Cancer du sein chez la femme : incidence et mortalité, France 2000

1 Registre des tumeurs de l’Hérault, Montpellier 2 Registre général des tumeurs du Calvados, Caen 3 Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé, Paris 4 Réseau français des registres de cancer, Toulouse 5 Inserm, CépiDc, Le Vésinet

INVS, BEH 44/2004 26 octobre 2004

Brigitte Trétarre1, Anne Valérie Guizard2, Danièle Fontaine3, les membres du réseau Francim4 et le CépiDc-Inserm5

1 Registre des tumeurs de l’Hérault, Montpellier 2 Registre général des tumeurs du Calvados, Caen 3 Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé, Paris 4 Réseau français des registres de cancer, Toulouse 5 Inserm, CépiDc, Le Vésinet

INTRODUCTION

Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers dans les pays occidentaux. En France, des estimations d’incidence régionales et nationales ont été réalisées à partir des données des registres de cancers qui couvrent 13 % de la population. L’objectif de cet article est de décrire les variations temporelles et géographiques de l’incidence et de la mortalité du cancer du sein chez la femme en France, à partir des estimations du réseau français des registres de cancers (Francim).

MATéRIELS ET MéTHODE

Les données d’incidence provenaient de 10 départements couverts par un registre de cancers : le Bas-Rhin (période 1978¬1996), le Calvados (1978-1996), le Doubs (1978-1996), le Haut-Rhin (1988-1997), l’Hérault (1986-1996), l’Isère (1979-1997), la Loire-Atlantique (1991-1996), la Manche (1994-1996), la Somme (1982-1996) et le Tarn (1982-1997). Le calcul de l’incidence ne concernait que les cancers invasifs chez la femme.

Tous les cas de code topographique C50 selon la classification internationale des maladies en oncologie, 2e édition, (CIM-O-2), ont été inclus. Les décès observés en France de 1978 à 1997 induits par un cancer du sein ont été extraits, au niveau du CépiDc de l’Inserm, à partir des codes topographiques 174 de la classification internationale des maladies, version 9 (CIM 9). Les données de population ont été fournies par l’Insee.

Nous avons calculé les taux d’incidence et de mortalité par âge, zone géographique et cohorte de naissance (en ce qui concerne les estimations nationales).

Les estimations des incidences françaises et régionales reposent sur la modélisation du rapport incidence/mortalité observé dans les départements couverts par un registre de cancers. L’application de ce modèle aux autres départements où seule la mortalité est connue permet de calculer le nombre de cas attendus. Toutefois, cela suppose que les variations observées de mortalité sont traduites en variations d’incidence (et donc que la prise en charge diagnostique et thérapeutique

est égale entre les régions). Les estimations nationales ont la particularité d’avoir été calculées par une méthode utilisant un modèle âge-cohorte. Elles viennent d’être publiées par le réseau Francim [1;2].

Les estimations régionales ont été calculées par le réseau Francim à la demande de la Fédération nationale des

Le nombre de décès par cancer du sein en 2000 est de 11 637. Le taux brut de mortalité est de 38,5 pour 100 000 et le taux de mortalité standardisé sur la population mondiale est de 19,7 pour 100 000.

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. Son incidence représente 35,7 % de tous les cancers féminins en 2000. Il concerne les femmes jeunes : la moitié d’entre elles avaient moins de 61 ans au moment du diagnostic (âge médian).

C’est aussi la première cause de mortalité par cancer chez la femme. Durant l’année 2000, sur les 57 734 femmes qui sont décédées d’un cancer, 20,2 % l’ont été à la suite d’un cancer du sein. La mortalité prématurée par cancer du sein est importante puisqu’elle a concerné 4 354 femmes âgées de moins de 65 ans, en 2000.

En fonction de l’âge (figure 1)

En 2000, les taux d’incidence augmentaient de façon importante et régulière, entre 30 et 60 ans pour atteindre un plateau à 320 cas pour 100 000 chez les femmes âgées de 60 à 80 ans. Puis ils diminuent légèrement et avoisinent les 245 cas pour 100 000 à 85 ans et plus.

