Convention médicale 2024-2029 : la grande redistribution des forfaits et des actes au 1er janvier 2026
Alors que la consultation de référence est désormais fixée à 30 euros, la question n’est plus seulement celle du tarif à l’acte, mais bien de l’équilibre d’ensemble entre rémunérations forfaitaires, revalorisations ciblées et nouvelles incitations.
Un nouveau forfait médecin traitant au centre de la rémunération
Le forfait médecin traitant (FMT) devient le pilier de la rémunération forfaitaire. Il remplace le forfait patientèle et la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), jugés complexes et peu lisibles par de nombreux praticiens.[4]
Le FMT est composé d’un forfait socle versé pour chaque patient inscrit au 31 décembre de l’année N-1, en fonction de sa complexité (âge, présence ou non d’affections de longue durée). À ce socle s’ajoutent plusieurs majorations : 10 euros pour les patients bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), une majoration de 10 % pour les médecins âgés de 67 ans et plus et pour ceux exerçant en zone d’intervention prioritaire (ZIP), portée à 50 % la première année et 30 % la deuxième année pour les primo-installés en ZIP.
La partie prévention du FMT remplace la ROSP. Elle rémunère l’atteinte de 15 indicateurs de prévention (vaccinations, dépistages des cancers, suivi des pathologies chroniques, examens bucco-dentaires, etc.), chaque indicateur validé ajoutant 5 euros par patient au forfait.[4] Contrairement à l’ancienne ROSP, cette rémunération est désormais réservée aux seuls médecins traitants. Un tableau de bord sur Amelipro doit permettre de suivre en temps réel les indicateurs, mais la Caisse vise seulement « la fin du premier semestre 2026 » pour une première mise en ligne.
Sur le plan du calendrier, la dernière ROSP sera versée en 2026 au titre de l’activité 2025, tandis que la part prévention du FMT, calculée sur une « photo » au 31 décembre 2026, ne sera payée qu’en 2027.[4] Pour les cabinets, la transition s’étale donc sur deux exercices, avec un chevauchement temporaire des dispositifs.
Consultations longues et soins non programmés : quels changements au cabinet ?
Autre évolution structurante, l’introduction d’une consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans, réservée au médecin traitant.[6] Cette consultation ne pourra être facturée qu’une fois par an et par patient et uniquement dans trois situations :
- consultation de sortie d’hospitalisation, dans les 45 jours ;
- consultation de déprescription pour des patients hyperpolymédiqués (au moins 10 lignes de traitement), après un bilan de médication réalisé par le pharmacien ;
- consultation d’orientation vers un parcours médico-social, notamment pour les dossiers auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), les demandes d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou l’inscription sur ViaTrajectoire.[6]
Les soins non programmés sont également retouchés. Une majoration de visite rapide (MVR) de 10 euros est créée pour les visites réalisées dans les 24 heures à la demande du Service d’accès aux soins (SAS), tandis que les visites effectuées sur les horaires de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), régulées ou non, bénéficient d’une hausse de 6,5 euros.[1] L’objectif affiché est d’encourager les réponses à domicile pour des situations urgentes mais non vitales, dans un contexte de tension persistante sur les services d’urgences.
Parallèlement, les consultations avancées sont instaurées pour les zones sous-denses. Ce dispositif permet à des spécialistes ou à des généralistes installés hors ZIP d’assurer des demi-journées de consultation sur des territoires en tension, rémunérées 200 euros par demi-journée, dans la limite de six demi-journées par mois. Ce mécanisme conventionnel s’ajoute au dispositif de solidarité territoriale déjà existant pour les généralistes.
Aides démographiques et missions spécifiques : quelle attractivité pour l’exercice libéral ?
Au 1er janvier 2026, la convention tourne la page des contrats démographiques issus du texte de 2016. La plupart des aides à l’installation en ZIP sont arrêtées, à l’exception du contrat de stabilisation et de coordination des médecins (Coscom), maintenu pour les praticiens déjà engagés.[4] Elles sont remplacées par des primes ponctuelles : 10 000 euros pour une primo-installation en zone d’intervention prioritaire (ZIP), 5 000 euros en zone d’accompagnement complémentaire (ZAC) et 3 000 euros pour l’ouverture d’un cabinet secondaire en ZIP.
