Financer la santé ou désertifier : l’équation 2026–2029
Où en est 2025 : déficit aggravé, ONDAM sous surveillance
Selon la communication transmise aux commissions sociales, le déficit des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteindrait 23 Md€ en 2025, en hausse de 7,7 Md€ par rapport à 2024 ; « en deux ans, le déficit de la sécurité sociale aura ainsi doublé »[2][3]. « Ce déficit a doublé en deux ans. En 2025, le déficit devrait en effet atteindre 23 Md€ », a résumé Pierre Moscovici lors de sa présentation publique, en rappelant que toutes les branches sont déficitaires sauf la famille[4].
Côté dépenses, l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) 2025 est, à ce stade, prévu au niveau voté en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), après activation en juin d’une procédure d’alerte et des mesures de régulation. Des risques de fin d’année persistent, notamment sur les soins de ville et les indemnités journalières[2][3]. Le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie (Comité d’alerte) a signalé le 18 juin 2025 un risque de dépassement > 1,3 Md€, auquel le gouvernement a répondu par 1,1 Md€ de mise en réserve ; un avis du 17 septembre 2025 a pris acte de mesures complémentaires pour tenir la cible[6][7]. Pour les acteurs, l’ONDAM 2026 annoncé à 270,4 Md€ ( 1,6 %) laisse présager une contrainte accrue sur les établissements et la ville[9] (ONDAM 2026).
Plfss 2026 : un redressement « fragile »
Sans correctifs, le déficit « tendanciel » monterait à 28,7 Md€ en 2026. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) chiffre un effort de 11 Md€ : 9 Md€ d’économies en dépenses et 2 Md€ de mesures nettes de recettes, pour viser un déficit ramené à 17,5 Md€[4][3]. Plusieurs leviers sont détaillés dans le communiqué officiel : gel des pensions et prestations (2,5 Md€), doublement des franchises et participations (2,3 Md€), baisses de prix et usages des produits de santé (2,3 Md€)[3]. Ces points auront des effets concrets pour les soignants et les patients ; à titre d’exemple, la généralisation des usages numériques renforce les obligations autour du Dossier médical partagé (DMP) avec un régime de sanctions en discussion[10] (DMP obligatoire).
Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) qualifie les hypothèses macro de « volontaristes » : croissance 1,0 % en 2026, incertitudes politiques et trajectoires fragiles[5]. En clair, le scénario suppose des rendements élevés sur des mesures sensibles et une exécution sans dérapage. « Chat échaudé craint l’eau froide » : la Cour note que, depuis 2024, l’écart structurel entre dynamique des dépenses et recettes reste marqué[2].
2026–2029 : 100 Md€ de dette sociale
Faute de mesures additionnelles, la trajectoire pluriannuelle ne se redresse pas franchement : déficits persistants et reconstitution d’une dette sociale > 100 Md€ à l’horizon 2029, alors que la CADES a achevé fin 2024 sa reprise de dettes antérieure. L’ACOSS verrait son plafond d’emprunt relevé à nouveau en 2026, avec un risque croissant sur la trésorerie[2][3]. La Cour ouvre une porte : prolonger la CADES au-delà de 2033 et reprendre de la dette sociale, à condition qu’une trajectoire crédible de retour à l’équilibre soit d’abord votée[3].
Impacts terrain : établissements, médecine libérale, industriels
Les établissements de santé affrontent un effet de ciseaux durable ; le déficit 2024 des hôpitaux publics est estimé entre −2,7 et −2,9 Md€ selon plusieurs bilans, ce que reflètent les tensions régionales[11] (déficit des hôpitaux publics). Pour la médecine de ville, le gel et les reports 2025–2026 ont d’ores et déjà pesé sur les revalorisations, en lien avec la régulation ONDAM[9]. Côté produits de santé, les baisses de prix et les actions sur l’usage constituent l’un des trois blocs d’économies mis en avant par la Cour[3].
À retenir pour les soignants
– Exécution 2025 : déficit 23 Md€ confirmé, ONDAM tenu « au cordeau », mais aléas de fin d’année.
– 2026 : effort affiché 11 Md€ dont 9 Md€ d’économies et 2 Md€ de recettes nettes ; rendement et acceptabilité à surveiller.
– Trajectoire : sans décisions complémentaires, dette sociale > 100 Md€ à 2029 et risque de liquidité ACOSS.
– Contexte macro : hypothèses « volontaristes » selon le HCFP.
Sous-financement et déserts médicaux : un cercle vicieux
La contrainte budgétaire récurrente nourrit une mécanique bien connue des professionnels. Quand l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie progresse moins vite que les besoins, les établissements diffèrent l’investissement, limitent les remplacements et ferment temporairement des capacités. La médecine de ville encaisse, elle, une régulation qui freine l’attractivité des territoires fragiles, où les conditions d’exercice se dégradent plus vite qu’ailleurs. Moins d’offres et des délais plus longs accentuent les renoncements aux soins, ce qui renchérit in fine la prise en charge hospitalière. Le sous-financement alimente ainsi la pénurie médicale ; la pénurie, à son tour, renchérit les dépenses et pèse sur l’exécution de l’ONDAM. Sortir de l’impasse suppose de traiter simultanément les deux fronts : financement pluriannuel crédible et politique d’implantation plus incitative, pour que l’effort comptable se traduise réellement en accès aux soins.
#PLFSS2026
— Frédéric Bizard (@fredericbizard) November 3, 2025
Le volet santé va être l'objet à juste titre de toutes les critiques: mort du modèle français, accentuation de la crise des hôpitaux, des déserts médicaux, de la pénurie des médicaments... et tout ceci sans donner le moindre espoir de rétablir l'équilibre des comptes à…
Références
[1] Cour des comptes, La situation financière de la sécurité sociale (page officielle de publication), 03/11/2025 : lien
[2] Cour des comptes, Communication – La situation financière de la sécurité sociale (PDF), 03/11/2025 : lien
[3] Cour des comptes, Communiqué – Une perspective de redressement fragile en 2026, une impasse de financement préoccupante, 03/11/2025 : PDF communiqué
[4] Cour des comptes, Allocution de Pierre Moscovici, 03/11/2025 : PDF discours
[5] HCFP, Avis n° 2025-5 relatif aux lois financières pour 2026 (croissance 1,0 % en 2026 ; scénario qualifié de « volontariste »), 14/10/2025 : lien
[6] Gouvernement, Alerte du comité de suivi de l’ONDAM : risque > 1,3 Md€ et mise en réserve 1,1 Md€, 18/06/2025 : lien
[7] Comité d’alerte, Avis n° 2025-3 du 17 septembre 2025 (PDF), 17/09/2025 : lien
[8] CCSS, Rapports de la commission – résultats 2024, prévisions 2025–2026, 10/2025 : lien
[9] Caducee.net, L’ONDAM 2026 augure d’une cure d’austérité pour la santé, 17/10/2025 : lien
[10] Caducee.net, DMP obligatoire : le PLFSS 2026 introduit des amendes jusqu’à 2 500 €, 19/10/2025 : lien
[11] Caducee.net, Investir ou s’effondrer : l’hôpital public breton pris dans l’étau budgétaire, 26/09/2025 : lien
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