Les taux de mortalité augmentent régulièrement dès l’âge de 30 ans pour atteindre 218,8 décès pour 100 000, proches des taux d’incidence chez les femmes de 85 ans et plus.

En fonction de la période (figure 2)

L’incidence du cancer du sein a considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies. Entre 1980 et 2000, le taux annuel moyen d’évolution de l’incidence est de + 2,42 %. Le nombre de nouveaux cas a pratiquement doublé en 20 ans (21 211 cas en 1980 et 41 845 cas en 2000).

Durant la même période, la mortalité est restée relativement stable, avec un taux annuel moyen d’évolution de 0,42 %. Le nombre de décès est passé de 8 629 en 1980 à 11 637 en 2000.

En fonction de la cohorte

Le risque de développer un cancer du sein augmente considé­rablement avec l’année de naissance. Cette augmentation concerne l’ensemble des cohortes : une femme née en 1953 a 1,8 fois plus de risque d’avoir un cancer du sein qu’une femme née en 1928. En revanche, le risque de décéder d’un cancer du sein reste à peu près stable pour l’ensemble des cohortes.

Pour les femmes nées en 1928, le taux d’incidence cumulé de 0 à 74 ans est estimé à 7,14 %. En d’autres termes, pour cette génération, une femme sur 14 développerait un cancer du sein avant 75 ans, en l’absence de toute autre cause de décès. Pour les femmes nées en 1953, ce risque est beaucoup plus élevé, puisqu’il est estimé à 12,9 %, soit une femme sur huit. Le taux cumulé de mortalité de 0 à 74 ans pour les femmes nées en 1928 est de 2,21 % (soit une femme sur 45). Ce taux reste sensiblement le même pour toutes les cohortes.

Incidence et mortalité régionales

Les taux d’incidence standardisés sur la population mondiale sont relativement stables entre les différentes régions. Nous observons un pic à 114,9 pour 100 000 dans le Nord-Pas-de-Calais et un taux bas d’incidence à 75,3 pour 100 000 en Auvergne. La grande majorité des autres régions a des taux d’incidence compris entre 80 et 95 pour 100 000. Le nombre de décès pour l’année 2000 est donné dans le tableau 1, pour chaque région.

DISCUSSION

Les taux d’incidence présentés dans ce travail n’incluent pas les cancers in situ qui peuvent représenter 5 à 12 % de la totalité des cancers, selon les départements.

L’augmentation d’incidence observée est certainement multifactorielle, sans que l’on puisse déterminer la part réelle des différents facteurs de risques, qu’ils soient génétiques, hormonaux et/ou environnementaux. Les formes familiales avec une prédisposition génétique concernent 5 à 10 % des antécédents personnels d’hyperplasie atypique.

Le contraste entre l’augmentation d’incidence et la stabilité de la mortalité, observé depuis 20 ans en Europe et aux Etats-Unis, est en majeure partie expliqué par l’amélioration des traitements et par le diagnostic précoce, sans qu’il soit possible d’estimer l’implication de ces facteurs dans l’évolution observée.

L’étude Eurocare-3 qui analyse la survie des patients atteints de cancer dans 22 pays à partir des données de 56 registres européens montre une survie relative globale à cinq ans de 78 % pour le cancer du sein. Cette survie dépasse les 80 % dans les pays nordiques et avoisine les 60-70 % dans les pays de l’Europe de l’Est. La France arrive en troisième position avec une survie relative à 5 ans de 82 % [3]. Une étude plus détaillée sur les données de 17 registres européens de six pays différents a analysé la survie relative à cinq ans de 4 478 patientes ayant présenté un cancer du sein en 1990-1992 en fonction des stades et des traitements réalisés [4]. Cette étude a montré que la différence de survie entre les pays était principalement liée au stade de la maladie au moment du diagnostic. La meilleure survie était observée dans le groupe français formé par le Bas-Rhin, la Côte d’Or, l’Hérault et l’Isère (86 %), la survie la plus basse en Estonie (66 %). Or, ces deux groupes géographiques sont caractérisés, respectivement, par les plus hauts (39 % de T1N0M0) et les plus bas (9 %) pourcentages de femmes présentant un stade précoce de la maladie au moment du diagnostic.

