Franchises, ALD, hôpitaux : les mesures du projet de budget 2026 décryptées pour les soignants
Visant à réduire le déficit public de 43,8 milliards d’euros pour ramener le déficit à 4,6 % du PIB, ce plan inclut 5 milliards d’euros d’économies dans la santé, avec des mesures controversées comme le doublement des franchises médicales et la réforme des affections de longue durée (ALD).
Ces mesures, présentées sous le principe de « responsabilisation » des patients, suscitent une forte opposition des professionnels de la santé et des syndicats, qui craignent une dégradation des conditions de travail et de l’accès aux soins.
Contexte budgétaire et objectifs du gouvernement
Le budget 2026 s’inscrit dans un effort global pour maîtriser une dette publique qualifiée par Bayrou de « piège mortel ». Lors de sa conférence de presse du 15 juillet 2025, il a souligné que, sans action, les dépenses pour rembourser la dette atteindraient 100 milliards d’euros d’ici 2029, dépassant tous les autres postes budgétaires.
Pour le secteur de la santé, le gouvernement prévoit une limitation stricte de la croissance des dépenses, fixée à 0,4 % en volume (hors inflation), via l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam). Cela contraste avec une augmentation prévue de 10 milliards d’euros si aucune mesure n’était prise, selon FranceInfo.
Les principales mesures incluent :
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Doublement des franchises médicales : Le plafond passe de 50 à 100 euros, avec des coûts par boîte de médicament rendus plus visibles, payés directement en pharmacie.
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Réforme des ALD : Sortie des patients des ALD lorsque non justifiée et limitation des remboursements à 100 % aux médicaments liés à la pathologie.
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Responsabilisation des patients : Réduction de la consommation d’antibiotiques (deux fois plus élevée en France qu’en Allemagne) et promotion de la vaccination, avec 75 % des patients en réanimation pour grippe non vaccinés, selon Bayrou.
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Efficacité hospitalière : Développement de la médecine ambulatoire et achats plus vertueux pour réduire les coûts.
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Dossier médical partagé obligatoire : Soutenu par l’intelligence artificielle pour améliorer diagnostics et prévention.
Ces mesures visent à freiner les dépenses tout en encourageant une utilisation plus « responsable » des services de santé. Cependant, elles soulèvent des inquiétudes parmi les professionnels, notamment sur leur faisabilité et leurs conséquences.
Impacts sur les professionnels de la santé
Pour les médecins, infirmiers, pharmaciens et autres soignants, le budget 2026 risque d’aggraver des tensions existantes dans un secteur déjà sous pression après des années d’austérité. Voici les impacts principaux :
- Charge administrative accrue : La réforme des ALD et le doublement des franchises nécessiteront des vérifications supplémentaires pour justifier les prises en charge, augmentant la paperasserie pour les médecins. Par exemple, la sortie des patients des ALD impliquera des évaluations complexes, comme le note la Fédération hospitalière de France dans La Croix.
- Tensions avec les patients : L’augmentation des coûts, via les franchises, pourrait pousser certains patients à reporter leurs soins ou à contester les prescriptions, compliquant les relations médecin-patient. Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers, a exprimé dans SudOuest son inquiétude face à une austérité qui « met en péril la qualité des soins ».
- Conditions de travail dégradées : Les syndicats, comme la CFTC Santé Sociaux, dénoncent une menace sur les effectifs et les budgets hospitaliers, déjà fragilisés par des décennies de restrictions. Leur communiqué site CFTC souligne que les agents de santé ne devraient pas « payer pour une situation financière qu’ils n’ont pas créée ».
- Pressions sur les arrêts maladie : La suppression de l’avis médical après 30 jours d’arrêt maladie pourrait placer les médecins dans une position délicate, devant arbitrer entre santé et pressions économiques, comme l’a critiqué la CGT dans L’Humanité.
La responsabilisation des patients, une régression ?
Le concept de « responsabilisation » des patients, pierre angulaire du budget 2026, est présenté comme une solution pour réduire les abus et optimiser les ressources. Cependant, il suscite une vive opposition, notamment de la part des professionnels de la santé, qui y voient une approche inéquitable et inefficace. Les critiques portent notamment sur :
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Culpabilisation des patients : Le Dr Jérôme Marty, président du syndicat UFML, a vivement critiqué cette approche sur X, déclarant : « Il faut « RESPONSABILISER LES PATIENTS » Je ne savais pas que l’on choisissait d’être malade… Que l’on « responsabilise les Français » pas de problème… Mais dire « responsabiliser les patients » ça pue , c’est faire porter sur les épaules du patient la culpabilisation de sa maladie. C’est INACCEPTABLE ! ». Cette remarque souligne que la responsabilisation blâme les patients pour des problèmes systémiques, comme le manque de moyens ou l’organisation inefficace du système de santé.
