Décret infirmier : consultation, diagnostic et prescription entrent dans le droit

Décret infirmier : consultation, diagnostic et prescription entrent dans le droit Publié au Journal officiel du 26 décembre 2025, le décret n° 2025-1306 refonde le périmètre de l’exercice infirmier en France. Pris pour décliner la loi du 27 juin 2025 sur la profession d’infirmier, il consacre la consultation infirmière, explicite la notion de diagnostic infirmier et inscrit la possibilité, pour l’infirmier diplômé d’État (IDE), de prescrire certains produits et examens, sous réserve de listes à paraître par arrêté.[1][2]

Un texte d’application qui déplace le centre de gravité de l’exercice

Le décret modifie la partie réglementaire du code de la santé publique et réécrit, notamment, les articles R. 4311-1 à R. 4311-7.[1] Son fil conducteur se lit dès l’article R. 4311-1 :

« L'exercice de la profession infirmière comporte l'initiation, l'analyse, la réalisation, l'organisation et l'évaluation des actes et soins infirmiers ».[1]

En termes de politique de santé, cette formulation acte un basculement : l’IDE n’est plus seulement identifié par l’exécution de soins prescrits, mais par une capacité d’initiative encadrée, appelée à changer d’échelle dans un système confronté à la tension démographique médicale et à l’engorgement de certains parcours.[3]

L’autonomie accrue est toutefois indissociable d’exigences organisationnelles. Le texte souligne que l’IDE « exerce ses activités en coordination et collaboration » et qu’il « initie et assure la traçabilité des soins infirmiers dans le dossier du patient ».[1] Autrement dit, la réforme combine élargissement du rôle clinique et renforcement des obligations de coordination et de documentation, deux points régulièrement mis en avant par les acteurs de terrain.[4]

Des domaines d’activité structurés, mais encore dépendants de textes d’application

Le cœur opérationnel est renvoyé à des arrêtés : l’article R. 4311-2 évoque les « domaines d'activité et de compétence » et rappelle que les actes et soins doivent s’appuyer sur « l'évolution scientifique et technique des pratiques, des données probantes ».[1] Mais plusieurs listes déterminantes (actes pouvant être initiés, actes pouvant être délégués à des aides-soignants, produits et examens prescrits) doivent être fixées par voie réglementaire ultérieure.[1] La portée réelle du texte se jouera donc dans ce travail de précision.

Consultation et diagnostic infirmiers : une reconnaissance juridique à clarifier sur le plan clinique

La loi du 27 juin 2025 avait posé le principe : l’IDE « effectue des consultations infirmières et pose un diagnostic infirmier ».[2] Le décret donne une ossature à cette évolution.

Diagnostic infirmier : l’identification de besoins relevant du champ infirmier

L’article R. 4311-3 précise que l’infirmier peut élaborer des « diagnostics infirmiers entendus comme l'identification des besoins de santé relevant du champ de compétences infirmier ».[1] Le texte rattache cette démarche à un « raisonnement clinique » et à l’analyse de la situation de la personne « et de son environnement ».[1]

Dans son communiqué, Convergence infirmière insiste sur la frontière à maintenir : la consultation infirmière « n’est pas une consultation médicale et ne se substitue pas au diagnostic médical et ne le concurrence pas » ; elle « intervient une fois le diagnostic médical posé ».[5] L’organisation rappelle également l’existence de référentiels et de classifications propres à la discipline, citant une « classification internationale de référence » comprenant « 267 diagnostics infirmiers ».[5]

Consultation infirmière : prévention, éducation, soins relationnels et soutien psychologique

Le décret décrit la consultation infirmière comme un cadre qui agrège plusieurs composantes de l’activité. Il mentionne des soins « à visée de dépistage, préventive, éducative, diagnostique, thérapeutique, relationnelle et palliative, en particulier dans le cadre d'une consultation infirmière ».[1]

Un point retient l’attention : l’intégration explicite du soutien psychologique dans le champ des soins relationnels. L’IDE est appelé à « assurer les soins relationnels permettant d'apporter un soutien psychologique, qui s'inscrivent dans une prise en charge globale de la personne ».[1] Plusieurs commentaires y voient la reconnaissance d’une réalité clinique de terrain, notamment en ville et à domicile, où l’IDE occupe souvent une place de première écoute et d’orientation, en articulation avec les autres professionnels.[3]

Rôle propre, accès direct et prescription : l’élargissement sous condition de listes et d’organisation

Accès direct : un principe affirmé, une mise en pratique suspendue aux arrêtés

Dans le cadre du rôle propre, l’article R. 4311-4 dispose que l’IDE peut « prendre en charge directement les patients » et « initier, accomplir et évaluer les actes et les soins qu'il estime nécessaires », à condition qu’ils figurent « dans une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé ».[1] C’est un pivot : l’accès direct est acté, mais sa traduction dépendra du calibrage de la liste et des conditions (organisation, coopération, traçabilité, articulation avec le médecin traitant).

