Taxe lapin, permanence des soins, médecin traitant : Gabriel Attal avance en franc tireur dans les déserts médicaux

Taxe lapin, permanence des soins, médecin traitant : Gabriel Attal avance en franc tireur dans les déserts médicaux Face à l'aggravation des déserts médicaux et aux difficultés croissantes d'accès aux soins, le gouvernement français, sous la houlette du Premier ministre Gabriel Attal, dévoile une série de mesures visant à optimiser la répartition des soins sur le territoire. Des mesures prises sans concertation avec les syndicats et au mépris des négociations conventionnelles qui entraient pourtant dans leur dernière ligne droite. 

La stratégie d'Attal : entre bonus et « taxe lapin »

L'objectif affiché est ambitieux : récupérer l'équivalent de 15 à 20 millions de rendez-vous médicaux annuellement, afin d'assurer à chaque Français un accès à un médecin de garde à moins de trente minutes de son domicile. Pour les atteindre, le gouvernement mise sur un système d'incitations plutôt que sur des mesures contraignantes. Ainsi, un « bonus » serait attribué aux médecins volontaires pour effectuer des gardes au-delà de leur périmètre habituel ou pour augmenter leur fréquence de garde. Cette initiative s'inscrit dans une volonté de promouvoir la solidarité territoriale, bien que les détails de sa mise en œuvre restent à préciser.

Parallèlement, une mesure phare annoncée est l'introduction d'une « taxe lapin ». Cette sanction financière de 5 euros serait appliquée aux patients annulant leur rendez-vous moins de 24 heures à l'avance, une pratique estimée causer la perte de millions de créneaux de consultation chaque année. Cette pénalité, directement reversée aux médecins, vise à valoriser le temps médical et à responsabiliser les usagers du système de santé.

Les modalités pratiques de la taxe lapin restent à définir

Les ministres de la Santé, Catherine Vautrin et Frédéric Valletoux, ont tenté de clarifier la situation en indiquant que l'empreinte bancaire, déjà utilisée dans certains secteurs, pourrait être une solution. Ce système permettrait de bloquer temporairement la somme sur le compte bancaire du patient lors de la prise de rendez-vous en ligne, une pratique déjà en place pour les téléconsultations sur des plateformes comme Doctolib.

Toutefois, cette proposition suscite des inquiétudes quant à l'accessibilité aux soins, certains patients pouvant être réticents à l'idée de fournir leurs coordonnées bancaires, sans compter ceux ne possédant pas de carte bleue.
La question se pose également pour les médecins qui n'utilisent pas de plateforme de réservation en ligne. En 2022, une majorité de généralistes ne recouraient pas à ces services, ce qui soulève le défi de trouver des alternatives pour ces professionnels déjà souvent surchargés.

Jérôme Marty, président de l'UFML-Syndicat, évoque dans le Parisien la possibilité que l'Assurance maladie prélève directement la somme sur le rendez-vous suivant du patient, à condition que le médecin puisse attester de l'absence d'annulation dans les délais. Cette solution, bien que pragmatique, nécessiterait une base juridique solide pour être mise en place.

Dans un communiqué l’UFMLS reste sceptique : « Si nous nous satisfaisons de la mise en place d’une pénalisation des patients qui font preuve d’incivisme en volant des rendez-vous à d’autres patients qui en auraient besoin, nous nous étonnons cependant de la méthode qui consisterait à ce que les sommes soient prélevées par les plates-formes de rendez-vous dans un système équivalent à celui des « no-show » pratiqué par les hôtels. La médecine n’est pas un commerce et les patients ne doivent pas faire une avance de frais aux plates-forme de rendez-vous. »

Élargissement de la permanence des soins et accès direct aux spécialistes

Dans un effort complémentaire pour pallier le manque de praticiens disponibles, le gouvernement envisage d'élargir la permanence de soins à d'autres professionnels de santé tels que les infirmiers, sages-femmes, et dentistes. Cette approche multidisciplinaire devrait permettre une meilleure répartition des tâches et une optimisation des ressources disponibles.

En parallèle, l'exécutif prévoit l'expérimentation d'un accès direct à certains médecins spécialistes, ainsi qu'à des professionnels paramédicaux, sans nécessité de passer préalablement par un médecin traitant. Cette proposition, qui s'inscrit dans la continuité de réformes antérieures, suscite cependant des inquiétudes au sein de la profession médicale quant à son impact potentiel sur la qualité des soins et la gestion des files d'attente.

