Grève des médecins du 3 décembre : du Sud-Est à l’échelle nationale, un bras de fer autour du PLFSS 2026
Une mobilisation asyndicale qui prend de l'ampleur
Le Collectif médical du Sud-Est (CMSE), mouvement se revendiquant asyndical et apolitique, a lancé l’appel dès la mi-novembre, dénonçant « une attaque sans précédent contre le système de santé »[2]. Le 24 novembre, FMF Sud et Jeunes Médecins annoncent rejoindre le mouvement « face aux “attaques en règle” contre [l’]exercice » et déposent un préavis couvrant internes et praticiens hospitaliers (PH)[3]. Dans les Alpes-Maritimes et le Var, les organisateurs affirment que dix CME (commissions médicales d’établissement) de cliniques privées se sont ralliées dans le 06 et deux dans le 83[1].
Pourquoi le PLFSS 2026 cristallise la colère des praticiens
La cible principale est l’article 24 du PLFSS 2026 : selon les analyses professionnelles, il « habilite » l’Assurance maladie à baisser unilatéralement certains tarifs dans des secteurs jugés à « rentabilité manifestement excessive »[4]. S’y ajoutent des inquiétudes sur l’article 26 relatif aux dépassements d’honoraires et sur le durcissement des obligations numériques (DMP, sanctions), ainsi que sur l’OPTAM (Option de pratique tarifaire maîtrisée) et la dynamique de l’ONDAM 2026[3][5][6]. Sur le plan parlementaire, le dossier législatif confirme que le texte a été déposé à l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025 et examiné au Sénat à partir du 13 novembre 2025[7].
« Nous refusons un système où la Cnam ou le ministère pourrait décider seul, chaque année, de baisses tarifaires sur la base d’algorithmes et de tableaux Excel » [3].
Revendications détaillées du collectif (document du 14 novembre)
- Article 24 : retrait pur et simple ; à défaut, encadrement par une évaluation indépendante, trajectoire pluriannuelle avec plancher tarifaire, indexation transparente (inflation, énergie, salaires, maintenance), clauses de sauvegarde sur l’accès aux soins et procédure contradictoire avant toute décision[16].
- Baisses CNAM du 1er novembre : annulation des décotes « de 5 à plus de 12 % » frappant des spécialités techniques (imagerie, médecine vasculaire, néphrologie, radiothérapie, cardiologie, etc.), décidées unilatéralement le 5 novembre 2025[16].
- ONDAM 2026 : le collectif juge 270,4 Md€ à 1,6 % « largement insuffisant » et réclame 3 % pour éviter déficits et fermetures d’activités ; demande 1,1 Md€ pour les structures de soins et une enveloppe ville pour annuler les baisses tarifaires[16].
- Article 26 : rejet de toute surtaxation des dépassements ; appel à une contribution accrue des complémentaires dont les cotisations ont augmenté de 60 % en vingt ans, avec frais de gestion proches de 20 % soit 8,6 Md€[16].
- OPTAM : dénonciation de règles modifiées unilatéralement (recalcul du taux de dépassement d’honoraires, « partage de gains ») ; demande d’une réforme du dispositif et de la liberté de résiliation ; refus d’une obligation d’OPTAM pour accéder au secteur 2[16].
- Revalorisation pluriannuelle : rattrapage et indexation des actes et forfaits techniques ; remise à plat de la décote des actes multiples le même jour[16].
- Fiscalité secteur 1 : retrait des amendements restreignant des abattements aux seules ZSD ; demande d’incitations équilibrées contre les déserts médicaux[16].
- Liberté d’exercice (secteurs 1, 2, 3) : refus de l’exclusion du remboursement des prescriptions en secteur 3, jugée porteuse d’un risque de « médecine à deux vitesses »[16].
Une mobilisation partie de la Côte d’Azur
Le Quotidien du Médecin recense, au 18 novembre, « environ 500 médecins exerçant dans des cliniques privées [qui] cesseront de travailler le 3 décembre dans les Alpes-Maritimes », un mouvement « apolitique et asyndical »[9]. Le même jour, Egora publie le récit d’une « révolte de la base » structurée par messageries, avec un appel à l’union intersyndicale et interprofessionnelle[2].
« Nous sommes dans une révolte de la base… Nous avons tous reçu des attaques en règle sur notre exercice » (Dr Jérôme Barrière, Egora, 18/11)[2].
Le document du Collectif Médical du Sud-Est (CMSE) daté du 14 novembre 2025 énumère précisément les CME ayant voté la cessation totale des activités médico-chirurgicales et des consultations le 3 décembre : Polyclinique Saint-Jean (Cagnes-sur-Mer), Institut Arnault-Tzanck (Saint-Laurent-du-Var), Polyclinique Saint-George (Nice), Hôpital privé de Mougins, Clinique Oxford (Cannes), Clinique Saint-Antoine (Nice), Clinique du Palais (Grasse). Le CMSE appelle aussi internes, médecins hospitaliers, médecins libéraux d’autres départements, ainsi que FHP et FHF, à rejoindre le mouvement ; sages-femmes, dentistes, infirmiers libéraux et kinésithérapeutes sont invités à se joindre à la mobilisation. Le texte insiste sur un mouvement trans-partisan, non initié par les syndicats nationaux, et martèle : « Nous refusons la mort de notre système de solidarité des soins accessibles à tous »[16].
