Décès et contamination des soignants : l’heure des comptes est venue

Décès et contamination des soignants : l’heure des comptes est venue Selon les chiffres communiqués par la CARMF à l’AFP, jeudi dernier, la caisse de retraite des médecins libéraux aurait dénombré un peu moins de 4000 arrêts de travail et 21 décès liés au COVID-19 parmi ses cotisants ou ses bénéficiaires. Ces chiffres parcellaires rappellent le refus obstiné de l’administration de divulguer le décompte officiel du nombre de professionnels de santé contaminés ou décédés. Pourtant cette information existe, pour le moins à l’hôpital. Et elle présente un intérêt majeur non seulement pour la prévention des risques de contamination, mais aussi pour l’organisation quotidienne des soins et l’évaluation du soutien psychologique à apporter aux soignants.

4000 arrêts de travail et 21 décès chez les médecins libéraux selon la CARMF

La contamination au Coronavirus SARS-COV-2 est désormais automatiquement reconnue en tant que maladie professionnelle pour les médecins. La CARMF qui verse dorénavant les indemnités journalières dès les premiers jours d’arrêt de travail aurait reçu un peu moins de 4000 demandes d’indemnisation sur le portail Internet dédié qu’elle a mis en place. Ces chiffres, qui ne prennent pas en compte les contaminations à l’hôpital ou les médecins qui ne sollicitent pas l’aide de la CARMF permettent d’avoir une indication plancher du nombre de médecins réellement contaminés par le coronavirus SARS-COV-2

11 retraités, 9 actifs et un médecin en cumul emploi-retraite : tel est le tribut payé les praticiens libéraux face au COVID-19 selon la CARMF. Ce décompte n’inclut toutefois pas les médecins hospitaliers et fait largement écho aux manques de moyens de protection des médecins et des infirmiers tant en médecine de ville qu’à l’hôpital.

 « J’ai de la rage, car beaucoup de ces décès de confrères auraient pu être évités », tempête le Dr Thierry Lardennois, président de la CARMF pour le Parisien.

De son côté, Jean Paul Hamon, président de la fédération des médecins de France, lui-même touché par le COVID-19, regrette le manque de considération des autorités pour les médecins libéraux. Il aurait apprécié que lors des deux heures et demie de conférence de presse du dimanche 19 avril, le Premier ministre ou le ministre de la Santé salue le dévouement et le tribut payés par les médecins libéraux face au covid-19 en dépit de la faiblesse des moyens de protection mis à leur disposition.

« Le Gouvernement s’est refusé à tenir une comptabilisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le Covid-19 au contact des patients, puis décédés des suites de cette contamination. Le faire aurait été l’aveu public du grand mensonge d’État sur les masques et, d’une manière plus générale, les équipements de protection personnelle mis à leur disposition. » Dr. Philippe Vermesch, président du SML

Le 23 avril, Patrick Peloux, président de l’AMUF, annonce un dixième décès de médecin hospitalier

« La médecine d’urgence est en deuil avec le décès du Docteur Éric LOUPIAC, urgentiste à Lons-Le-Saunier. Il était un médecin reconnu et unanimement apprécié. Il a été atteint par le Covid 19 lors de son exercice professionnel. Son engagement syndical, sa perception des problématiques des urgences et du SMUR de Lons-Le-Saunier en ont fait un délégué de l’AMUF pertinent et pugnace pour défendre avec intelligence et talent l’hôpital public et plus particulièrement le sien. Et surtout il était un humaniste, un homme remarquable, honnête, droit et bienveillant. Il était un fédérateur pour les personnels avec lesquels il travaillait. » Patrick Peloux.

60 ans, sportif accompli, le Dr LOUPIAC était en bonne santé. Sa contamination remonte au 6 mars dernier et s’est produite lors de l’examen d’une patiente arrivée aux urgences alors qu’il n’avait qu’un masque chirurgical en guise de protection. 10 jours plus tard, il présente les premiers symptômes de la maladie. Il est alors transféré à l’hôpital de la Timone à Marseille où il est pris en charge pendant un mois.

Sa femme ne décolère pas. Elle envisage de porter plainte contre Agnès Buzyn et Olivier Véran, ex-ministre et ministre de la Santé, l’Agence Régionale de Santé de Bourgogne Franche-Comté, la direction de l’hôpital de Lons-le-Saunier et le chef du service des urgences.

21 médecins libéraux et 10 médecins hospitaliers seraient donc décédés en France des suites d’une maladie professionnelles, le COVID-19. D’autres seront probablement découverts à leur domicile puisque selon une enquête de MG France, 9 000 patients COVID seraient décédés à leur domicile. En Italie, plus de 100 médecins ont déjà payé au prix fort leur dévouement.

