Budget 2026 : le plan Bayrou déclenche la fronde du monde médical
Un plan d’économies de 43,8 milliards, dont 5,5 milliards pour la santé
Le plan présenté par François Bayrou, Haut-commissaire au Plan et Premier ministre, prévoit 43,8 milliards d’euros d’économies en 2026, dont environ 5,5 milliards pour la santé – un effort inédit dans un contexte de « danger mortel » de la dette, selon ses termes. Parmi les mesures annoncées lors de sa conférence de presse du 25 août 2025, et confirmées par la ministre Catherine Vautrin :
-
Doublement du plafond annuel des franchises médicales : Porté de 50 à 100 euros par assuré, avec paiement direct « au comptoir » pour responsabiliser les patients. Cela inclut une hausse de la franchise par boîte de 1 à 2 euros, avec un plafond mensuel de 8 euros. La Cnam estime l’économie attendue à 700 millions d’euros.
-
Recentrage des affections de longue durée (ALD) : Prise en charge à 100 % limitée aux seuls soins et médicaments directement liés à la pathologie. Les traitements de confort et certaines cures seraient exclus. Environ 13 millions d’assurés sont concernés, contre 5 % de la population en Allemagne.
-
Réforme des arrêts maladie : L’exécutif dénonce des abus, évoquant « 50 % des arrêts longs non justifiés ». Sont envisagés un allongement du délai de carence et la possibilité de reprise sans avis du médecin du travail après 30 jours (hors accidents).
-
Gel des dépenses sociales en 2026 : Qualifié d’« année blanche » par les acteurs, avec gel des salaires publics, prestations sociales et retraites, malgré l’inflation. La suppression de deux jours fériés et la réduction de 3 000 emplois publics sont également au programme, impactant potentiellement les hôpitaux.
-
Autres pistes : Réduction des marges des pharmaciens, économies sur les transports sanitaires (taxis ambulanciers), réorientation vers l’intelligence artificielle et la production industrielle de médicaments.
Le gouvernement récuse le terme d’« austérité », préférant parler de « moment de vérité » et d’effort collectif. Mais pour les soignants, le risque est celui d’un système déjà fragilisé qui basculerait dans le chaos.
Hôpital : fermetures et tensions budgétaires annoncées
La Fédération hospitalière de France (FHF) dénonce une « logique de rabot ». Dans un communiqué du 25 août 2025, son président Arnaud Robinet estime que « ce plan mettrait en péril la capacité des hôpitaux publics à répondre aux besoins de la population » et appelle à « une loi de programmation pour la santé plutôt qu’un gel budgétaire déguisé ». Les hôpitaux publics, déjà marqués par des pénuries de lits et de personnels, redoutent un effet boule de neige sur les urgences.
La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) rejoint cette analyse. Lamine Gharbi, son président, a déclaré : « Une année blanche induirait très directement des fermetures de services et une dégradation de l’accès aux soins » (communiqué du 16 juillet 2025). Au 26 août, des appels à la grève se multiplient, notamment à l’AP-HP pour le 10 septembre, sous l’impulsion de la CGT et de SUD Santé.
Médecins de ville : le tiers payant sous pression
MG France dénonce « une taxation des malades, socialement injuste et inefficace sur le plan de la santé publique » (Egora, 21 août 2025). Les Libéraux de Santé avertissent : « Le prélèvement des franchises par les soignants compromettrait le tiers payant, qui reste un pilier de l’accès aux soins. »
L’UFML-S, présidée par le Dr Jérôme Marty, appelle à la résistance : « Nous refusons la culpabilisation des patients et la transformation des soignants en percepteurs » (communiqué du 18 août 2025). Dans une tribune fin août, il affirme que « faire payer davantage les patients, c’est créer de l’autocensure dans l’accès aux soins et accentuer les inégalités ». L’organisation ajoute que les mesures sur les arrêts de travail et les ALD « s’attaquent à la confiance entre médecins et patients » et incite les praticiens à ne pas collaborer à ce dispositif. Le Collectif Santé en Danger, via Arnaud Chiche, prépare une « manifestation santé hors norme ».
