Téléphonie mobile et Santé
Entretien avec M. François Guillemin, Rapporteur : Elisabeth Faure Plus d'un français sur deux possède aujourd'hui un téléphone mobile. C'est devenu en l'espace de quelques temps un élément à part entière de la vie quotidienne. Dans le même temps, la population a pu observer l'installation d'un grand nombre d'antennes sur des pylônes, des édifices publics, et en ville, sur des immeubles de bureaux et des bâtiments d'habitation. Ces antennes sont venues s'ajouter aux antennes des stations de radiodiffusion, de télévision et de radio professionnelle. Face à l'inquiétude croissante de l'opinion publique, caducee.net a voulu en savoir un peu plus sur les dangers sanitaires des téléphones portables et des antennes relais... Caducee.net : Quels sont les effets sur la santé des champs électromagnétiques émis par les antennes relais ?
François Guillemin : Il faut tout d'abord bien distinguer les effets biologiques et les effets sanitaires. Actuellement aucun groupe d'experts ne retient l'hypothèse d'un risque pour la santé des populations vivant à proximité des antennes relais compte tenu des niveaux d'exposition constatés. Les niveaux d'exposition dus aux réseaux de téléphonie mobile sont en moyenne 100 fois plus faibles que ceux générés par les émetteurs de diffusion de la radio FM et de la télévision et on n'a jamais constaté d'effets sanitaires dus à l'exposition des ces ondes radioélectriques. De plus, la puissance des champs électromagnétiques décroît très vite lorsqu'on s'éloigne de l'antenne relais. Par conséquent, éloigner les antennes relais à plus de 100 m des habitations n'a pas d'effet bénéfique, au contraire, cet éloignement aurait comme principal effet d'obliger la station relais et le téléphone mobile à émettre à pleine puissance ce qu'il faut justement éviter. Mais compte-tenu de la perception particulière du public vis à vis des enfants, nous avons choisi de ne plus installer de stations de base en toiture d'école et ce même si les antennes relais ne présentent pas de danger. Nous suivons ainsi le rapport Zmirou qui recommande, pour atténuer les craintes du public, que les bâtiments sensibles (hôpitaux, crêches et écoles) situés à moins de 100 m d'une station de base macro cellulaire ne soient pas atteints directement par le faisceau de l'antenne. Dans le cas où des personnes seraient amenées à stationner dans les périmètres de sécurité, les émissions doivent être coupées. Si les personnes restent en dehors de la zone balisée, elles ne courent aucun risque. Nous avons pu constater malgré tout ce qu'on appelle un "effet nocebo". Certaines personnes se plaignent de différents troubles coïncidant exactement avec l'installation de nos antennes, alors même que ces antennes ne sont pas encore reliées à notre réseau et n'émettent par la moindre onde. La prise en compte de ce facteur psychologique ne peut se faire qu'à travers une meilleure communication du public par les opérateurs, les scientifiques et les pouvoirs publics. Caducee.net : Et qu'en est-il des téléphones portables ? F.G. : Les téléphones portables n'ont pas de risque sanitaire avéré (voir aussi le rapport Zmirou). En outre, ils génèrent des effets biologiques variés chez l'homme (comme la modification de l'électroencéphalogramme) mais il n'est pas possible de dire aujourd'hui qu'ils représentent des menaces pour la santé. La recherche doit se poursuivre. Il est vrai que la température du cerveau peut s'élever légèrement lors d'une communication mobile mais seulement de 0,1°C au maximum, ce qui reste très inférieur aux autres causes naturelles d'échauffement. Concernant les stimulateurs cardiaques, aucune perturbation n'a été observée lorsque le portable se situe à une distance supérieure à 15 cm de l'împlant. Il est simplement conseiller aux porteurs de stimulateur cardiaque de ne pas porter leur mobile près de l'implant, dans une poche de chemise par exemple, mais de l'en éloigner. Caducee.net : Que pensez-vous des recommandations du ministère de la santé publiées à la fois sous forme d'un dépliant et sur leur site Internet intitulé " Pour un bon usage du portable " ? F.G. : Elles sont respectables et souhaitables puisqu'elles permettent à chacun d'agir en "bon père de famille". Caducee.net : Quelles mesures préconisez-vous au sujet de l'utilisation des téléphones portables et de l'implantation de leurs stations de base ? F.G. : Pour assurer un meilleur confort d'utilisation à nos clients, l'opérateur a décidé d'introduire des "kits oreillettes" dans tous les coffrets commercialisés. Cette initiative répond au rapport Zmirou ; celui-ci préconise en effet l'utilisation du kit oreillette en vertu du principe de précaution afin de réduire le niveau d'exposition des clients aux ondes émises par les terminaux. Ces kits ont en effet pour objectif d'éloigner le mobile du crâne et donc de réduire notablement le niveau de rayonnement reçu par ce dernier. D'autre part, la publication des