Loi infirmière 2025 : une nouvelle ère pour les IDEL ?

Loi infirmière 2025 : une nouvelle ère pour les IDEL ? Adoptée le 19 juin, la loi infirmière introduit des consultations et diagnostics spécifiques pour les infirmiers libéraux, ainsi qu’un droit de prescription limité. Une réforme saluée mais qui soulève de nombreuses interrogations.

De nouvelles missions pour les IDEL : une autonomie en construction

La loi infirmière 2025 offre aux 130 000 infirmiers libéraux (IDEL) de France des prérogatives inédites. Ils peuvent désormais mener des « consultations infirmières », un concept encore imprécis mais désormais reconnu juridiquement grâce à l’article 1er de la loi n°2025-585, qui l’exclut du champ de l’exercice illégal de la médecine sous conditions définies par décret. Cette disposition sécurise juridiquement une pratique déjà existante dans certaines structures.

Le « diagnostic infirmier » leur donne aussi la possibilité d’évaluer les besoins des patients et de proposer des plans de soins. Enfin, un droit de prescription limité leur est accordé pour certains produits de santé et examens, sur une liste arrêtée par le ministère, après avis de la HAS et de l’Académie de médecine. En l’absence de réponse sous trois mois, l’avis est réputé favorable.

Les incertitudes sont nombreuses. Quelle formation pour accompagner ces nouvelles missions ? Quelle portée réelle pour ces prescriptions ? Et surtout, quelle compensation financière ? « Si c’est pour faire plus avec les mêmes honoraires, ça ne tiendra pas », avertit un message relayé par le Collectif Infirmiers Libéraux en Colère (CILEC).

Un rempart contre les déserts médicaux

D’après la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI), 70 % des IDEL exercent dans des zones sous-dotées. Leur rôle dans la couverture territoriale est donc essentiel. Lors d’un colloque organisé au Sénat le 23 juin sous l’égide d’Anne-Sophie Romagny et du CILEC, leur contribution à la lutte contre les déserts médicaux a été mise en avant. Dans des départements comme la Creuse ou le Lot, les IDEL sont souvent les seuls à assurer le suivi des soins, y compris pour des pathologies complexes.

La réforme s’inspire de modèles comme celui du Canada, où les infirmiers libéraux peuvent prescrire et gérer des cliniques communautaires.

Mais plusieurs obstacles subsistent : des indemnités kilométriques gelées depuis 2012 malgré la hausse des prix du carburant, et une intégration inégale dans les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), qui freine la coordination. Sur ce point, l’article 8 de la loi apporte une clarification bienvenue avec la définition nationale de l’agglomération, destinée à sécuriser la facturation des IK.

Les négociations conventionnelles : un test décisif dans un contexte budgétaire contraint

Entamées début juillet 2025 avec l’Assurance maladie, les négociations conventionnelles représentent une étape clé. Elles interviennent dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, marqué par les restrictions annoncées dans le cadre du PLFSS 2025 et la volonté gouvernementale de contenir les dépenses de santé. Après 16 ans sans revalorisation significative, les IDEL réclament des tarifs en phase avec l’évolution de leurs missions. La loi prévoit explicitement l’ouverture de ces négociations, en lien avec les nouvelles compétences, la pénibilité du métier et la diversité des lieux d’exercice.

Le CILEC, la FNI et le Sniil dénoncent une tarification obsolète face à la complexité croissante des soins.

Convergence Infirmière, de son côté, appelle à des mesures fortes et à une refonte du cadre conventionnel. Dans son communiqué du 7 juillet, le syndicat critique un gel prolongé des tarifs (lettre-clé AMI figée depuis 2009, IFD revalorisée de 25 centimes seulement depuis 2012) et alerte sur l’impact économique des baisses tarifaires récentes, notamment sur les perfusions. Il réclame une revalorisation immédiate des actes, une nomenclature modernisée, ainsi qu’une reconnaissance pleine et entière du rôle propre infirmier, à travers la consultation infirmière notamment.

Des marges de manœuvre existent, souligne-t-il, en s’appuyant sur une étude du cabinet Médian Conseil : un ulcère de jambe pris en charge en HAD coûte 6 015 € par mois contre 553 € en ville par une IDEL. Pour le syndicat, ces écarts illustrent les économies possibles en ville si la profession est mieux soutenue.

Selon des informations largement relayées sur les réseaux sociaux, l’enveloppe budgétaire allouée à ces négociations serait de 500 millions d’euros sur cinq ans. Ce montant est jugé largement insuffisant au regard des attentes accumulées depuis 2009. Des voix alertent également sur le fait qu’un infirmier sur deux envisagerait de quitter le libéral d’ici cinq ans si la situation économique ne s’améliore pas.

Des appels à un déconventionnement collectif circulent déjà sur X en cas d’échec des discussions. Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2025, attendu à l’automne, sera également décisif.

Vers une révolution ou une déception ?

La loi infirmière 2025 pourrait réorganiser en profondeur les parcours de soins. En valorisant les compétences des IDEL, elle peut contribuer à désengorger les cabinets médicaux, à renforcer la prévention, et à élargir l’accès aux soins. L’essor de la télésanté et la généralisation de l’e-carte Vitale depuis mars 2025 offrent un soutien technologique bienvenu.

Elle consacre également, pour la première fois, la reconnaissance législative des sciences infirmières et crée un cadre pour leur développement universitaire et la recherche en soins. L’infirmier coordonnateur (IDEC) est enfin reconnu dans le Code de l’action sociale. L’article 6 autorise en outre une expérimentation dans cinq départements, permettant aux IDEL de réaliser des actes hors de leur rôle propre sous certaines conditions.

Mais la réussite de la réforme repose sur plusieurs leviers : investissements financiers, formation, clarté des missions, et dialogue avec la profession. Nombreux sont ceux qui expriment le souhait de participer activement à cette transformation, et non de la subir dans des conditions dégradées.

Le Conseil national de l’Ordre des infirmiers se félicite de cette reconnaissance législative mais appelle à la publication rapide des décrets d’application, sans lesquels les avancées resteront lettre morte.

Les prochaines semaines, entre arbitrages budgétaires et textes d’application, détermineront si cette loi ouvre réellement une nouvelle ère pour les IDEL, ou si elle restera une réforme inaboutie.

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