Accueil > Droit médical >

L’information des proches du malade en cas de diagnostic fatal
Carine DURRIEU DIEBOLT, Avocate à  la cour

Le malade doit-il être informé de son état de santé ?
En présence d’un diagnostic fatal, dans l’intérêt du malade, celui-ci peut être tenu dans l’ignorance.


-Les proches doivent-ils être informés ?».

Il n’en est pas de même des proches du malade.

L’article 35 du code de déontologie médicale dispose à cet égard :

« Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite. »

Il s’agit donc d’une obligation imposée aux professionnels de santé.

Sur la portée juridique de cette disposition, il a déjà été jugé que : « La méconnaissance des dispositions du code de déontologie médicale peut être invoquée par une partie à l’appui d’une action en dommages-intérêts dirigée contre un médecin... » (1re chambre civile de la Cour de cassation, 18 mars 1997, Bull n°99, p.65).

L’article L. 1111 - 16 du code de la santé publique a ajouté une obligation supplémentaire que : « Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. »

L’établissement de santé doit donc présenter un formulaire de désignation de la personne de confiance.

Si une personne de confiance a été désignée, celle-ci doit nécessairement être informée de l’état de santé du malade, des thérapeutiques envisagées ainsi que du diagnostic.

-Quelles sont les sanctions encourues en cas de défaut d’information des proches ?

En cas de manquement à l’obligation d’information, les juges indemnisent la seule perte de chance de refuser l’acte médical et ainsi la perte de chance de se soustraire aux risques qui se sont réalisés.

Dans l’hypothèse d’un diagnostic fatal, le préjudice « médical » ne peut pas être invoqué.

Seul le préjudice moral peut donc être invoqué.

Ainsi, le Conseil National de l’Ordre des Médecins à la suite de l’article 35 du code de déontologie médicale précise :

« Lorsque le médecin juge qu’il doit taire à son malade une vérité alarmante, cet article lui recommande de confier ses inquiétudes à un membre de la famille (voir note 3), par prudence et par loyauté, en raison de dispositions à prendre par l’entourage et pour amorcer un nécessaire processus de deuil... »

 

Stéphanie PORCHY (Lien causal, préjudice réparable et non-respect de la volonté du patient, Dalloz, 1998) évoque « une atteinte aux sentiments d’autonomie et de dignité pouvant causer un préjudice extra patrimonial ouvrant droit à réparation » (de même de Philippe PIERRE, Médecine et droit, n°35). Et Yvonne LAMBERT FAIVRE (Droit du dommage corporel) «le défaut d’information « pur » constitue la faute causale d’un préjudice moral spécifique : la « perte des chances » semble alors le prête-nom assez ambiguë donné à ce préjudice moral».

C’est « le droit de savoir et le droit de décider en connaissance de cause, autrement dit le droit à l’information et l’exigence du consentement, au cœur du dialogue médecin - patient. »

Toutefois, les décisions de justice sont rares qui condamnent des professionnels de santé en raison d’un défaut d’information au titre de leur préjudice moral (CA Paris, 17 novembre 1983 et 9 février 1984 ; CA Metz 12 septembre 2001 ; CAA Marseille 7 avril 2005 ...).

Dernièrement, la Cour de cassation par un arrêt du 7 décembre 2004, a rejeté une demande d’indemnisation au titre de la perte de chance en soulignant que les demandes sont rejetées « en l’absence de demande au titre du préjudice moral », ce qui laisse supposer que si cette demande avait été présentée par les avocats du demandeur, les magistrats aurait pu y faire droit.

-En pratique, le défaut d’information des proches accentue le choc du décès et entraîne de ce fait une incompréhension de la situation, d’où parfois des litiges.

Par ailleurs, il induit une impréparation, alors que les proches auraient peut être souhaité, par exemple, se rassembler auprès du malade.

Il s’ensuit un préjudice d’impréparation, un choc émotionnel et un sentiment de tromperie à l’égard du corps médical.

En cas de diagnostic fatal, il est donc conseillé d’apporter une attention particulière à l’information des proches du malade.

Les +