Paiement forfaitaire vs paiement à l'acte : le Peps sème la zizanie entre médecins salariés et libéraux

Paiement forfaitaire vs paiement à l’acte : le Peps sème la zizanie entre médecins salariés et libéraux Au cœur des négociations conventionnelles, le modèle Peps s'invite à la table et suscite une vive controverse entre les médecins libéraux et salariés. Ce système de paiement forfaitaire, dit par capitation, opposé au traditionnel paiement à l'acte révéle des clivages profonds au sein du corps médical.

Quand le Peps s’incruste à la table des négociations conventionnelles

Les tensions ont commencé à se cristalliser après une réunion organisée par Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam axé sur le « travail en équipe et les conditions d’exercice », les avantages de ce modèle ont été présentés, provoquant une vive réaction de la part des médecins libéraux.

Pour le Quotidien du Médecin, la Dr Sophie Bauer, présidente du SML, a exprimé son étonnement et sa frustration face à cette proposition : « On croit rêver », s’est-elle exclamée, agacée. « On venait parler avec la Cnam de rémunération des actes à leur juste valeur et on nous répond forfaitisation ». Cette déclaration traduit un sentiment de déception face à une orientation jugée inattendue et non souhaitée.

MG France a également marqué son opposition. Le syndicat a clairement exprimé son refus de voir le modèle Peps inclus dans la convention médicale. Soulignant la nature « maigre et contrastée » des résultats obtenus par l’expérimentation Peps, MG France pointe du doigt le fait que sur les 16 maisons de santé ayant participé à l’expérimentation, 13 ont décidé de ne pas poursuivre l'expérience. Le syndicat refuse que ce dispositif soit imposé dans la convention médicale, mettant en avant les risques que cela représenterait pour les professionnels de santé. « Le modèle Peps, confortable pour les financeurs, fait prendre un risque considérable aux professionnels de santé », affirme MG France.

Le modèle Peps sème la zizanie

Au cœur de cette discorde se trouve le modèle Peps, un système expérimental de paiement en équipe, en vigueur depuis 2018. L'objectif initial était de rémunérer globalement le suivi d'une patientèle spécifique (diabétiques, personnes âgées, etc.) par une équipe pluriprofessionnelle. Ce modèle, prônant une rémunération forfaitaire en lieu et place du paiement à l'acte, semble s'aligner sur les directives présidentielles favorisant le développement de cette forme de rémunération.

Le Dr Frédéric Villebrun, président de l'Union syndicale des médecins des centres de santé défend ce modèle tout en mettant à l’index les médecins libéraux : « Malheureusement, l’action n’est toujours pas à l’ordre du jour (…) En faisant constamment barrage aux évolutions de notre système de santé, la médecine libérale porte une large part de la responsabilité des carences actuelles (…) Nous demandons donc qu’un secteur optionnel ouvrant l’accès au paiement à la capitation, sur la base du volontariat, soit ouvert à tous les centres de santé volontaires. 

Nos concitoyens ne sauraient plus accepter la procrastination, en premier lieu de la CNAM, alors que tout est à faire. Il y a urgence pour notre système de santé !

Nous demandons :

- L’ouverture immédiate du paiement au forfait aux centres de santé volontaires ;
- L’extension du forfait aux autres professionnels de santé (spécialiste, sage-femme, kiné, etc.) et pas seulement aux généralistes et infirmières ;
- La valorisation des caractéristiques sociales des patients ;
- La garantie de non-sélection des risques ;
- La transparence des modes de calculs des forfaits et de leur évolution !
- L’inscription dans le cadre conventionnel des algorithmes de calcul et des données utilisées ;
- La médiatisation du cadre conventionnel et l’empêchement des dérives de la financiarisation.»

Les centres de santé en faveur de l'extension de la capitation

Les centres de santé voient dans le forfait annuel par patient une opportunité pour améliorer la prise en charge globale. Ils clament haut et fort : « La prévention au cœur du métier, finie la course aux actes ! », marquant ainsi leur engagement envers une médecine plus centrée sur le patient que sur les actes médicaux.

