Revalorisation des infirmières libérales : où en sont les négociations conventionnelles 2025 ?
Un calendrier étiré de juillet 2025 à début 2026
Les négociations conventionnelles pour la revalorisation des IDEL ont officiellement été ouvertes le 7 juillet 2025 à la CNAM, en présence des trois syndicats représentatifs (FNI, SNIIL, Convergence Infirmière), de l’Assurance maladie et de représentants de l’UNOCAM.[1][3][5] Plusieurs médias professionnels rappellent qu’un calendrier de séances, mêlant groupes de travail et réunions plénières, avait été posé jusqu’à la fin de l’année 2025, avec pour objectif la signature d’un avenant 11 à la convention nationale des infirmiers de 2007.[3][5][6]
La séance du vendredi 12 décembre, présentée un temps comme un possible rendez-vous d’arbitrage, débouche finalement sur une prolongation des discussions. Dans son communiqué du 15 décembre, Convergence Infirmière indique que « les travaux avec la CNAM se poursuivront début 2026 » et qu’une série de réunions bilatérales est programmée dès janvier, avant une nouvelle séance de négociation globale.[1] Aucun calendrier officiel de signature d’avenant n’est désormais avancé publiquement, même si l’objectif d’un accord en 2026 reste en toile de fond des différents protagonistes.[1][5]
Ce décalage temporel intervient alors que, parallèlement, les IDEL sont mobilisés depuis fin 2024 autour de la question des indus et de la lisibilité des règles de facturation.[10] Le temps conventionnel s’ajoute ainsi à un temps réglementaire déjà dense.
Des chantiers structurants au cœur de la négociation
Consultation infirmière, infirmier référent et pratique avancée
L’un des enjeux majeurs de ce cycle 2025 tient à la traduction conventionnelle de la réforme du métier infirmier. La proposition de loi infirmière adoptée le 4 juin 2025 reconnaît en effet l’accès direct aux soins, un droit de prescription limité, le diagnostic infirmier et la consultation infirmière.[7] Ces nouvelles compétences doivent désormais trouver leur place dans la nomenclature et dans la rémunération des IDEL.
Selon le communiqué du 15 décembre, la séance du 12 décembre a abordé le rôle de l’infirmier référent, le modèle d’infirmier en pratique avancée (IPA) et l’organisation de certaines prises en charge.[1] Ces échanges restent pour l’instant au stade des orientations, sans arbitrage chiffré rendu public.
Pour Convergence Infirmière, la future consultation infirmière devrait constituer « l’élément central des futures négociations conventionnelles » afin de permettre l’évolution de l’exercice libéral et de sécuriser la prise en charge à domicile.[2] Le syndicat insiste sur le maillage territorial des quelque 130 000 IDEL et sur leur capacité à assumer un rôle de premier recours dans des territoires où plusieurs millions de personnes ne disposent plus de médecin traitant.[2]
Le BSI, du déploiement à la perspective d’un BSI
Autre pilier des discussions : le Bilan de soins infirmiers (BSI), outil numérique d’évaluation et de planification des soins conçu pour les patients dépendants à domicile. Expérimenté dès 2017, le BSI a fait l’objet de plusieurs étapes conventionnelles : son déploiement a été acté par un avenant signé en 2019, puis sa généralisation à partir d’octobre 2023 a été confirmée dans l’avenant 10, présenté par l’UNCAM et les syndicats comme une avancée pour la prise en charge à domicile.[9]
En 2024, la revalorisation du BSI passait notamment par l’augmentation du forfait C à 34 euros pour les patients les plus dépendants et par une clarification des actes associés à ce dispositif.[11] Dans certains territoires, l’Assurance maladie a toutefois freiné son déploiement en raison de coûts jugés trop élevés, alors même que le dépassement moyen de l’enveloppe restait limité pour chaque patient dépendant.[12]
Lors de la séance du 12 décembre 2025, Convergence Infirmière indique que « des évolutions sont envisagées » sur le BSI, avec un enjeu spécifique pour les prises en charge les plus lourdes.[1] Le syndicat mentionne l’ouverture d’une réflexion sur la création d’un BSI majoré (BSI ), dont les contours ne sont pas encore définis, et la disparition des anciens bilans simplifiés BSA (code H0E0M0).[1] Pour les IDEL, ces éventuels ajustements devront garantir que la charge réelle de travail auprès des patients très dépendants – visites longues, coordination avec les médecins, gestion thérapeutique – soit correctement valorisée, et non diluée dans des forfaits globaux.