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Inégalités d’accès aux soins : La CFDT, par la voix de son secrétaire général, a dénoncé une politique qui « appauvrit les plus fragiles » FranceInfo. Le doublement des franchises risque de dissuader les patients à faible revenu de consulter, aggravant les inégalités. Les patients en ALD, particulièrement vulnérables, pourraient perdre des prises en charge essentielles, comme l’a souligné France Assos Santé dans La Croix.
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Paradoxe avec la prévention : Bayrou insiste sur la prévention, notamment via la vaccination et la réduction des antibiotiques. Cependant, comme le note la Fédération hospitalière de France, augmenter les coûts pour les patients peut décourager les consultations préventives, contredisant cet objectif. « C’est un non-sens de parler de prévention tout en rendant les soins plus chers », a déclaré un représentant dans La Croix.
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Impact sur la relation soignant-patient : Franck Devulder, président de la CSMF, a exprimé dans SudOuest son inquiétude face à des mesures qui « compliquent les relations avec les patients ». Les franchises accrues et les réformes des ALD pourraient engendrer des tensions, les patients pouvant percevoir les professionnels comme des obstacles à l’accès aux soins.
- Arnaud Goulliart, délégué général de la Fédération française pour les liens sociaux, va plus loin dans sa critique : selon lui, ce discours de responsabilisation masque une logique de culpabilisation, qui « inverse le sens même de la solidarité » en faisant porter au malade la responsabilité des dérives systémiques. Il dénonce un « glissement rhétorique » qui affaiblit la responsabilité des prescripteurs au profit d’un tri moralisateur des patients
La responsabilisation des patients, bien qu’elle vise à rationaliser les dépenses, risque de transférer le fardeau financier sur les plus vulnérables, de compliquer le travail des soignants et de compromettre l’universalité du système de santé français.
« Ce n’est pas une simple mesure technique. C’est une régression politique, éthique et sociale. » Arnaud Goulliart
Les syndicats dénoncent l'austérité
Les syndicats et associations du secteur de la santé ont réagi avec force aux annonces de Bayrou :
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CFTC Santé Sociaux : Dans un communiqué, la CFTC a appelé à protéger les effectifs et les ressources, dénonçant une austérité qui sacrifie le secteur social site CFTC.
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CGT : Sophie Binet, secrétaire générale, a qualifié le budget de « déclaration de guerre aux droits sociaux », appelant à une mobilisation massive dès la rentrée L’Humanité. Des manifestations sont prévues pour contrer ce qu’ils appellent une « récession programmée ».
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CFDT et autres syndicats : La CFDT a critiqué l’appauvrissement des plus fragiles, tandis que la Fédération nationale des infirmiers et d’autres organisations préparent une « rentrée explosive », selon FranceBleu.
Ces réactions témoignent d’une mobilisation croissante face à un budget perçu comme une menace pour le système de santé.
Une énième approche comptable du soin
Le projet de budget 2026, avec ses 5 milliards d’euros d’économies dans la santé, place les professionnels dans une position difficile, entre charges administratives accrues, tensions avec les patients et conditions de travail dégradées. La « responsabilisation » des patients, bien que présentée comme une solution d’efficacité, est largement critiquée pour son caractère inéquitable et ses risques pour l’accès aux soins. Des voix comme celle du Dr Jérôme Marty, de la CFDT et de France Assos Santé soulignent que blâmer les patients ne résout pas les failles du système.
Comme le résume Arnaud Goulliart, cette politique ne relève pas de la responsabilisation, mais bien d’une culpabilisation des malades, traduisant un basculement de la solidarité vers une approche comptable du soin. Un constat partagé par de nombreux professionnels qui appellent à réaffirmer les principes fondateurs de la Sécurité sociale.
Face à ces mesures, les syndicats et professionnels préparent une mobilisation d’ampleur, dans un contexte où la santé publique risque d’être fragilisée.
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