Remises sur les génériques : les officines en lutte pour leur survie économique
Pourquoi le gouvernement impose ce plafond
La décision de réduire les remises commerciales sur les médicaments génériques de 40 % à 30 % et sur les biosimilaires à 15 %, annoncée par Matignon le 16 juillet 2025, s’inscrit dans une volonté de juguler le déficit de l’Assurance maladie. Selon le ministre de la Santé, Yannick Neuder, cette mesure répond à l’avis du comité d’alerte de l’ONDAM du 18 juin 2025, qui a pointé la nécessité d’économies dans les dépenses de santé. Les remises, consenties par les laboratoires pour encourager la dispensation de génériques, moins coûteux que les princeps, constituent une cible budgétaire.
Pourtant, cette annonce a provoqué une levée de boucliers chez les pharmaciens, qui y voient une menace directe pour leur viabilité économique. Dès fin juin 2025, le projet initial de limiter les remises à 20-25 % avait suscité une première mobilisation le 1er juillet, réunissant plus de 5 000 soignants, dont 3 000 à l’esplanade des Invalides. « Cette décision est une trahison envers les soignants », a dénoncé la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) dans un communiqué du 2 juillet. L’arbitrage final à 30 % pour les génériques, bien que moins sévère, reste jugé « inacceptable » par les syndicats (FSPF, USPO, UNPF, Federgy, UDGPO), qui critiquent une vision macroéconomique ignorant les réalités des officines.
Une menace pour l’équilibre économique des officines
Il convient d’examiner l’impact économique de cette mesure pour comprendre l’ampleur de la crise. Les remises commerciales sont une ressource vitale pour les pharmacies, en particulier les petites structures de proximité, qui représentent l’essentiel du maillage territorial français. Selon la FSPF, la baisse du plafond pourrait entraîner la fermeture immédiate de 800 pharmacies et mettre en péril 20 000 emplois. « Cette décision est synonyme de désertification pharmaceutique », résume un communiqué intersyndical du 17 juillet 2025.
Ces chiffres, bien qu’en attente de validation indépendante, reflètent l’inquiétude d’une profession sous pression. Les officines rurales, souvent seules à assurer l’accès aux soins dans leur territoire, dépendent des remises pour compenser des marges faibles sur les médicaments remboursables. Elles jouent également un rôle clé dans des missions de santé publique : vaccination, dépistage, préparation des piluliers pour les EHPAD. La réduction des remises risque de fragiliser leur modèle économique, compromettant ces services essentiels.
Le gouvernement, lui, défend sa décision en pointant le « surcoût » des génériques pour l’Assurance maladie, mais les syndicats rétorquent que le marché des biosimilaires, encore peu développé, ne compensera pas les pertes. « Les hypothèses du gouvernement sur la pénétration des biosimilaires sont illusoires », avertit Philippe Besset, président de la FSPF.
Un plan de mobilisation inédit
Face à cette menace, les pharmaciens ont adopté une stratégie de mobilisation d’une ampleur rare. Dès le 1er juillet, une grève des gardes a été lancée, soutenue par plus de 90 syndicats départementaux. Après l’arbitrage du 16 juillet, les syndicats ont durci le ton lors d’une réunion intersyndicale le 17 juillet, décidant d’un plan d’action s’étendant jusqu’à l’adoption du PLFSS 2026. Ce plan comprend :
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poursuite de la grève des gardes et, à partir du 1er septembre 2025, une grève de l’organisation de la permanence pharmaceutique ;
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grève immédiate du tiers payant conventionnel lors des réquisitions, obligeant les patients à avancer les frais ;
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fermeture totale des pharmacies le 18 septembre 2025, pour une « journée morte » symbolique ;
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fermetures hebdomadaires chaque samedi à partir du 27 septembre 2025 ;
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actions complémentaires, comme la grève de la préparation des piluliers pour les EHPAD dès le 10 septembre et la suspension des vaccinations en officine.
« Nous n’allons pas nous laisser faire », a déclaré Philippe Besset, soulignant l’unanimite des syndicats. La FSPF a également suspendu sa participation aux négociations sur l’accord conventionnel des maisons de santé pluriprofessionnelles, dénonçant un « manque de considération » du gouvernement.
Quel impact sur les patients ?
Pour les professionnels de santé, cette crise pose une question cruciale : quelles seront les conséquences pour les patients ? Les pharmacies de proximité sont un pilier de l’accès aux soins, notamment dans les zones rurales où elles compensent l’absence d’autres structures médicales. Une réduction de leur viabilité pourrait limiter la disponibilité des médicaments et des services de prévention, affectant particulièrement les patients chroniques et les personnes âgées.
Les actions de grève, bien que stratégiques, risquent de compliquer l’accès aux traitements. La grève du tiers payant, par exemple, pourrait pénaliser les patients à faible revenu, contraints d’avancer les frais. De même, la suspension des vaccinations en officine pourrait freiner les campagnes de santé publique. « Ces actions, difficiles pour les professionnels et les patients, illustreront le futur qui nous est promis », préviennent les syndicats dans leur communiqué du 17 juillet.
Vers une sortie de crise ?
Une réunion prévue le 22 juillet 2025 entre les syndicats et le ministère de la Santé pourrait ouvrir la voie à un compromis. Philippe Besset a exprimé un espoir mesuré : « Peut-être qu’une autre proposition nous sera faite demain ». Les pharmaciens exigent un retour au plafond de 40 % pour les génériques, essentiel pour préserver le maillage officinal.
Parmi les solutions envisagées, une revalorisation des honoraires de dispensation ou un soutien ciblé aux officines rurales pourraient compenser la baisse des remises. Une accélération du développement des biosimilaires est également évoquée, bien que leur faible pénétration actuelle limite cette option.
Sans accord, les actions prévues en septembre – fermetures, grèves, manifestations locales devant les ARS et CPAM – pourraient intensifier la crise. « C’est un moment de vérité pour la santé publique », résume l’USPO, posant la question : le gouvernement privilégiera-t-il une santé de proximité ou une logique de rationalisation budgétaire au détriment des territoires ?
La crise des remises sur les génériques révèle un conflit profond entre les impératifs budgétaires et la préservation d’un système de santé de proximité. Pour les professionnels de santé, cette mobilisation est un cri d’alarme pour protéger le rôle des pharmacies dans l’accès aux soins. Alors que le dialogue avec le gouvernement reste tendu, la réunion du 22 juillet et les actions prévues en septembre seront décisives. Les pharmaciens, unis, affichent leur détermination à ne pas céder. La santé des Français est en jeu.
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