La presse professionnelle rapporte, en outre, des précisions attribuées au Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) sur une mise en place « dans un cadre expérimental de trois ans, autorisé dans cinq départements ».[4] À ce stade, l’élément le plus robuste reste la mécanique du décret, centrée sur des listes et des modalités fixées par arrêté ; le périmètre exact et les territoires concernés devront être confirmés par les textes d’application.[1]

Prescription infirmière : un droit ouvert par la loi, borné par une liste après avis de la HAS

La loi du 27 juin 2025 a ouvert la possibilité : l’IDE « prescrit les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l'exercice de sa profession » ; la liste est fixée par arrêté « après avis de la Haute Autorité de santé » (HAS) et de « l'Académie nationale de médecine », et elle doit être « mise à jour au moins tous les trois ans ».[2] Le décret acte, lui, la faculté de prescrire des produits de santé et des examens complémentaires et renvoie, là encore, aux textes d’application qui en délimiteront la portée.[1]

Dans la pratique, l’enjeu ne se limite pas à l’ouverture du droit : il s’agit de tracer une ligne claire entre ce qui relève d’une prescription infirmière autonome, ce qui suppose une coopération formalisée et ce qui doit rester dans le champ médical. Les controverses de l’automne 2025 autour du projet de décret — notamment sur l’accès direct et l’ampleur des compétences — illustrent les arbitrages attendus.[7]

Mise en œuvre : un calendrier conditionnel et le rendez-vous des négociations conventionnelles

Le décret prévoit une entrée en vigueur « le lendemain de la publication de l'arrêté » pris pour l’application de l’article L. 4311-1 du code de la santé publique, « et au plus tard le 30 juin 2026 ».[1] La réforme est donc juridiquement enclenchée, mais dépendante d’une séquence d’arrêtés qui, en pratique, donneront son épaisseur au texte.

Sur le plan économique, la loi avait déjà balisé le terrain : « La promulgation de la présente loi donne lieu à une négociation sur la rémunération des infirmiers » afin de tenir compte des évolutions de compétences.[2] Convergence infirmière le formule explicitement : « ce décret ne crée pas la rémunération de la consultation infirmière » et renvoie la reconnaissance financière à la négociation conventionnelle.[5] La Fédération nationale des infirmiers (FNI) salue, de son côté, une avancée majeure tout en soulignant que la publication d'un décret ne suffit pas et en annonçant une vigilance sur les arrêtés attendus et sur les conditions concrètes d’exercice.[6]

À ce titre, les discussions engagées avec l’Assurance maladie pour la revalorisation des infirmiers libéraux (IDEL) apparaissent comme l’autre versant de la réforme : transformer des compétences élargies en organisations viables et en rémunérations lisibles, sans creuser des écarts entre territoires ou modes d’exercice. Un état des lieux de ces échanges a été détaillé en décembre 2025 dans la presse professionnelle.[8]

Liens internes utiles

Pour situer les tensions de l’automne 2025 autour du projet de texte : les critiques de l’Ordre et la lecture “conforme” de la FNI sur le projet de décret infirmier.[7]

Pour comprendre l’arrière-plan conventionnel : l’état des négociations de revalorisation des IDEL en 2025.[8]

Références

[1] Légifrance, « Décret n° 2025-1306 du 24 décembre 2025 relatif aux activités et compétences de la profession d'infirmier », JORF n°0302 du 26 décembre 2025 (texte n° 85), 26/12/2025 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000053165854

[2] Légifrance, « Loi n° 2025-581 du 27 juin 2025 sur la profession d'infirmier », 27/06/2025 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051806032

[3] TF1 Info, « Accès direct sans ordonnance, droit de prescription... ce que prévoit le décret qui élargit la mission des infirmières », 26/12/2025 : https://www.tf1info.fr/sante/acces-direct-sans-ordonnance-droit-de-prescription-ce-que-prevoit-le-decret-publie-ce-vendredi-qui-elargit-la-mission-des-infirmieres-2415019.html

[4] Egora, « Accès direct, droit de prescription… Les missions des infirmières officiellement élargies par décret », 26/12/2025 : https://www.egora.fr/actus-pro/exercice-coordonne/acces-direct-droit-de-prescription-les-missions-des-infirmieres

[5] Convergence infirmière, « Publication du décret infirmier : une étape structurante pour l’exercice infirmier et la consultation infirmière », 26/12/2025 : https://convergenceinfirmiere.com/publication-du-decret-infirmier-une-etape-structurante-pour-lexercice-infirmier-et-la-consultation-infirmiere/

[6] FNI, « Publication du Décret infirmier au Journal Officiel : la FNI salue une avancée majeure », 26/12/2025 : https://fni.fr/publication-du-decret-infirmier-au-journal-officiel-la-fni-salue-une-avancee-majeure/

[7] Caducee.net, « Décret infirmier : un projet jugé « très éloigné » par l’Ordre, « conforme » selon la FNI », 27/09/2025 : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16662/decret-infirmier-un-projet-juge-tres-eloigne-par-l-ordre-conforme-selon-la-fni.html

[8] Caducee.net, « Revalorisation des infirmières libérales : où en sont les négociations conventionnelles 2025 ? », 16/12/2025 : https://www.caducee.net/actualite-medicale/16726/revalorisation-des-infirmieres-liberales-ou-en-sont-les-negociations-conventionnelles-2025.html

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