La déontologie médicale doit redevenir le fil conducteur de toute réforme du système de santé, en ville comme à l’hôpital

La déontologie médicale doit redevenir le fil conducteur de toute réforme du système de santé, en ville comme à l’hôpital Suite aux annonces du Président de la République ce vendredi 6 janvier 2023 et à l’issue des 2 dernières réunions de l’Association Médicale de Défense de la Déontologie et des Droits des Malades [AMDDDM], qui se sont tenues à Paris en Mai et à Grenoble en Décembre 2022, les membres de l’association dressent tous le même constat : les atteintes à la déontologie médicale et au droit d’accès aux soins des patients sont de plus en plus fréquentes, graves et doivent être prises en compte en urgence.

Les médecins, pharmaciens et sages-femmes de l’AMDDDM — tous statuts, modes d’exercice et spécialités confondus — observent et s’inquiètent d’une perte de sens des règles éthiques contenues dans le code de déontologie médicale et tirent la sonnette d’alarme sur le non-respect croissant et inacceptable des principes les plus élémentaires qui fondent l’exercice de la médecine et de la santé publique. Ces règles, qui sont à la base de notre médecine humaniste, se sont développées dès l’Antiquité et se retrouvent notamment dans le serment d’Hippocrate. Elles visent principalement à protéger le patient et à lui offrir les meilleurs soins possibles, mais également à protéger le médecin face aux pressions de la société et du pouvoir politique.

Ces dernières années ont été le théâtre d’un piétinement, voire parfois d’une inversion, des règles qui garantissent l’indépendance du médecin et des valeurs fondamentales qui doivent guider la prise en charge et l’accompagnement des malades : 1/l’obligation de soin sans aucune discrimination, 2/le respect de la dignité et du consentement de la personne, 3/le respect du secret médical et 4/l’obligation de ne surtout pas nuire et de respecter en toutes circonstances l’intérêt supérieur du patient.

Or, les injonctions et contraintes administratives diverses et variées, la stigmatisation de confrères et de patients, les violations du secret médical, les refus ou retards de consultation, de prise en charge ou d’hospitalisation, les dérogations aux principes qui régissent la participation à la recherche clinique, la non — application du principe de précaution, les consignes autoritaires et interdictions de prescription, ainsi que les discours sanitaires anxiogènes et culpabilisateurs des professionnels de santé comme des citoyens, sont devenues monnaies courantes.

Les plus vulnérables de notre société (personnes âgées, femmes enceintes, enfants, patients dépendants, en situation de handicap, et/ou en situation de précarité psycho-sociale) ne sont plus protégés correctement et sont même désormais les premières victimes de l’effondrement de notre système de santé. Les pertes de chance des patients atteints de pathologies aiguës et chroniques, avec leur lot de retards diagnostiques et thérapeutiques, émaillent notre quotidien. Que dire du champ de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie livrés à l’abandon, alors même que la santé mentale des adultes, des adolescents et des enfants se détériore à très grande vitesse en France, comme partout en Europe.

Ce constat, qui peut engendrer sidération, déni, colère, résignation, anxiété ou burn-out, est aussi un appel à se mobiliser pour défendre les valeurs qui ont fondé notre motivation à prendre soin des patients et notre engagement à le faire en toutes circonstances.

 

Comme le rappelle Médecins Sans Frontières : « Le droit international humanitaire pose des règles claires en ce qui concerne la protection de l’indépendance des médecins. Cette indépendance est capitale et leur donne la capacité de défendre leur éthique médicale face aux pressions extérieures » et « Loin d’être un phénomène isolé imputable à la barbarie, à la dictature ou à la guerre froide, les études et les pratiques multiples montrent qu’il s’agit au contraire d’une tentation et d’une dérive permanentes de l’utilisation des savoirs et des personnels médicaux »

Aujourd’hui peut être encore plus qu’hier, le chantier est immense, mais pour les membres de l’AMDDDM, composées des compagnons de la première heure du Pr Milliez et de confrères plus jeunes qui les ont rejoints suite aux trop nombreuses et récentes dérives, la détermination à promouvoir et à défendre la déontologie médicale et les droits des malades est plus forte que jamais.

L’Assemblée Générale Extraordinaire qui s’est tenue à Grenoble le 3 décembre dernier fut ainsi consacrée à organiser ce nouvel élan et à procéder au renouvellement des instances de l’AMDDDM, à la modification de ses statuts pour ouvrir l’association aux pharmaciens et aux sages-femmes, ainsi qu’à la modernisation de ses supports de communication…

Le Pr Milliez écrivait en 1990 « Je fais appel aux médecins français mais aussi à tous les Hommes de cœur et de raison. (…). Notre éthique s’est forgée et transmise à travers les siècles et les civilisations, c’est une valeur démocratique (…). Nombre de débats actuels initiés par les pouvoirs publics me semblent redoutables. Ainsi en est-il des débats sur l’euthanasie, l’acharnement thérapeutique, le secret médical, dont je crains qu’ils ne masquent, sous un alibi éthique, des préoccupations inavouables tels que le rationnement des soins et l’obligation sociale de mourir. Nous revendiquons le droit et l’honneur de mettre notre science et notre conscience au service du droit de chacun à se soigner et de rester en toutes circonstances les défenseurs du malade ».

Les principes fondateurs de l’AMDDDM restent d’une actualité saisissante, tout comme cet appel qu’il nous semble nécessaire de relancer aujourd’hui pour redevenir le fil conducteur de toute réforme, tant en médecine de ville que dans les hôpitaux.

 

 

Les principes fondateurs de l’AMDDDM, association Loi 1901 créée en 1990 par le Pr Paul Milliez* sont et resteront :

– Le respect absolu de la déontologie médicale,

– Le respect absolu de l’indépendance du médecin vis-à-vis des autorités étatiques et administratives qui

n’ont pas le droit de s’immiscer dans la relation médecin-malade,

– L’accès pour tous les malades à tous les soins de meilleure qualité de droit et sans autre limitation que le niveau acquis par les connaissances scientifiques.

Comme le déclarait le Pr Milliez : « Les règles déontologiques de la profession médicale découlent de la valeur que toute société se doit d’accorder à la vie humaine. Elles constituent un droit fondamental de l’être humain (…). La protection du malade, de l’être humain souffrant et vulnérable, est un devoir absolu pour tous et a fortiori pour les médecins (…). Au-delà même du texte de Loi, les règles de la déontologie constituent des valeurs universelles qui doivent être respectées. Aucune raison, fût-ce la raison d’État, n’autorise à transiger avec elles ».

* Le Pr MILLIEZ, médecin et résistant sous l’occupation, spécialiste mondialement reconnu de l’hypertension artérielle et pionnier de la recherche médicale, Doyen de la Faculté de Médecine de Paris Broussais — Hôtel Dieu, était surtout un défenseur inlassable d’une médecine humaniste et de la déontologie médicale protectrice des droits des malades.

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