Les tensions autour du BSI et des actes associés s’inscrivent dans un historique déjà conflictuel : dès 2023, les inquiétudes suscitées par le freinage du déploiement du BSI par l’Assurance maladie dans certains départements étaient déjà largement exprimées, alors même que ce mode de rémunération était présenté comme un levier pour améliorer l’efficience des soins à domicile.[12]
Pour replacer ces débats, les IDEL peuvent se référer à ce décryptage de l’avenant 10 et de la généralisation du Bilan de soins infirmiers (BSI).[9]
Un contexte budgétaire sous tension pour la ville
Les négociations conventionnelles des IDEL s’ouvrent dans un environnement budgétaire particulièrement contraint. Convergence Infirmière rappelle dans sa contribution publiée le 13 octobre 2025 que les actes infirmiers libéraux n’ont connu aucune revalorisation significative de l’AMI depuis 2009, soit seize ans au moment de la publication et dix-sept ans au moment où l’avenant issu des négociations 2025 doit entrer en vigueur.[2][13]
Le syndicat souligne parallèlement que les dépenses de santé ont augmenté d’environ 70 % en dix ans, tandis que les actes infirmiers en ville resteraient sous-valorisés.[2] Il met aussi en avant des comparaisons de coûts : prise en charge des ulcères en hospitalisation à domicile (HAD) à plus de 11 000 euros par an, contre un peu plus de 2 300 euros pour une prise en charge par un IDEL ; prise en charge d’un patient dépendant à 34 282 euros par an en service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), contre 14 720 euros en libéral.[2]
Cette lecture économique, centrée sur la proximité et la continuité des soins infirmiers libéraux, se heurte à d’autres choix budgétaires. Convergence Infirmière dénonce notamment l’orientation de moyens vers les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou certains dispositifs collectifs, sans évaluation jugée suffisante de leur efficience, alors que les soins infirmiers de proximité resteraient le parent pauvre du financement.[2]
Le climat s’est encore tendu avec la circulaire CIR-9/2025 de la CNAM sur la facturation des perfusions longues, publiée le 25 juin 2025.[8] Cette circulaire, qui harmonise les modalités de cotation et limite certains cumuls d’actes, a été qualifiée par Convergence Infirmière de « circulaire injuste » et d’humiliation pour la profession, en raison des restrictions imposées sur la cotation des actes complexes.[8][14] La montée de la colère chez les IDEL face à cette circulaire met en lumière le paradoxe entre la reconnaissance de nouvelles compétences par la loi infirmière et la compression simultanée des marges de manœuvre financières.[7]
La proposition de 0,10 € sur l’AMI : symbole et limites
Sur le terrain strictement financier, le communiqué de Convergence Infirmière du 15 décembre précise qu’« à ce jour, la seule proposition présentée est une revalorisation de 10 centimes de l’AMI, représentant environ 100 millions d’euros ».[1] Cette augmentation, qui s’appliquerait au tarif de l’acte infirmier (AMI), est présentée comme une base de discussion mais jugée « très insuffisante au regard des attentes de la profession ».[1]
La même organisation rappelle que la dernière revalorisation de l’AMI remonte au 15 avril 2009, et évoque désormais un intervalle de dix-sept ans sans revalorisation tarifaire significative au moment où l’avenant issu des négociations 2025 serait appliqué.[2][13] Dans un contexte d’inflation élevée, de hausse des charges de fonctionnement des cabinets et d’alourdissement des prises en charge à domicile, cette hausse de 0,10 euro par acte est perçue comme un rattrapage minimal, loin de compenser l’érosion du pouvoir d’achat des IDEL.
Les organisations syndicales insistent par ailleurs sur des dimensions moins visibles dans les grilles tarifaires : temps de coordination non rémunéré, déplacements non valorisés à la hauteur des contraintes territoriales, charge administrative croissante liée au BSI et aux outils numériques, gestion des indus et des contrôles.[2][10] Le débat sur la revalorisation ne se résume donc pas à un quantum monétaire, mais à une redéfinition plus globale de ce qui est compté dans l’acte infirmier.