Ces incitations financières s’ajoutent aux majorations de FMT en zones sous-denses. Elles interviennent toutefois dans un contexte où les installations de généralistes restent fragiles malgré les dispositifs existants.[7] Les syndicats soulignent régulièrement le décalage entre le montant des primes et la réalité des charges, du temps de travail et de l’isolement dans certains territoires.
Les missions spécifiques bénéficient, elles aussi, d’une reconnaissance financière. L’encadrement des étudiants en médecine est rémunéré 500 euros par an, montant porté à 800 euros pour les maîtres de stage universitaires (MSU) exerçant en ZIP. La participation au SAS donne droit à une rémunération annuelle de 1 000 euros, contre 1 400 euros auparavant via le forfait structure, ce qui représente une baisse pointée par plusieurs organisations comme un mauvais signal à l’égard de l’engagement dans les soins non programmés.[1]
De la ROSP au forfait prévention et à la Donum : un paysage forfaitaire recomposé
Jusqu’à fin 2025, la rémunération forfaitaire des médecins libéraux reposait sur trois piliers : forfait patientèle, ROSP et forfait structure.[4],[5] Avec la convention 2024-2029, cette architecture est simplifiée en apparence mais profondément recomposée : le FMT fusionne forfait patientèle et ROSP, tandis que la dotation numérique (DONUM) remplace le forfait structure au 1er janvier 2026.[5]
La DONUM est une aide annuelle dédiée à l’équipement numérique du cabinet (logiciel référencé Ségur, messagerie sécurisée, téléservices, etc.). Elle se compose d’indicateurs socles et optionnels exclusivement liés à l’usage des outils numériques, la valeur du point étant fixée à 7 euros.[5] Le montant maximal atteignable est de 2 940 euros par an, soit environ la moitié de ce que pouvait représenter le forfait structure dans sa dernière version.[1]
Cette évolution intervient alors que les dépenses liées aux outils numériques au cabinet constituent un poste de charges en forte croissance.[3] Pour une partie de la profession, le niveau de la DONUM risque de créer un effet de ciseau entre la hausse des investissements exigés par la convention et le montant de l’aide réellement perçue.
La bascule de la ROSP vers le forfait prévention inclus dans le FMT modifie également les équilibres. D’une rémunération sur objectifs ouverte à un large spectre de prescripteurs, on passe à une logique centrée sur le médecin traitant, avec un calcul indexé sur la patientèle déclarée.[4] Les généralistes fortement engagés dans la prévention et le suivi des pathologies chroniques devraient y trouver un levier de rémunération supplémentaire, tandis que d’autres, avec une patientèle plus jeune ou moins suivie, pourraient voir leurs marges de progression limitées.
Revalorisations ciblées et bonus sobriété : des signaux financiers à décoder
Au-delà des forfaits, la convention 2024-2029 prévoit plusieurs revalorisations ciblées. Pour les spécialités cliniques, le 1er janvier 2026 marque la deuxième étape de hausse : 2 euros sur la consultation de référence en psychiatrie, avec 6 euros pour la majoration enfants et jeunes adultes ; 5 euros pour la consultation de référence des gériatres ; 3 euros pour les gynécologues médicaux ; 5 euros pour les examens obligatoires de l’enfant jusqu’à deux ans et 6 euros pour les consultations avec certificat en pédiatrie.[1]
Le rôle d’expertise de second recours des pédiatres est également reconnu par la création d’une consultation de recours pédiatrique à 60 euros, sur adressage écrit de la protection maternelle et infantile (PMI), de la médecine scolaire ou de certains paramédicaux (sages-femmes, orthophonistes, orthoptistes). Les actes techniques bénéficient, de leur côté, d’une hausse de la valeur du point travail à 0,47 euro, ainsi que d’une augmentation des modificateurs K ( 30 %) et T ( 21,5 %) pour la chirurgie et l’obstétrique.[1]
Enfin, l’année 2026 voit l’entrée en scène du bonus sobriété des prescriptions. Ce dispositif prévoit une prime pouvant atteindre 1 000 euros, versée aux 30 % de médecins généralistes présentant le ratio de sobriété des prescriptions le plus favorable, pondéré par la taille de la patientèle.[6],[8] Un bonus additionnel est prévu pour certains médecins dont le ratio de sobriété s’améliore d’au moins 10 % par rapport à l’année de référence.[6]
Présenté comme un levier de pertinence des prescriptions, ce dispositif suscite déjà des débats : si certains y voient une incitation bienvenue à la déprescription raisonnée, d’autres redoutent qu’il ne pénalise les praticiens dont la patientèle est plus lourde, en gériatrie notamment, ou ceux exerçant en ZIP avec un taux élevé de pathologies chroniques.