Le Dr Jérôme Marty, président de l'UFMLS, exprime son mécontentement en des termes pour le moins cinglants : « Donc tranquille, on se fait insulter par des égoïstes qui nous la jouent moines, soldats, ou saints, sauveurs d’une humanité souffrante, alors que les médecins libéraux seraient de pitoyables ringards conservateurs uniquement motivés par l’appât du gain… ». Il rejette l'idée que la médecine salariée puisse être plus efficace ou moins coûteuse que la médecine libérale, et critique les structures de santé financées par des subventions, arguant qu'elles ne sont pas rentables et financée par les impôts.

Si les centres de santé revendiquent des avantages concrets du modèle Peps, comme l'allongement du temps de consultation, le Dr Marty, explique que dans la réalité, le temps de consultation dans ces centres est bien supérieur, que le salariat fait chuter la productivité des médecins et ne permet pas de répondre à la demande de soins : « Nous n’avons aucune leçon à recevoir de gens qui prétendent augmenter leur temps de consultation à 20 min avec le PEPS quand, dans la réalité de leurs pratiques, le temps qu’ils consacrent au patient au sein de leur exercice salarié est de plus de 30 min ».

D'un côté, les défenseurs du modèle forfaitaire cherchent à promouvoir une approche plus holistique et préventive de la santé. De l'autre, les médecins libéraux s'inquiètent des implications de ce modèle sur leur pratique et sa soutenabilité financière.

Un outil de maitrise des coûts qui transfère les risques aux prestataires de santé et au patient

La capitation repose sur un principe de transfert de risque financier du payeur, souvent un assureur ou une entité gouvernementale, vers le prestataire de soins de santé. Ce transfert s'opère à travers l'allocation d'une somme fixe par patient, indépendamment de la quantité ou de la nature des soins effectivement fournis.

Dans un système classique de remboursement à l'acte, le risque financier est principalement porté par le payeur. Si un patient nécessite des soins intensifs ou fréquents, les coûts augmentent pour l'assureur ou le système de santé public. En revanche, avec la capitation, ce risque est déplacé vers le prestataire. Ce dernier reçoit un paiement fixe et doit gérer les soins du patient dans cette enveloppe budgétaire prédéterminée. Si les soins requis dépassent ce budget, c'est le prestataire qui absorbe le coût supplémentaire, et non l'assureur.

Ce modèle incite les prestataires à optimiser l'utilisation des ressources et à se concentrer sur la prévention et la gestion efficace des maladies, car les coûts élevés liés aux traitements intensifs ou aux complications réduisent leur marge bénéficiaire. Cependant, cela soulève également des inquiétudes quant à la qualité des soins. En effet, confrontés à des contraintes budgétaires, certains prestataires pourraient être tentés de limiter l'accès aux soins ou aux services spécialisés plus onéraux, mettant ainsi potentiellement en péril la santé des patients.

Le patient, dans ce contexte, peut également être considéré comme porteur d'une part du risque. Bien que non impliqué directement dans les transactions financières, le patient pourrait subir les conséquences d'une gestion trop restrictive des soins, comme une diminution de l'accès aux spécialistes ou à des traitements coûteux. Il est donc essentiel que les mécanismes de capitation, s'ils devaient être intégrés dans la rémunération des soins primaires, soient étroitement surveillés et réglementés pour assurer un équilibre entre la maîtrise des coûts et la fourniture de soins de qualité.

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1 réaction(s) à l'article Paiement forfaitaire vs paiement à l'acte : le Peps sème la zizanie entre médecins salariés et libéraux

  • MyPassion

    SOPHIE SUGIER| 16/02/2024- REPONDRE

    capitation seule pour ces centres ,sans aucune autre source de revenus =ok mais alors on refuse l'alcoolotabagique ou lpersonne qui garde ses dérives risquées

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