Positions syndicales autour des négociations 2025
Au-delà de Convergence Infirmière, les autres organisations syndicales s’inscrivent dans une dynamique globalement convergente, même si les accents diffèrent. Dans un communiqué commun publié le 5 décembre 2025, la FNI, le SNIIL et l’UNIPA appellent les députés à « aller au bout de leur engagement » en votant le PLFSS 2026, afin de permettre l’application pleine et entière de la loi infirmière et de sécuriser la poursuite des discussions conventionnelles. Elles y soulignent que ces négociations sont considérées comme indispensables à la revalorisation et à la modernisation de l’exercice infirmier libéral.[17]
Le SNIIL détaille, pour sa part, ses priorités au fil des séances : lors du groupe de travail du 5 septembre 2025, il met l’accent sur la démographie et le remplacement, avec l’objectif de sécuriser le recours au remplaçant et de garantir la continuité des soins ; pour la séance du 26 septembre dédiée au BSI, il défend une meilleure valorisation des prises en charge les plus lourdes et une clarification des actes associés, afin de simplifier les pratiques et de mieux reconnaître le travail infirmier au quotidien.[15]
En parallèle, l’ONSIL, qui n’est pas représentatif au sens conventionnel mais très active dans le débat public, porte une revendication chiffrée forte : dans un communiqué du 14 octobre 2025, elle estime qu’un AMI à 4,05 € constitue « une réponse légitime, pas une faveur » et dénonce le retard considérable accumulé par la profession en matière de revalorisation. Le syndicat insiste sur la nécessité de sortir d’une logique de rattrapage minimal pour reconnaître pleinement le rôle des IDEL dans l’accès aux soins de proximité.[16]
Quelles perspectives pour les IDEL début 2026 ?
À l’issue de la séance du 12 décembre, Convergence Infirmière adopte une position nuancée : le fait que « les discussions se poursuivent » avec la CNAM est qualifié de « signal positif », mais la prudence domine, en particulier face à l’annonce d’une trajectoire de revalorisation pluriannuelle dont les contours restent flous.[1] Le syndicat indique attendre la prochaine réunion bilatérale pour interroger la direction de la CNAM sur la réalité de ces engagements étalés dans le temps.[1]
Pour les IDEL, les prochaines semaines s’annoncent donc déterminantes à plusieurs titres :
– préciser le périmètre de la future consultation infirmière et du rôle d’infirmier référent, afin d’éviter que ces missions nouvelles ne se traduisent par une charge supplémentaire sans rémunération dédiée ;[2][7]
– sécuriser l’avenir du BSI, en particulier pour les prises en charge les plus lourdes, et clarifier les conditions de mise en place d’un éventuel BSI ;[1][9][11]
– obtenir une trajectoire de revalorisation de l’AMI et des actes associés qui tienne réellement compte des dix-sept années de gel tarifaire, de l’inflation et des économies générées par la prise en charge libérale.[2][13]
En toile de fond, la profession reste confrontée à d’autres dossiers structurants : pénibilité de l’exercice, risques de pénurie d’IDEL dans certains territoires, impact du PLFSS 2026 sur l’attractivité de la ville et articulation avec les autres professions de santé.[7][12] Autant de sujets déjà suivis par la presse professionnelle dans ses dossiers sur les professions paramédicales et sur la démographie infirmière.
Les négociations conventionnelles 2025, prolongées désormais en 2026, apparaissent ainsi comme un test grandeur nature de la capacité des pouvoirs publics à aligner la reconnaissance réglementaire du rôle infirmier libéral, la réalité financière de l’exercice et les besoins croissants de la population en soins de proximité.
