. Soulignant l'écoute dont Valletoux a fait preuve envers les revendications des kinésithérapeutes, notamment en défendant des initiatives clés lors de la discussion du PLFSS pour 2024, la fédération affiche ses espoirs quant à la continuité de cette attention. La FFMKR appelle à des réformes majeures pour améliorer le système de santé, notamment l'accès direct aux kinésithérapeutes sans nécessité d'une prescription médicale, la possibilité pour ces derniers de prescrire de l’activité physique adaptée, et une reconnaissance accrue de la kinésithérapie comme profession médicale. Mettant en avant le rôle crucial des 100 000 kinésithérapeutes face aux défis d'une population vieillissante et aux enjeux des maladies chroniques, la Fédération insiste sur l'importance de la confiance et de l'engagement des autorités pour permettre aux kinésithérapeutes de déployer pleinement leurs compétences et d'assurer une qualité de service optimale aux usagers.

La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) espère que Valletoux s'attaquera « sans tarder aux inégalités » de financement entre les cliniques privées et publiques. De son côté, la FHF, maintenant dirigée par Arnaud Robinet, a rappelé à son ancien président les déficits alarmants des hôpitaux publics, potentiellement de 2 à 3 milliards d'euros pour 2023, et attend des décisions importantes, comme une compensation d'inflation de 1 milliard d'euros pour l'année en cours.

Un moment clé pour le système de santé

La nomination de Frédéric Valletoux comme Ministre délégué à la Santé représente un moment charnière pour le système de santé français, marqué par des attentes divergentes et des défis considérables. Entre les critiques des médecins libéraux, qui le perçoivent comme une menace pour leur exercice, et l'accueil positif des professions paramédicales, espérant une valorisation et une reconnaissance accrues, Valletoux incarne une figure de proue autour de laquelle gravitent espoirs de réforme et craintes de statu quo. Son parcours, riche et complexe, soulève autant de questions qu'il propose de réponses, faisant de lui un acteur clé dont les actions futures seront déterminantes pour l'avenir de la santé en France. Dans ce contexte, la capacité de Valletoux à concilier les intérêts variés des acteurs du système de santé, tout en pilotant des réformes efficaces et inclusives, sera essentielle pour naviguer dans les eaux tumultueuses de la santé publique française.

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