Quatrième année d'internat de médecine générale : une réforme contestée par les professionnels
Une réforme structurelle présentée comme un levier contre les déserts médicaux
Inscrite dans la loi depuis 2022, la réforme introduit une quatrième année d'internat pour les étudiants en médecine générale, avec un statut de "docteur junior ambulatoire". Cette année doit être réalisée en majorité en ambulatoire, sous la supervision d'un maître de stage universitaire (MSU), dans un cabinet de ville. L'objectif affiché est double : renforcer la formation des futurs médecins en situation réelle d'exercice et contribuer à la réduction des inégalités d'accès aux soins, en incitant à l'installation dans les zones sous-dotées.
Cette année professionnalisante doit permettre une immersion prolongée dans l'exercice libéral, avec un niveau de responsabilité et d'autonomie plus élevé que lors des stages classiques. Pour pouvoir intégrer ce statut, les internes devront avoir soutenu leur thèse avant l'entrée en fonction. Un comité de suivi, présidé par le Dr Guillaume Bailly, est chargé de piloter la mise en œuvre.
En parallèle, cette réforme s’insère dans le cadre plus large du pacte anti-déserts porté par le gouvernement. Celui-ci prévoit que tous les médecins, y compris les spécialistes, consacrent jusqu’à deux jours par mois à intervenir dans des zones dites « rouges ». À défaut, une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1000 euros par jour est envisagée. Le ministre Yannick Neuder a rappelé que cette solidarité territoriale, bien que fondée sur le volontariat, repose désormais sur une obligation collective.
Rémunération des docteurs juniors : un modèle rejeté par la profession
Annoncée comme une avancée structurante pour renforcer la formation des futurs généralistes et lutter contre les déserts médicaux, la création du statut de docteur junior en médecine générale se heurte à un mur : celui de la rémunération.
Le gouvernement a présenté en mai 2025 un modèle mixte combinant un forfait fixe de 2375 euros brut et des primes conditionnelles : jusqu'à 1000 euros pour un stage en zone sous-dense (ZIP), 200 ou 500 euros selon l'activité mensuelle, et 1560 euros en moyenne pour la participation à la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Un cumul qui pourrait théoriquement permettre d'atteindre 4500 euros net mensuels. Mais dans les faits, ces montants ne seraient accessibles qu'en remplissant des conditions cumulatives jugées peu réalistes.
Pour Bastien Bailleul (Isnar-IMG), « cette mécanique à paliers revient à niveler vers le bas » la rémunération des internes de médecine générale, en comparaison de leurs homologues hospitaliers. Il dénonce également l'absence de formation à la gestion libérale, une compétence pourtant indispensable pour les futurs installés, que permettrait une rémunération partiellement à l'acte.
Maîtres de stage et encadrement : les fondations fragiles d'une année professionnalisante
Autre point de tension : la capacité d'accueil et de supervision. Le gouvernement prévoit une indemnisation de 1800 euros pour les MSU, majorée de 800 euros en ZIP et 400 euros en cas de supervision en PDSA. Des montants jugés insuffisants pour compenser les charges supplémentaires.
Le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) alerte sur le risque d'un « échec de la mise en place ». Selon son président, le Pr Philippe Serayet, les propositions actuelles ne sont pas en mesure de mobiliser les 14 000 MSU nécessaires à l'encadrement de près de 4000 docteurs juniors. Bastien Bailleul résume la position des internes : « C'est 100% de MSU ou rien ».
Interrogé sur la faiblesse de cette rémunération, Yannick Neuder a exclu toute révision : « Il n’y aura pas de réouverture des discussions », a-t-il déclaré, invoquant la nécessité de contenir les dépenses publiques dans un contexte de dette nationale élevée. Une posture jugée déconnectée des réalités de terrain par les syndicats d’enseignants.
La promesse gouvernementale de textes réglementaires « avant l'été » n'a pas apaisé les craintes, d'autant plus que plusieurs volets de la réforme restent flous, notamment les délais pour la soutenance de thèse, le contenu pédagogique ou encore les critères d'évaluation de l'année.
Si l’objectif de former des généralistes mieux préparés et de réduire les déserts médicaux est louable, la réforme pèche par son manque de concertation et de moyens. Une rémunération plus équitable, un encadrement renforcé et des directives claires sont nécessaires pour éviter que cette initiative ne devienne un fardeau pour les internes et les enseignants, au détriment de l’accès aux soins.
Sources : Egora, Le Quotidien du Médecin, Communiqué SNEMG
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