Infirmiers, aides-soignants, mais aussi tous les dentistes, kinés, ostéopathes, podologues venus prêter main-forte dans les unités Covid ambulatoires ou hospitalières, tous sont concernés par les risques de contamination sur leur lieu de travail, et toutes ces professions sont probablement déjà endeuillées.

88 cas graves de covid-19 et 6 décès de professionnels de santé selon Santé Publique France

Dans son bulletin épidémiologique du 23 avril, Santé Publique France recense le nombre de contaminations dans les EHPA et EMS, rapportés du 1er mars au 20 avril 2020. 13 645 cas confirmés et 18 262 cas possibles parmi le personnel soignant soient 31 907 cas au total. À l’hôpital 88 professionnels de santé, ont fait partie des 3192 cas graves de covid-19 admis en réanimation pendant la période. Sur ces 88 cas, 6 sont décédés.

L’Ordre National des Infirmiers s’est lui aussi ému de la situation. Il demande au gouvernement « un recensement précis du nombre d’infirmiers infectés et décédés des suites du Covid-19 ». « Disposer d’informations précises sur l’impact du Covid-19 sur les infirmiers relève du devoir d’information, d’abord auprès de la profession, trop souvent contrainte d’exercer sans équipement de protection adapté et en quantité suffisante, mais aussi pour l’ensemble de la population ».

L’UFML a été la première organisation professionnelle à tirer la sonnette d’alarme sur sujet. Dès le 26 mars, elle pressait urgemment le Pr Salomon d’intégrer le décompte des soignants contaminés dans ses points presse quotidiens. Le 12 avril, elle a lancé sur change.org une pétition sur le sujet qui a su fédérer plus de 11 000 signatures.

« Cette demande correspond à un besoin légitime de transparence, de suivi épidémiologique, d’organisation des forces de soins et des moyens de protection sur tout le territoire. Il s’agit aussi d’une question de respect pour toutes celles et tous ceux qui se battent au quotidien contre cette terrible maladie ».

Les autorités refusent toute transparence sur le sujet

En dépit de la multiplicité des chiffres énoncés lors de ses points presse par le Pr Salomon, aucun d’entre eux ne concerne les soignants. Interrogé sur cette absence, il rapporte au journal « Le généraliste » son malaise, qu’il s’agirait d’un décompte un peu macabre et que des professionnels de santé ne souhaiteraient pas être associés à cette démarche. Pour le Quotidien du Médecin il ajoute de manière tout aussi lénifiante que la profession n’est pas une donnée obligatoire sur les avis de décès et que le secret médical permet de conserver l’anonymat des patients.

Omerta sur le registre des soignants contaminés

En dépit de ces déclarations pour le moins surprenantes, le registre de contamination des soignants existe à n’en pas douter, pour le moins à l’hôpital dans les services d’hygiène. En effet, l’organisation des surveillances des infections nosocomiales, l’analyse des risques et la gestion des investigations sur les cas d’infections nosocomiales constituent quelques-unes des principales missions dévolues aux services d’hygiène hospitalière. Et le 3 mars dernier, le Réseau de Prévention des Infections Associées aux Soins (REPIAS) lançait un appel à l’ensemble des services français d’hygiène hospitalière pour signaler tous les cas d’infection nosocomiale à COVID-19, et ceci, « qu’il s’agisse d’un personnel ou d’un patient et que le caractère nosocomial soit possible, probable ou certain ».

La contamination des soignants est donc une information non seulement partagée régionalement avec chacune des ARS, mais aussi centralisée au niveau national par le REPIAS. Est-elle utilisée pour diligenter les enquêtes épidémiologiques nécessaires, évaluer les mesures de protection, réorganiser les soins en conséquence ? Là encore c’est un sujet sur lequel non seulement le gouvernement et les ARS manquent de transparence, mais aussi les hôpitaux au niveau local si l’on croit la dernière enquête sur le sujet du SNPHARE.

En effet, selon l’enquête COVID-PRO du SNPHARE, seuls 24 % des médecins hospitaliers ont accès à des informations sur le nombre de soignants contaminés et 37 % observent même une omerta sur le sujet.

« Le risque de pénurie de personnel a encouragé les pouvoirs publics à alléger, pour les professionnels de santé, les recommandations en vigueur pour la population générale en termes d’isolement et d’arrêt de travail, majorant ainsi le risque de contamination intersoignant et des soignants aux patients.» conclut le SNPHARE

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