CONCLUSION

Le cancer du sein reste un problème majeur de santé publique. C’est le cancer le plus fréquemment observé (35,7 % des cancers féminins), son incidence s’accroît régulièrement (+ 60 % en 20 ans), il atteint majoritairement des femmes jeunes et actives (âge médian au diagnostic de 61 ans), il est la cause de nombreux décès chaque année (première cause de décès par cancer chez la femme) avec une mortalité prématurée importante (4 354 décès avant 65 ans en 2000). Le seul moyen de combattre cette maladie, en dehors des avancées thérapeutiques, est de faire un diagnostic précoce pour améliorer le pronostic, puisque la survie est fortement associée au stade de la tumeur au moment du diagnostic. D’où l’intérêt de la généralisation du dépistage qui se met progressivement en place sur le territoire français, en plus de la détection des femmes qui présentent des formes familiales avec une prédisposition génétique particulière.

ONT PARTICIPé à CE TRAVAIL :

L. Remontetet J. Estève (Service de biostatistiques, Lyon-Sud),

F. Ménégoz et M. Colonna (Registre des cancers de l’Isère), J. Macé-Lesec’h (Registre des cancers du Calvados), J. Peng (Registre des Cancers de la Somme), A. Buémi (Registre des cancers du Haut-Rhin),

M. Velten (Registre des cancers du Bas-Rhin), P. Arveux (Registre des cancers du Doubs), F. Molinié (Registre des cancers de Loire-Atlantique),

E. Jougla (Inserm CépiDc), E. Michel (Inserm CépiDc).

REMERCIEMENTS

Nous remercions, pour leur collaboration, tous les médecins (pathologistes, oncologues, chirurgiens et autres spécialistes ou généralistes) qui contribuent au bon fonctionnement des registres de cancers, d’une manière tout à fait bénévole, dans le seul souci d’apporter leur contribution à la santé publique.

RéFéRENCES

[1] Remontet L, Esteve J, Bouvier AM, Grosclaude P, Launoy G, Menegoz F, Exbrayat C, Tretarre B, Carli PM, Guizard AV, Troussard X, Bercelli P, Colonna M, Halna JM, Hedelin G, Mace-Lesec’h J, Peng J, Buemi A, Velten M, Jougla E, Arveux P, Le Bodic L, Michel E, Sauvage M, Schvartz C, Faivre J: Cancer incidence and mortality in France over the period 1978-2000. Rev Epidémiol Santé Publique 2003, 51: 3-30.

[2] Remontet L, Buemi A, Velten M, Jougla E, Esteve J: évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer en France de 1978 à 2000. Publié par les Registres des cancers français (Francim), l’Institut de veille sanitaire et l’Inserm Paris. Actis - ao ût 2003 (217 pages).

[3] Coleman MP, Gatta G, Verdecchia A, Esteve J, Sant M, Storm H, Allemani C, Ciccolallo L, Santaquilani, Berrino F and the Eurocare Working Group : Eurocare-3, summary : cancer survival in Europe at the end of the 20th century. Annals of oncology 14 (supplement 5): v128-v149, 2003.

[4] Sant M, Allemani C, Capocaccia R, Hakulinen T, The Eurocare working group. Stage at diagnosis is a key explanation of differences in breast cancer survival across Europe. Int. J, Cancer (2003) 106, 416-22.

Source

Descripteur MESH : Mortalité , Incidence , Tumeurs , Santé , Paris , Tumeurs du sein , Femmes , Survie , France , Diagnostic , Risque , Population , Réseau , Santé publique , Europe , Maladie , Génétique , Travail , Classification , Diagnostic précoce , Classification internationale des maladies , Estonie , Pronostic , Stade de la tumeur , Édition , Mortalité prématurée , Cause de décès , Membres , Biostatistiques

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