Une rémunération plus incitative, mais plus hétérogène
Au total, la convention médicale 2024-2029 ne se contente pas d’ajouter quelques euros à la consultation. Elle oriente la rémunération des médecins libéraux vers un modèle plus incitatif, fondé sur la fonction de médecin traitant, l’usage du numérique, la participation aux missions de service public et la maîtrise des prescriptions.[2],[4]
Les gagnants potentiels de cette réforme seront les cabinets fortement engagés dans le suivi de patientèles complexes, investis en prévention, situés en zones sous-denses et déjà structurés pour répondre aux exigences numériques. À l’inverse, la diminution du forfait structure, la disparition de la ROSP pour les non médecins traitants et le niveau de la DONUM laissent planer un risque de stagnation, voire de recul, pour certains profils.
Pour des praticiens qui ont souvent le nez dans le guidon, la multiplication des dispositifs – forfaits, missions spécifiques, bonus, dotations – rend d’autant plus nécessaire une cartographie fine des sources de revenus : actes, forfaits, missions spécifiques, bonus. Dans les mois qui viennent, l’enjeu sera de mesurer concrètement l’impact de cette « grande redistribution » au 1er janvier 2026 sur chaque cabinet.
Références
1. Fédération des Médecins de France – « Les nouveautés conventionnelles tarifaires du 1er janvier 2026 », 07/12/2025, disponible en ligne : https://www.fmfpro.org/les-nouveautes-conventionnelles-tarifaires-du-1er-janvier-2026/
2. Caducee.net – « Convention médicale : la CNAM annonce le calendrier du déploiement », 06/12/2024, disponible en ligne : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16486/convention-medicale-la-cnam-annonce-le-calendrier-du-deploiement.html
3. Caducee.net – « Médecins libéraux et outils numériques : un poste de dépenses en pleine expansion », 02/10/2024, disponible en ligne : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16435/medecins-liberaux-et-outils-numeriques-un-poste-de-depenses-en-pleine-expansion.html
4. URPS Médecins Libéraux Centre – « Convention médicale : ce qu’il faut retenir du nouveau texte », 2024, disponible en ligne : https://urpsml-centre.org/convention-medicale-ce-quil-faut-retenir-du-nouveau-texte/
5. G_NIUS – « Forfait structure », fiche financement, consultée en 2025, disponible en ligne : https://gnius.esante.gouv.fr/fr/financements/fiches-remboursement/forfait-structure
6. SNORL – « Présentation synthétique de la convention médicale 2024 », 04/06/2024, document PDF, disponible en ligne : https://www.snorl.org/wp-content/uploads/2024/06/Presentation-synthetique-Convention-Medicale-vdef.pdf
7. Caducee.net – « Installations de généralistes : un bilan contrasté et des outils pour relancer la dynamique », 04/11/2025, disponible en ligne : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16681/installations-de-generalistes-un-bilan-contraste-et-des-outils-pour-relancer-la-dynamique.html
8. Fédération des Médecins de France – « Suivi sobriété ? », 19/06/2025, disponible en ligne : https://www.fmfpro.org/suivi-sobriete/
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