niveaux d'exposition des terminaux commercialisés va être généralisée. Ils figureront en plus du site internet de Bouygues Télécom sur les brochures d'information destinées à la clientèle. Ces valeurs sont la DAS (degré d'absorption spécifique) et correspondent à la puissance absorbée par une unité de masse de tissus du corps humain et sont exprimées en Watt par Kilogramme. Les DAS des mobiles proposés sont testés afin que les niveaux d'exposition aux ondes soient bien conformes à la recommandation européenne en vigueur ; celle-ci indique que le DAS au niveau de la tête doit être inférieur à 2W/Kg. Nous essayons de pousser les fabricants de portables à baisser les taux d'émission en leur faisant passer le message "qu'informer l'acquéreur" est un critère d'achat pour le client. Nous souhaitons que les fabricants s'investissent davantage dans une rôle "d'écoenvironnement". Nous avons installé un balisage par chaînettes autour des antennes, sur chacun des sites où il est possible de stationner devant les antennes, afin de marquer les limites d'exposition définies dans la recommandation européenne du 12 juillet 1999 et la circulaire interministérielle du 16 octobre 2001, et de permettre aux intervenants de les respecter. Chaque fois que nécessaire, par exemple en cas de travaux ou d'opérations de maintenance, les émissions des stations relais sont coupées par mesure de sécurité. Nous faisons par ailleurs vérifier la conformité des mesures de DAS des téléphones mobiles aux limites fixées par la recommandation européenne du 12 juillet 1999, par un laboratoire indépendant. Caducee.net : Comment pensez-vous que l'on puisse améliorer l'information au public ? F.G. : Par soucis de crédibilité envers le public, nous sommes contraint à diffuser une information la plus objective possible n'incitant pas à une propagande commerciale. Répondant au souhait du public d'une information plus complète sur les niveaux d'exposition auxquels ils sont soumis, nous proposons aux personnes vivant à proximité d'une antenne relais de faire réaliser par un bureau de contrôle indépendant une mesure des différentes composantes du champ électromagnétique se touvant dans leur résidence. Nous communiquons le plus possible au travers de conférences auxquelles viennent participer des scientifiques, notamment des experts qui on participé à la rédaction du rapport Zmirou, mais aussi l'ANFR (Agence nationale des fréquences). Nous essayons de tenir informer les gens sur la réglementation, les avancées technologiques sans se mettre en avant. Dans notre volonté de communiquer, nous avons créer sur notre site Internet un espace consacré à l'état des lieux des connaissances actuelles sur le sujet ainsi que l'avancée des recherches. Nous éditons aussi une brochure d'information "Radiofréquences et Santé - Etat des lieux" à plus de 20 000 exemplaires, nous suscitons des réunions d'information dans les collectivités territoriales. Sur l'ensemble de ses connaissances et sur les actions de protection qu'elle mène, en interne et en externe, l'entreprise a fait le choix de la transparence. Nous avons révisé tous les guides utilisateurs des téléphones mobiles avec les fabricants afin de préciser les précautions à prendre en cas par exemple de port d'un stimulateur cardiaque ou de possession d'appareils médicaux à domicile. Caducee.net : Comment organisez-vous la veille scientifique sur la question des possibles effets sanitaires de la téléphonie mobile ? F.G. : Depuis 1996, un comité de pilotage se réunit chaque semestre pour suivre l'avancée des recherches et définir un plan d'action régulièrement actualisé. L'entreprise participe également aux conférences organisées par l'OMS, la société de bio-électromagnétisme américaine (BEMS), la Commission internationale de protection contre les rayonnements ionisants (ICNIRP) et l'association européenne de bio-électromagnétisme. Depuis 3 ans, nous collaborons aussi avec le Centre National d'Etude des Télécommunications en particulier en matière de recherche médical (EBEA). Enfin, l'entreprise collabore avec deux organismes de normalisation : l'Union Technique de l'Electricité et le Comité Européen de Normalisation Electrotechnique (CENELEC). Pour les recherches en dosimétrie nous travaillons avec SUPELEC et le centre national d'étude des télécommunications, et nous participons au projet Communication Mobile et Biologie (COMOBIO), sous l'égide du Ministère de la Recherche et du Ministère de l'industrie.
L'entreprise finance aussi depuis 1999 des recherches médicales sur les effets des ondes électromagnétiques effectuées par le Laboratoire de physique des interactions onde matière de l'Ecole Nationale Supérieure de chimie et de Physique de Bordeaux, le Laboratoire de biophysique médicale de la Faculté de médecine de Nîmes, l'Institut National d'Etude des risques industriels (INERIS), l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA) et la faculté de Pharmacie de Montpellier.
|
|