Prescription vaccinale : 130 000 jeunes infirmiers exclus d’une réforme historique

Prescription vaccinale : 130 000 jeunes infirmiers exclus d’une réforme historique Alors que le décret d’août 2023 ouvre la prescription vaccinale aux infirmiers, l'absence d'intégration dans la formation initiale bloque son application. Entre 2024 et 2028, quelque 130 000 jeunes professionnels sortiront diplômés sans cette compétence. Une incohérence qui freine la prévention vaccinale et frustre une profession en quête de reconnaissance.

Une réforme historique, mais inopérante sur le terrain

Depuis le 8 août 2023, les infirmiers sont autorisés à prescrire l’ensemble des vaccins du calendrier vaccinal pour les personnes de plus de 11 ans. Cette mesure, saluée par les syndicats, vise à renforcer la prévention en s'appuyant sur les professionnels de santé les plus présents sur le territoire.

Mais cette avancée réglementaire est freinée par une faille organisationnelle : la formation complémentaire de 10h30, indispensable pour exercer ce droit, ne sera intégrée dans le cursus initial des IFSI qu’à partir de septembre 2026. La première promotion pleinement habilitée à prescrire ne sortira donc qu’en 2029. En attendant, cinq promotions successives — soit environ 130 000 infirmiers — devront suivre cette formation à leurs frais, une fois en poste.

« Pour un pays qui prétend renforcer la prévention, ne pas intégrer 10h30 de formation dans un programme de 4 600 heures est révélateur d’un manque d’ambition pour la santé publique », dénonce Thierry Amouroux, porte-parole du SNPI. « Nous agissons pour faire changer une situation inadmissible, au regard des besoins de santé de la population. »

Une opportunité manquée pour la couverture vaccinale

Avec plus de 640 000 infirmiers en activité, la mesure pourrait considérablement améliorer l’accès à la vaccination, en particulier dans les zones sous-dotées. En 2023, seuls 34 % des Français ont été vaccinés contre la grippe saisonnière, loin de l’objectif de 75 % fixé pour les populations à risque.

« Un échange lors d’un soin, une prescription, une injection : c’est un circuit court qui sauve des vies », souligne Nicolas Milleville, président du Conseil régional de l’Ordre des infirmiers des Hauts-de-France.

Pour Emmanuel Hardy, président du syndicat UNIPA, « c’est ubuesque au regard de la couverture vaccinale actuelle » que de priver les jeunes diplômés de cette compétence.

Des infirmiers frustrés, un système à la traîne

Sur LinkedIn, les réactions reflètent l’exaspération des professionnels. « Quelle honte », lance Laurence Hivy, infirmière de nuit, tandis que Sophie Sirop, infirmière libérale, ironise : « C’est tellement n’importe quoi qu’il vaut mieux en rire, de désespoir ! » Catherine Destrez, cadre paramédical retraitée, pointe un problème systémique : « Avec des ministres de la Santé successifs sans projet construit, comment s’étonner d’une telle incohérence ? »

Ce n’est pas un cas isolé. Depuis 2018, l’éducation thérapeutique du patient (ETP) nécessite une formation de 40 heures, absente des IFSI. Résultat : chaque année, 25 000 diplômés sortent sans cette qualification, limitant leur rôle dans l’accompagnement des maladies chroniques.

Des solutions à portée de main

Face à ce constat, des solutions émergent. Valentine Schaer, infirmière en santé au travail, propose que l’Ordre des infirmiers offre une formation gratuite à tous les inscrits. Emilie Cartel, infirmière libérale, plaide pour une refonte des IFSI, intégrant la prescription infirmière et les bilans de prévention dès la formation initiale. Certains IFSI, comme le note Yann Le Faou, coordinateur de projets en santé, ont déjà adapté leurs programmes, montrant que des marges d’autonomie existent.

Mais des tensions subsistent. Xavier Vin, infirmier libéral, critique la concurrence des pharmaciens, autorisés à vacciner sans formation équivalente : « Je préfère me faire vacciner par un infirmier, dont c’est le métier, plutôt que par un commerçant. » Cette rivalité interprofessionnelle complique le débat, tout comme les rares voix, comme celle de Dominique Jaulmes, qui questionnent la formation sur les effets secondaires des vaccins.

Un plan national de formation transitoire

La prescription vaccinale est une opportunité pour renforcer la prévention et valoriser l’expertise infirmière. Mais sans action rapide, elle restera lettre morte pour des milliers de soignants. Le SNPI et d’autres syndicats appellent à un plan national de formation transitoire, financé par l’État, pour équiper les diplômés d’ici 2026. L’Ordre des infirmiers pourrait coordonner des modules en ligne gratuits, tandis que les IFSI doivent accélérer l’adaptation de leurs programmes.

« Il ne s’agit pas d’un manque de moyens, mais d’un déficit de volonté politique », conclut Thierry Amouroux. Pour les patients, les soignants, et un système de santé en quête d’efficacité, l’heure est à la réactivité. Car attendre 2029, c’est priver la France d’une prévention plus forte, plus proche, plus humaine.

Sources : Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), Ordre national des infirmiers, réactions LinkedIn du fil de Thierry Amouroux (14-15 mai 2025).

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