DMP : le Conseil constitutionnel balaie l’amende pouvant atteindre 10 000 € par an pour les médecins libéraux

DMP : le Conseil constitutionnel balaie l’amende pouvant atteindre 10 000 € par an pour les médecins libéraux Le 30 décembre 2025, le Conseil constitutionnel, saisi sur la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2026, a validé la majorité des dispositions, tout en écartant plusieurs « cavaliers sociaux ».[1] Parmi eux, un article prévoyant une sanction financière contre les professionnels de santé qui ne respecteraient pas leur obligation d’alimenter le Dossier médical partagé (DMP), intégré à « Mon espace santé ».[1]

Cette mesure, qui avait fait grincer des dents dans la médecine libérale, devait introduire un régime de pénalités pouvant atteindre 2 500 € par manquement, dans la limite de 10 000 € par an pour un praticien.[2][4] La censure, fondée sur la procédure (périmètre de la LFSS), change la donne immédiatement, sans solder le débat sur l’usage effectif du DMP.

Une censure au titre des « cavaliers sociaux »

Dans son article du 30 décembre 2025, TF1info (avec AFP) rapporte que les « Sages » ont, sans se prononcer sur la constitutionnalité au fond, censuré neuf dispositions « n’ayant pas leur place » dans le budget de la Sécurité sociale.[1] Parmi ces cavaliers figure « un article instaurant une sanction financière pour les professionnels de santé ne respectant pas leur obligation d’alimenter le dossier médical partagé des patients », mesure que l’AFP qualifie de « vivement critiquée par les médecins libéraux ».[1]

Dans ce contexte, « cavalier social » signifie, plus simplement, qu’un article a été jugé « hors sujet » pour une LFSS. Ce type de loi sert d’abord à fixer le cadre financier de la Sécurité sociale ; si une mesure ressemble davantage à une règle d’organisation ou de discipline professionnelle qu’à une disposition budgétaire, le Conseil constitutionnel peut la retirer du texte.[1] Cela ne revient pas forcément à dire que l’idée serait interdite en soi : cela signifie surtout qu’elle ne peut pas être adoptée par ce biais et qu’elle devrait, si le gouvernement le souhaite, être portée par un autre texte.[7]

Sur le plan politique, la séquence laisse une trace : la tentation du levier punitif sur un outil numérique a cristallisé, bien au-delà du seul DMP, une défiance envers une régulation perçue comme descendante.

Ce que prévoyait l’article sur le DMP : obligations et sanctions

Au stade du PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) pour 2026, le texte visait à rendre opposables deux comportements : l’alimentation du DMP par les professionnels réalisant un acte ou une prescription donnant lieu à remboursement, et la consultation du dossier avant certaines prescriptions, produits ou prestations, listés par décret.[4]

Le régime de sanctions, lui, était explicitement chiffré : jusqu’à 2 500 € par manquement pour un professionnel, dans un plafond annuel de 10 000 € ; jusqu’à 25 000 € par manquement pour un établissement, plafonné à 100 000 € par an.[4][5] La mise en œuvre reposait toutefois sur un « second étage » réglementaire (périmètre documentaire, exemptions, modalités de contrôle), ce qui nourrissait l’inquiétude sur la définition concrète d’un « manquement » au cabinet.[5]

Dans l’exposé des motifs, le gouvernement liait l’obligation à la coordination des soins et à la réduction d’actes redondants, notamment en imagerie, estimés « entre 15 % et 40 % » dans ce secteur « par exemple ».[4] Le texte mettait en avant la lutte contre le « nomadisme médical » et la sécurisation des parcours.[4]

Une controverse qui « ouvre la boîte de Pandore » d’un contrôle administratif, selon les syndicats

La contestation ne s’est pas limitée à une querelle de chiffres. Elle a porté sur la méthode : imposer un usage, alors que l’outil est jugé imparfait ou inégalement intégré aux logiciels métiers.

