Déficit de la Sécu à 22,1 milliards : réévaluation des ALD et déremboursement des médicaments à faible SMR en débat

Déficit de la Sécu à 22,1 milliards : réévaluation des ALD et déremboursement des médicaments à faible SMR en débat En 2025, la Sécurité sociale française devrait enregistrer un déficit de 22,1 milliards d’euros, selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) adopté le 17 février 2025. Ce creusement, après un déficit de 15,3 milliards en 2024, alarme la Cour des comptes, qui évoque une trajectoire « hors de contrôle » et un risque de « crise de liquidité » dès 2027. Alors que le gouvernement explore des pistes d’économies, notamment sur les affections de longue durée (ALD) et le déremboursement de certains médicaments, ces propositions suscitent des débats dans un contexte politique tendu.

Une dérive financière préoccupante

Le déficit de 2024, initialement prévu à 10,5 milliards d’euros, a atteint 15,3 milliards, selon les chiffres de mars 2025. Cette aggravation résulte d’une croissance économique faible (0,7 % prévue en 2025) et de recettes fiscales et sociales en berne. Les dépenses, elles, croissent, tirées par la branche maladie (13,8 milliards de déficit en 2024) et la branche vieillesse, impactée par la revalorisation des pensions ( 2,2 % en 2025) et des « petites pensions » pour 1,8 million de bénéficiaires. En 2025, le déficit prévu de 22,1 milliards pourrait s’aggraver, les hypothèses de recettes étant jugées trop optimistes par la Cour des comptes. Sans réformes, il pourrait atteindre 24,1 milliards en 2028, voire 24,8 milliards en 2029, selon un rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS).

Un système de financement sous tension

Depuis 2024, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ne peut plus absorber les nouveaux déficits, ayant atteint sa limite légale. L’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) prend le relais, avec une dette prévue de 41 milliards d’euros en 2025, potentiellement triplée d’ici 2028. Limitée à des emprunts à court terme (24 mois), l’Acoss risque de se heurter à un marché financier saturé. La Cour des comptes avertit qu’un endettement annuel supérieur à 70 milliards d’euros dès 2027 pourrait compromettre le paiement des pensions et autres prestations, comme lors de la crise de liquidité de 2020 liée au Covid-19.

Des pistes d’économies controversées

Le PLFSS 2025 inclut des mesures comme le report de la revalorisation des retraites à juillet (4 milliards d’euros d’économies) et une lutte renforcée contre la fraude sociale. Cependant, des propositions comme le déremboursement partiel des consultations médicales (900 millions d’euros) ont été abandonnées face aux oppositions. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) a été relevé à 3,3 % pour 2025, injectant un milliard d’euros pour les hôpitaux, limitant les marges d’économie.

Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a ouvert deux chantiers sensibles. Premièrement, il envisage de dérembourser les médicaments à faible service médical rendu (SMR), remboursés à 15 %, qualifiés de « médicaments de confort ». Lors d’une intervention sur LCP le 2 juin 2025, il a souligné leur faible efficacité, plaidant pour privilégier les traitements à SMR élevé (remboursés à 65 % ou 100 %). Cette piste, étudiée par le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie (Hcaam), pourrait réduire les dépenses, mais reste politiquement explosive, comme l’a montré la chute du gouvernement Barnier en 2024 après une proposition similaire.

Deuxièmement, Neuder propose de réformer la prise en charge des affections de longue durée (ALD), qui concernent 20 % de la population et coûtent plus de 12 milliards d’euros par an. Il suggère de réévaluer le statut ALD pour les patients en rémission complète (ex. : cancers, pathologies cardiovasculaires), avec une possible suspension réversible en cas de récidive. Il pointe également l’inclusion systématique de médicaments non liés à l’ALD dans les remboursements à 100 % et propose de limiter la prise en charge des transports sanitaires, encourageant, par exemple, les diabétiques à utiliser leur voiture personnelle. Selon un rapport des inspections des finances et des affaires sociales, ces ajustements pourraient générer entre 850 millions et 3,4 milliards d’euros d’économies d’ici 2027, mais risquent de transférer des coûts aux assurés et de susciter l’opposition des associations de patients.

Un dialogue pour un retour à l’équilibre d’ici 2029

Le 3 juin 2025, la CCSS s’est réunie à Bercy avec parlementaires, partenaires sociaux et ministres, dont Amélie de Montchalin (Comptes publics) et Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarités), pour identifier des « leviers » de redressement avant 2029. Le Premier ministre François Bayrou, qui n’écarte aucune piste, y compris une « TVA sociale » critiquée par la gauche et le Rassemblement national, a promis un plan de retour à l’équilibre début juillet 2025. Marylise Léon (CFDT) a appelé à des solutions innovantes face aux défis démographiques et climatiques, rejetant les « vieilles recettes ».

Un modèle social à préserver

Le creusement du déficit, exacerbé par le vieillissement de la population, l’inflation et les besoins croissants du système de santé, menace la pérennité du modèle social français. La Cour des comptes insiste sur des réformes structurelles, comme prolonger la Cades au-delà de 2033 ou lui attribuer de nouvelles ressources, mais ces options nécessitent des votes législatifs complexes dans une Assemblée sans majorité claire. Les réformes des ALD et des médicaments, bien que prometteuses, risquent de « dénaturer » le système et de heurter les assurés, rendant leur adoption délicate.

 

Sources : Rapport de la Cour des comptes (26/05/2025), L’Express (03/06/2025), Les Échos (04/06/2025), Le Figaro (03/06/2025), Le Parisien (16/02/2025), France Info (26/05/2025), Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités (17/03/2025).

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