Médecine esthétique : le Sénat confie le sésame à l’Ordre
Un virage sénatorial : de l’ARS à l’Ordre
Saisie en première lecture du PLFSS 2026, la Haute Assemblée a adopté un amendement confiant l’autorisation d’exercice en médecine esthétique à « l’ordre compétent ». Cette inflexion remplace le mécanisme voté à l’Assemblée nationale, qui prévoyait une autorisation par l’ARS pour cinq ans, renouvelable, « en fonction des besoins médicaux de la population ». [1][3]
Le paquet sénatorial comporte deux volets : d’une part, la bascule de l’autorité d’agrément vers l’Ordre des médecins ; d’autre part, des prérequis opposables à tous les praticiens non spécialistes de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique. Un amendement précise notamment qu’une « durée d’exercice préalable dans une qualification initiale relevant de la médecine curative » pourra être exigée, afin d’éviter les installations trop précoces dans un secteur perçu comme très rémunérateur. [1][4]
Des prérequis structurés : formation, expérience, sécurité
Le Sénat renvoie à des textes d’application le soin de définir le socle commun : « qualification initiale, formation, expérience professionnelle », mais aussi des éléments de sécurité (vérification des contre-indications, conditions d’hygiène, délai de réflexion, information des personnes) et la liste des actes constitutifs de la médecine esthétique (greffes capillaires, médecine « préventive » et anti-âge, etc.). [4]
Dans son rapport d’examen, la commission des Affaires sociales rappelle l’existence d’un DIU (Diplôme inter-universitaire) reconnu par l’Ordre pour cinq ans : « près de 90 heures de cours théoriques et 80 heures de stages », accessible après trois ans d’exercice clinique. La détention de ce titre — ou sa validation par la VAE — « devient obligatoire pour la pratique de la médecine esthétique ». Ce calibrage, s’il rehausse les standards, pose aussi la question du goulet de formation pour un vivier de praticiens estimé à près de 10 000. [5][1]
« Nous allons poursuivre les travaux puisque nous devons travailler sur la qualité, la sécurité, la formation et la régulation de cette médecine. » — Stéphanie Rist, 24 novembre 2025. [2]
Un secteur en plein essor, des tensions sur les effectifs
Selon les estimations reprises par la presse parlementaire, la médecine et la chirurgie esthétiques ont généré près de 2 milliards d’euros en France en 2023 ; près de 10 000 médecins s’y adonneraient, toutes spécialités confondues. À l’échelle mondiale, le marché des actes médicaux esthétiques est évalué à 21,7 milliards d’euros en 2024, avec une croissance annuelle projetée autour de 7 % d’ici 2029 (IMCAS). [1][2][6]
Dans l’hémicycle, la sénatrice Annie Le Houérou (PS) a défendu une régulation pour « lutter contre la fuite des médecins vers la médecine esthétique », actes qui « siphonnent le personnel médical dont on a besoin ». Pour autant, la mesure devra être évaluée, spécialité par spécialité et territoire par territoire, afin d’attester de son effet réel sur l’offre de soins. [1][2]
Périmètre des actes et définition juridique : des zones à clarifier
Le débat sénatorial a mis en lumière l’absence de définition légale stabilisée de la « médecine esthétique », catégorie pratique et médiatique, mais juridiquement floue. Plusieurs amendements, y compris retirés, ont insisté sur la nécessité d’un périmètre précis pour éviter les angles morts (frontière bien-être/soin, exemptions par spécialité, actes délégués). Cette clarification est renvoyée aux décrets. [7][4]
Quelle suite dans la navette ? calendrier réglementaire et impacts métiers
Le PLFSS 2026 n’a pas achevé son parcours : la disposition doit encore passer la CMP (commission mixte paritaire) et, le cas échéant, une nouvelle lecture. D’ici là, les équipes médicales auront intérêt à anticiper :
- Autorisation : procédure devant l’Ordre (dossier, commission de qualification, délais) ; articulation avec les autorisations d’activité pour la chirurgie. [3][1]
- Formation : capacité d’accueil du DIU, passerelles par VAE, calendrier de montée en charge ; vigilance sur les files d’attente. [5]
- Assurance & contentieux : ajustements possibles des contrats RCP et de la couverture en actes esthétiques ; signal faible d’une hausse des indemnisations en responsabilité — sujet à suivre. (Lire : la synthèse MACSF sur Caducee.net).
- Information des patients : probables obligations renforcées (consentement, délais de réflexion, traçabilité des produits). [4]
Références
- Public Sénat, Le Sénat adopte des mesures contre la fuite des médecins vers la médecine esthétique, 23 novembre 2025. Lien
- RTL/AFP, Botox, implants… vers une régulation de la médecine esthétique, 24 novembre 2025. Lien
- Assemblée nationale, Amendement n°2092 (autorisation ARS pour 5 ans), 31 octobre 2025 (PDF). Lien
- Sénat, Amendement n°1826 – formation, expérience, et actes listés par décret, novembre 2025. Lien
- Sénat, Rapport PLFSS 2026 – examen des articles (DIU reconnu par l’Ordre : « 90 h de théorie » « 80 h de stages » ; VAE), 15 novembre 2025. Lien
- Premium Beauty News/IMCAS, Medical aesthetics market: 21,7 Md€ en 2024, 7 %/an d’ici 2029, 30 janvier 2025. Lien
- Sénat, Amendement n°1583 rect. – compétence de l’Ordre, justification et objectifs, novembre 2025. Lien
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