Le Dr Franck Devulder estime qu’« imposer des obligations ou des sanctions aux médecins sans leur donner les moyens techniques adaptés est inacceptable », ajoutant que le DMP « ne peut être pleinement alimenté et utilisé qu’à condition d’être structuré, interopérable et fonctionnel ».[2]

À travers cette critique, plusieurs syndicats redoutaient qu’un dispositif conçu pour favoriser la coordination finisse par ouvrir la boîte de Pandore d’un contrôle administratif sur des gestes du quotidien, dans un contexte déjà tendu sur la charge de travail et le temps médical.

Une navette agitée : suppression au Sénat, puis retour dans le texte

L’épisode parlementaire éclaire la fragilité politique de la mesure. Le 24 novembre 2025, le Sénat a adopté un amendement de suppression de l’article 31 du PLFSS, déposé par la sénatrice Corinne Imbert au nom de la commission des affaires sociales, actant une préférence pour l’incitation plutôt que la sanction.[3] La disposition a néanmoins continué d’irriguer les discussions, au point d’être encore présente dans des synthèses de fin de navette, notamment sur les montants et les renvois réglementaires.[5]

Après la censure, un débat qui se déplace

La décision du Conseil constitutionnel retire l’arme financière du texte budgétaire, mais elle ne règle pas la question de fond : comment faire du DMP un outil réellement utile, donc réellement utilisé. Le gouvernement peut choisir de réintroduire un mécanisme comparable dans un autre véhicule législatif, ou de miser sur des leviers non punitifs (incitations, amélioration de l’ergonomie, interopérabilité, pertinence documentaire).

Dans l’immédiat, la controverse a aussi contaminé le calendrier social : du 5 au 15 janvier 2026, une intersyndicale de médecins libéraux appelle à fermer les cabinets, le DMP étant présenté comme l’un des détonateurs du conflit.[6] Le sujet devient alors moins une querelle technico-juridique qu’un marqueur de rapport de force dans la régulation de la médecine de ville.

Références

[1] TF1info (avec AFP), « Budget de la Sécu : le Conseil constitutionnel valide la quasi-totalité du texte », 30/12/2025. https://www.tf1info.fr/politique/budget-de-la-secu-le-conseil-constitutionnel-valide-la-quasi-totalite-du-texte-2415754.html

[2] Le Quotidien du Médecin, « PLFSS 2026 : jusqu’à 2 500 euros d’amende par manquement, l’obligation pour les médecins d’alimenter le DMP se durcit », 16/10/2025. https://www.lequotidiendumedecin.fr/sante-societe/politique-de-sante/plfss-2026-jusqua-2-500-euros-damende-par-manquement-lobligation-pour-les-medecins-dalimenter-le-dmp

[3] Le Quotidien du Pharmacien, « La consultation obligatoire du DMP par les professionnels de santé supprimée au Sénat », 25/11/2025. https://www.lequotidiendupharmacien.fr/exercice-pro/la-consultation-obligatoire-du-dmp-par-les-professionnels-de-sante-supprimee-au-senat

[4] Caducee.net, « DMP obligatoire : le PLFSS 2026 introduit des amendes jusqu’à 2 500 € », 19/10/2025. https://www.caducee.net/actualite-medicale/16676/dmp-obligatoire-le-plfss-2026-introduit-des-amendes-jusqu-a-2-500.html

[5] Caducee.net, « PLFSS 2026 : dernières mesures pour les soignants avant le vote », 07/12/2025. https://www.caducee.net/actualite-medicale/16713/plfss-2026-dernieres-mesures-pour-les-soignants-avant-le-vote.html

[6] Caducee.net, « Grève des médecins libéraux en janvier 2026 : le DMP au cœur de la colère », 29/12/2025. https://www.caducee.net/actualite-medicale/16733/greve-des-medecins-liberaux-en-janvier-2026-le-dmp-au-coeur-de-la-colere.html

[7] Conseil constitutionnel, « Décision n° 2025-899 DC du 30 décembre 2025 – communiqué de presse », 30/12/2025. https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2025-899-dc-du-30-decembre-2025-communique-de-presse

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