Les syndicats de médecins se sentent agressés

La présidente de MG France, Agnès Giannotti, a exprimé son mécontentement dans Le Parisien, lundi : « C'est clairement une attaque contre notre rôle dans le système de soins, avec une dérégulation qui ne va profiter qu'aux gens riches, peu malades et qui connaissent le système ». Cette prise de position fait écho à un sentiment de frustration parmi les professionnels de santé qui jugent que les récentes annonces du gouvernement ont été faites sans concertation, alors que les négociations avec l'Assurance maladie pour renouveler leur convention pour les cinq prochaines années sont sur le point de s‘achever. L'objectif des discussions était d'augmenter la rémunération des médecins en échange de leur engagement à améliorer l'accès aux soins.

Agnès Giannotti critique fortement l'approche du gouvernement, soulignant qu'elle détruirait les efforts pour établir « un système cohérent, basé sur le rôle central du médecin traitant », que Matignon semble vouloir « rayer d'un coup de plume ».

« Les mesures présentées par Gabriel Attal relèvent davantage de l’affichage politique que de solutions réelles, notamment car elles ne répondent en rien aux besoins formulés par les médecins généralistes en termes de soutien et de simplification de l’exercice. », Dr Raphaël Dachicourt, président de ReAGJIR.


Le syndicat FMF s'est également interrogé sur les répercussions de ces annonces sur la négociation conventionnelle en cours, se demandant si « Le Premier ministre a-t-il tué la négociation conventionnelle ? », tout en déplorant un changement radical par rapport à la politique de parcours de soins mise en œuvre depuis plus de deux décennies.
Franck Devulder de la CSMF a ajouté à la critique en partageant sa surprise face à l'absence de communication sur ces mesures lors de ses rencontres récentes avec le directeur de l'Assurance maladie et le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux. « Cerise sur le gâteau, on n'était pas au courant », a-t-il déclaré, laissant entendre avec ironie que peut-être les responsables eux-mêmes n'étaient « pas plus au courant que moi ».

« Globalement, nous assistons à une dérégulation complète : tous les efforts et travaux faits ces 15 dernières années pour placer le médecin généraliste comme pivot du parcours du patient sont en train d’être réduits à néant au profit d’un accès direct aux autres professionnels de santé comme les kiné et les médecins spécialistes qui restent par ailleurs contraints par des délais d’attente très importants.

Ainsi en deux semaines, le gouvernement a réussi à parachever la logique de disqualification de la communauté médicale dans son ensemble, aboutissant à une situation bloquée qui ne pourra être que délétère à la prise en charge des patients.» Jeunes Médecins


La démarche du gouvernement dans la réforme du système de santé s'apparente davantage à un exercice de style qu'à une politique sanitaire pensée pour répondre aux urgences actuelles. En s'éloignant du modèle du médecin traitant, qui a fait ses preuves, pour flirter avec des mesures populistes et non concertées, le Premier ministre et son équipe semblent jouer à l'apprenti sorcier avec la santé des Français. En faisant fi de la concertation avec les acteurs de terrain, le gouvernement ne montre pas seulement un manque de respect envers ces derniers, mais aussi un dangereux dédain pour les principes de la médecine de proximité, pierre angulaire d'un système de santé équitable et efficace. Cette fuite en avant, sous couvert de modernisation, pourrait bien se transformer en marche arrière pour l'accès et la qualité des soins de millions de personnes. Les annonces récentes, faites avec une légèreté déconcertante, témoignent d'une vision du soin fragmentée et d'un manque criant de considération pour ceux qui le dispensent au quotidien. Au final, ce sont les patients qui paieront le prix de ces expérimentations hasardeuses, dans un système déjà à bout de souffle.

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1 réaction(s) à l'article Taxe lapin, permanence des soins, médecin traitant : Gabriel Attal avance en franc tireur dans les déserts médicaux

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    JEAN DOREMIEUX| 11/04/2024- REPONDRE

    Le débordement des CHUS et autres hôpitaux tient à l'appauvrissement des unités situées loin de tout. Solution ? Créer des unités de huit médecins dans les déserts médicaux, leur attribuer le droit de pratiquer des actes plus nombreux en même temps, réinstaurer les médecins propharmaciens qui gèreraient les achats de médicaments et appareils à l'étranger, qui distribueraient par pilules et non par boites de 20 les 40 médicaments les plus efficaces. Economiser sur les transports si presque tout peut se faire dans les unités des anciens déserts médicaux: prises de sang simples traitées par des appareils automatiques, avoir un appareil de radio pour les lésions du membre supérieur, avoir un échographe pour de nombreux cas abdominaux. Tout cela ferait faire des économies à l'Assurance, des économies d'attentes aux patients, des économies les entreprises. Augmenter par les additions d’actes sans dépenser un sou tout en économisant sur les transports et gagner en mortalité sur quelques cas urgents.

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