Les IDEL sous pression face au plan Bayrou
Le plan Bayrou pour le budget 2026, prévoyant 5,5 milliards d’euros d’économies dans la santé, exacerbe la crise structurelle des infirmiers libéraux (IDEL). Le SNPI CFE-CGC met en lumière une hémorragie professionnelle : 60 000 postes infirmiers vacants dans les établissements et 180 000 infirmiers de moins de 62 ans ayant cessé d’exercer, aggravée par des conditions de travail dégradées, un manque de reconnaissance et des salaires insuffisants. Daniel Guillerm, président de la FNI, exprime au Figaro (21 août 2025) un « sentiment qu’on va essayer de faire plus d’économies qu’on n’en a jamais faites, alors que les besoins ne cessent d’augmenter ».
Les IDEL craignent que le gel budgétaire compromette les négociations tarifaires, limitant leur capacité à répondre à la demande croissante de soins à domicile. Le doublement des franchises médicales (50 à 100 €/an, 1 à 2 €/boîte) et la limitation des ALD (13 millions de patients concernés) risquent de pousser les plus précaires à renoncer aux soins, compliquant le suivi infirmier et générant des tensions relationnelles.Le SNPI dénonce une « violence sociale inédite » et un « effet tronçonneuse » : moins de moyens face à plus de besoins.
Les IDEL subiraient une surcharge administrative pour justifier ALD et arrêts maladie, tandis que la suppression de deux jours fériés et le gel des budgets rognent leur pouvoir d’achat. Le syndicat insiste : « Là où les soignants attendent des renforts, on leur parle de rationalisation. » La solution repose sur une revalorisation salariale et de meilleures conditions pour redonner du sens à la profession. Les IDEL anticipent des impacts concrets : renoncements aux soins, tensions avec les patients, et risque d’exode accru.Face à ce plan « inacceptable », le SNPI appelle à son retrait et à une politique de santé axée sur la prévention et le respect des soignants, relayant ses critiques via des analyses dénonçant la « fausse responsabilisation » des franchises et la « souffrance au travail » masquée par les contrôles d’arrêts maladie. Les IDEL se mobilisent aux côtés de la CGT AP-HP, SUD Santé, et du Collectif Santé en Danger, avec un rassemblement le 28 août 2025 et des grèves prévues à la rentrée, portées par 100 000 soignants en Île-de-France (CGT, FO, UNSA, CFTC).
Pharmaciens : collecteurs malgré eux des franchises
Les pharmaciens s’opposent avec vigueur à l’idée de percevoir directement les franchises. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) s’est dite « vent debout contre ce projet » (communiqué du 20 août 2025). Elle dénonce une mesure qui transformerait les pharmaciens en « percepteurs » et entraînerait des tensions au comptoir ainsi qu’une surcharge administrative.
Le Quotidien du Pharmacien et Le Moniteur des Pharmacies rapportent un rejet massif dans les officines. La ministre Catherine Vautrin a confirmé le 28 juillet 2025 que « ces franchises seraient bel et bien payées au comptoir » (Le Quotidien du Pharmacien, 28/07/2025). Réaction immédiate : « On est vent debout contre cette mesure », a déclaré Philippe Besset, président de la FSPF, sur LCI (cité par DPGS.info, 22/08/2025). Les syndicats évoquent aussi des menaces de grève, en lien avec les taxis ambulanciers.
Patients : ALD resserrées et reste à charge accru
La réforme des affections de longue durée inquiète les associations de patients. France Assos Santé a alerté, le 16 juillet 2025, sur le risque de « pertes de chance » si certains soins annexes venaient à être déremboursés. « Ce n’est pas en diminuant les droits des malades chroniques que l’on rééquilibrera les comptes sociaux », insiste l’organisation.