Références
[1] Convergence Infirmière, « Négociations conventionnelles infirmières : Les travaux avec la CNAM se poursuivront début 2026 », 15 décembre 2025, disponible en ligne : https://convergenceinfirmiere.com/negociations-conventionnelles-infirmieres-les-travaux-avec-la-cnam-se-poursuivront-debut-2026/
[2] Convergence Infirmière, « Négociations conventionnelles 2025 – Nos propositions », 13 octobre 2025, disponible en ligne : https://convergenceinfirmiere.com/negociations-conventionnelles-2025-nos-propositions/
[3] Convergence Infirmière, « Les négociations conventionnelles des IDEL officiellement ouvertes ce lundi 7 juillet », 7 juillet 2025, disponible en ligne : https://convergenceinfirmiere.com/les-negociations-conventionnelles-des-idel-officiellement-ouvertes-ce-lundi-7-juillet/
[4] Fédération nationale des infirmiers (FNI), « Ouverture des négociations conventionnelles : application du calendrier », 26 juin 2025, disponible en ligne : https://fni.fr/ouverture-des-negociations-conventionnelles-application-du-calendrier/
[5] AEF Info, « Acte technique à domicile, pratique avancée, PDSA : la négociation d’un nouvel avenant à la convention infirmière débute », 9 juillet 2025, disponible en ligne : https://www.aefinfo.fr/depeche/734637-acte-technique-a-domicile-pratique-avancee-pdsa-la-negociation-dun-nouvel-avenant-a-la-convention-infirmiere-debute
[6] Angiil, « Flash Infos – Négociations conventionnelles IDEL », juillet 2025, disponible en ligne : https://angiil.com/flash-info/
[7] Caducee.net, « La colère monte chez les IDEL après la circulaire CNAM sur les actes de perfusion », 7 juin 2025, disponible en ligne : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16598/la-colere-monte-chez-les-idel-apres-la-circulaire-cnam-sur-les-actes-de-perfusion.html
[8] CNAM / Oly, « Circulaire CIR-9/2025 : Nouvelles règles de facturation », 25 juin 2025, consulté via Oly-app, disponible en ligne : https://www.oly-app.fr/ressources/blog/circulaire-cir-9-2025
[9] Caducee.net, « Signature de l’avenant 10 : les infirmières soutenues pour faire face à l’inflation », 22 juin 2023, disponible en ligne : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16151/signature-de-l-avenant-10-les-infirmieres-soutenues-pour-faire-face-a-l-inflation.html
[10] Caducee.net, « Prescriptions mal rédigées : l’assurance maladie et les infirmières libérales s’engagent pour réduire les indus », 2 décembre 2024, disponible en ligne : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16478/prescriptions-mal-redigees-l-assurance-maladie-et-les-infirmieres-liberales-s-engagent-pour-reduire-les-indus.html
[11] Caducee.net, « Les infirmières libérales expriment leur frustration après une rencontre ministérielle peu concluante », 9 avril 2024, disponible en ligne : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16323/les-infirmieres-liberales-expriment-leur-frustration-apres-une-rencontre-ministerielle-peu-concluante.html
[12] Caducee.net, « Menace d’une pénurie d’infirmiers libéraux dans le Finistère face à l’augmentation de la dépendance », 24 avril 2023, disponible en ligne : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16091/menace-d-une-penurie-d-infirmiers-liberaux-dans-le-finistere-face-a-l-augmentation-de-la-dependance.html
[13] Convergence Infirmière, « Négociations Conventionnelles 2025 : pour une revalorisation juste, efficace et fondée sur le terrain », 13 octobre 2025, disponible en ligne : https://convergenceinfirmiere.com/negociations-conventionnelles-2025-pour-une-revalorisation-juste-efficace-et-fondee-sur-le-terrain/
[14] Convergence Infirmière, « Cotation des perfusions : une circulaire injuste, une profession humiliée – Convergence Infirmière engage tous les recours », 30 juin 2025, disponible en ligne : https://convergenceinfirmiere.com/cotation-des-perfusions-une-circulaire-injuste-une-profession-humiliee-convergence-infirmiere-engage-tous-les-recours/
[15] Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL), « Négociations conventionnelles : le Sniil poursuit son engagement », 22 septembre 2025, disponible en ligne : https://www.sniil.fr/negociations-conventionnelles-sniil-engagement/
[16] Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (ONSIL), « Revalorisation des actes infirmiers : AMI 4,05 une réponse légitime, pas une faveur ! », 14 octobre 2025, disponible en ligne : https://onsil.fr/retard-revalorisation-ami-405-infirmiers-liberaux-onsil-infin-idels/
[17] Fédération nationale des infirmiers (FNI), « PLFSS 2026 : La FNI, le Sniil et l’UNIPA appellent les députés à aller au bout de leur engagement », 5 décembre 2025, disponible en ligne : https://fni.fr/plfss-2026-la-fni-le-sniil-et-lunipa-appellent-les-deputes-a-aller-au-bout-de-leur-engagement/
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