En parallèle, l’AAL (Association des Anesthésistes Libéraux) apporte un soutien officiel à la grève du 3/12 et prévient qu’un « mois noir » se profile en janvier si rien ne bouge[10].
Impact attendu le 3 décembre : accès aux soins et organisation
Les initiateurs assurent que les urgences et soins indispensables seront maintenus : « Le 3 décembre la continuité et la sécurité des soins seront bien sûr assurées » (Collectif, cité par Nice-Matin, 23/11)[1]. Localement, les CME de cliniques privées ont annoncé des cessations d’activité (consultations et actes médico-chirurgicaux) pour la journée, avec des modalités de réorganisation variables selon les établissements[1][9].
Pour mémoire, la mobilisation récente des radiologues (10 novembre) a conduit à la fermeture d’une large part des cabinets, rappelant la sensibilité des plateaux techniques aux ajustements tarifaires[11][12]. Sur le numérique en santé, les évolutions prévues autour du DMP et des sanctions ont aussi nourri les crispations[13] — un point qui, de l’aveu même des syndicats, exige de la pédagogie ; ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas de jouer les Cassandre mais d’anticiper lucidement l’impact organisationnel.
Et après le 3 décembre ? scénarios et calendrier
Au-delà du signal d’alerte du 3/12, plusieurs acteurs évoquent des actions durcies en fin d’année et début 2026. Nice-Matin rapporte l’avertissement d’un « coup de semonce » avant des mouvements « beaucoup plus durs »[1]. Le document du CMSE annonce qu’à défaut de réponses, le mouvement s’amplifiera jusqu’à une grève massive et à durée indéterminée à partir du 5 janvier 2026, avec notamment un départ massif prévu début janvier à Bruxelles à l’appel de syndicats de médecins libéraux[16].
Au plan institutionnel, la navette parlementaire du PLFSS 2026 se poursuit (Assemblée nationale ↔ Sénat), avec des amendements qui ont déjà fait l’objet de lectures divergentes, notamment sur les dépassements d’honoraires et la régulation des actes techniques[7][6]. En clair : rien n’est encore joué, et les arbitrages finaux pèseront directement sur l’atterrissage de l’ONDAM 2026 et sur le climat social des prochaines semaines.
- ONDAM 2026 : « L’ONDAM 2026 augure d’une cure d’austérité pour la santé »
- Radiologie : « Grève des radiologues du 10 novembre : une participation massive »
- DMP et sanctions : « DMP obligatoire : amendes jusqu’à 2 500 € »
Références
- Nice-Matin. « Nous n’avons jamais été autant stigmatisés, attaqués » : la grève du 3 décembre des médecins prend de l’ampleur… (23/11/2025). Lien
- Egora. Appel à la grève des médecins le 3 décembre : « Nous sommes tous attaqués, nous ne pouvons pas rester les bras croisés » (18/11/2025). Lien
- Egora. Grève des médecins le 3 décembre : la FMF et Jeunes Médecins rejoignent le mouvement (24/11/2025). Lien
- Les Spécialistes CSMF. « PLFSS 2026 : après la fin du paritarisme, la fin du dialogue conventionnel ? » (30/10/2025). Lien
- Vie-publique. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 : que contient le texte ? (maj 24/11/2025). Lien
- France Assos Santé. Propositions d’amendements au PLFSS 2026 (octobre 2025). Lien
- Assemblée nationale / Sénat. Dossiers PLFSS 2026 (14/10/2025 ; 13/11/2025). Lien AN ; Lien Sénat
- Caducee.net. L’ONDAM 2026 augure d’une cure d’austérité pour la santé (17/10/2025). Lien
- Le Quotidien du Médecin. « Non à la mort de l’exercice libéral… » : un collectif de 500 médecins des Alpes-Maritimes en grève le 3 décembre (18/11/2025). Lien
- AAL. Communiqué du 20 novembre : soutien officiel à la grève du 3 décembre ; « mois noir » en janvier (21/11/2025). Lien
- Caducee.net. Grève des radiologues du 10 novembre : une participation massive (12/11/2025). Lien
- Caducee.net. Grève des radiologues : une mobilisation contre les baisses tarifaires (05/11/2025). Lien
- Caducee.net. DMP obligatoire : le PLFSS 2026 introduit des amendes jusqu’à 2 500 € (19/10/2025). Lien
- TF1 Info. Pourquoi 1 500 médecins libéraux sont prêts à la grève et à un « exil » à Bruxelles en janvier (mi-novembre 2025). Lien
- Orange/Actu. Budget de la Sécu : plus de 1 500 médecins libéraux menacent de faire grève en janvier (mi-novembre 2025). Lien
- Collectif Médical du Sud-Est (CMSE). Grève des médecins (Alpes-Maritimes – 06) — Mercredi 3 décembre 2025 (document daté du 14/11/2025). Document PDF
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