L’association AIDES parle d’une « double peine » pour les personnes vivant avec le VIH ou d’autres pathologies. L’UFAL dénonce un plan qui « accentue le chaos sanitaire alors que la mortalité infantile repart à la hausse et que l’espérance de vie stagne ». La Fédération nationale des infirmiers (FNI) alerte sur l’effet domino : « Toute hausse du reste à charge pèsera sur les patients fragiles et réduira leur observance. »
Maîtriser les dépenses sans pénaliser les patients
En réaction au plan Bayrou, plusieurs organisations professionnelles proposent des alternatives pour contenir les dépenses sans alourdir la charge financière des patients :
-
Loi de programmation pour la santé : la FHF plaide pour un engagement pluriannuel afin de sécuriser les budgets hospitaliers et accompagner la transformation numérique et organisationnelle.
-
Pertinence des soins : MG France et la CSMF insistent sur la nécessité de réduire les actes redondants et les prescriptions inutiles, plutôt que de faire porter l’effort sur les malades.
-
Prévention et santé publique : associations et syndicats appellent à investir davantage dans la prévention (vaccination, dépistage, lutte contre l’obésité) pour réduire les coûts à long terme.
-
Réorganisation des parcours : plusieurs fédérations proposent de renforcer la coordination ville-hôpital et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) afin d’éviter les passages aux urgences évitables.
-
Financement solidaire : France Assos Santé et l’UFAL défendent l’idée d’une réforme des recettes (contributions nouvelles ou élargissement de l’assiette) pour ne pas accroître le reste à charge des ménages.
Ces alternatives soulignent qu’une réforme structurelle, combinant pertinence, prévention et financement durable, pourrait constituer une voie médiane entre réduction de la dette et maintien d’un accès équitable aux soins.
Et après ? Un vote à haut risque pour l’exécutif
Le gouvernement prévoit un vote de confiance le 8 septembre 2025. Les oppositions parlent déjà d’une possible motion de censure. L’ensemble des oppositions – du PS à LFI, des écologistes aux Républicains – ont rejeté le plan, Olivier Faure (PS) jugeant « inimaginable » un soutien socialiste. Pour le monde de la santé, cette échéance sera déterminante : si le plan est adopté en l’état, il ouvrira une année 2026 marquée par de fortes mobilisations et une dégradation de la relation entre soignants et pouvoirs publics.
Au-delà de la confrontation politique imminente, ce plan cristallise un dilemme : réduire la dette publique sans fragiliser davantage un système de santé en tension. Le gouvernement mise sur la responsabilisation et le contrôle, tandis que les soignants alertent sur le risque de renoncements aux soins, d’inégalités renforcées et d’une rupture de confiance avec les patients. L’automne parlementaire dira si des amendements peuvent atténuer ces tensions, ou si l’opposition frontale débouche sur une crise sociale et sanitaire durable. Mais nombre d’observateurs jugent déjà très probable que le gouvernement, fragilisé par une contestation transversale et par l’hostilité affichée d’une partie de la majorité relative, ne survive pas au vote du 8 septembre. Le scénario d’une chute de l’exécutif, entraînant un nouveau remaniement ou des élections anticipées, est désormais ouvertement évoqué dans les couloirs de l’Assemblée.
Une telle issue aurait principalement deux effets : la mise en œuvre du plan Bayrou serait gelée, créant une incertitude pour l’hôpital et l’assurance maladie, et le PLFSS 2026 serait retardé, laissant les professionnels sans visibilité budgétaire claire. Même en cas de chute, syndicats et associations resteraient mobilisés pour peser sur les négociations à venir. Ce scénario pourrait stopper un plan jugé injuste, mais accentuer l’instabilité d’un système déjà sous tension.
Descripteur MESH : Santé , Confiance , Politique , Pharmacie , Professions , Médecine , Professions de santé , Patients , Soins , France , Syndicats , Gouvernement , Risque , Pharmaciens , Hôpitaux , Vent , Hôpitaux publics , Population , Travail , Urgences , Économies , Budgets , Accidents , Allemagne , Médecins , Lutte , Infirmiers , Personnes , Logique , Vie , Transports , VIH Virus de l'Immunodéficience Humaine , Santé publique , Neige , Lits , Incertitude , Mortalité infantile , Mortalité , Vaccination , Rupture , Maladie